SIA: Com­por­te­ment des struc­tures en bé­ton sou­mises au feu

Date de publication
03-09-2014
Revision
05-11-2015
Hans-Rudolf Ganz
Ingénieur civil diplômé, président de la KTN et à la tête des projets EC2G et EC2G+

L’expérience nous a montré que le béton offre une bonne protection contre l’action de températures élevées propres à un incendie, grâce à sa faible conductivité thermique et son importante capacité calorifique. 
Le comportement du béton lors de températures élevées est essentiellement influencé par deux phénomènes :
- modification du comportement mécanique du matériau (résistance, élasticité, fluage, etc.) 
- très faible perméabilité susceptible d’induire un risque d’écaillage élevé de la surface du béton
Actuellement, le premier de ces deux phénomènes est bien documenté et peut être représenté à l’aide de modèles. Quant au second, non seulement des preuves expérimentales consistantes manquent, mais en plus il n’existe aucun modèle fiable permettant de le représenter. La norme SIA 262 exige explicitement la prévention de défaillances liées à l’écaillage du béton, en appliquant des mesures constructives appropriées. 
Au cours du processus de la révision partielle de la SIA 262 : 2003 Construction en béton, il s’est avéré nécessaire de compléter la norme relative à la sécurité incendie, alors même que cela dépassait le cadre de cette révision partielle. Ainsi, début 2013, la Commission de norme SIA 262 a mis sur pied un groupe de travail (GT) « Incendie », dont l’objectif principal est d’élaborer des compléments à la situation d’incendie qui serviront de base à la prochaine révision de la norme SIA 262. Dans le cadre des discussions susmentionnées, elle a chargé ce groupe de travail de résumer dans un article l’état actuel des connaissances et de présenter les principaux objectifs et les démarches à entreprendre. Après plusieurs séances entre le groupe de travail et la commission, la publication est enfin disponible. L’article intégral peut être consulté à l’adresse www.sia.ch/fr/services/sia-norm/correctifs/, dont nous vous livrons ici un résumé.

CONCEPTS DE VÉRIFICATION


Les normes SIA 260 à 262 offrent plusieurs concepts permettant de vérifier la résistance en cas d’incendie. Aujourd’hui, les procédures de vérification reconnues en Suisse s’appliquent indépendamment des classes de résistance du béton utilisées. Les prérequis pour l’application des concepts énumérés ci-dessous sont la prévention efficace et éprouvée de l’écaillage de l’enrobage, de la perte d’adhérence de l’armature et du flambage de l’armature comprimée.

Vérification par les tables de dimensionnement


Pour divers éléments de structure, les dimensions et l’enrobage minimaux des armatures sont fournis pour chaque classe de résistance. Les données contenues dans les tableaux reposent sur l’expérience et sur les bonnes propriétés d’isolation du béton, et s’appliquent en tenant compte des conditions mentionnées ci-dessus.

Vérification par les modèles d’ingénierie


On peut calculer la résistance Rd en tenant compte de la réduction des propriétés mécaniques des matériaux à haute température. Pour ce faire, on détermine la répartition de la température dans la section transversale. La prise en considération de l’écaillage localisé est autorisée s’il n’affecte pas l’intégrité de la structure, et est pris en compte dans un modèle éprouvé. En cas d’incendie, il faut considérer les actions réduites et prendre en compte, en fonction du type de structure et du modèle d’analyse, les contraintes résiduelles. La vérification se fait alors sous la forme Ed ? Rd.
Il est également possible de simuler le comportement sur la durée de tous les éléments ou structures en fonction des sollicitations et de l’action de l’incendie. Cela nécessite des modèles par éléments finis (EF) sophistiqués et des connaissances spécialisées approfondies. 

Vérification sur la base d’essais


Les normes SIA 260, 261 et 262 autorisent également une vérification sur la base d’essais. Ceux-ci sont généralement réalisés sous feu normalisé (ISO-834) selon des prescriptions de contrôle précises (normes d’essais EN) par des instituts de contrôle reconnus. Un essai en condition d’incendie n’est valable et ne s’applique explicitement que pour l’élément qui a été testé (selon le principe : « monté tel que testé »).

Vérification selon les Eurocodes


En Suisse, les vérifications peuvent également être effectuées selon les Eurocodes. S’agissant de la vérification par les modèles d’ingénierie, il existe des modèles simplifiés pour les divers éléments de construction. Avec la publication par la SIA, en mai 2014, des paramètres d’application nationale (NA) relatifs à l’EN 1992 et, particulièrement, à l’EN 1992-1-2, cette norme peut également être utilisée en Suisse. Le choix des modèles simplifiés qu’elle contient est toutefois restreint. 

Certification des éléments de structures


Si les essais susmentionnés en situation d’incendie sont probants, une attestation de conformité AEAI peut être délivrée pour l’élément de structure testé. Celle-ci autorise l’utilisation du produit pour le domaine d’application directe (« monté tel que testé »), conformément aux dispositions suisses en matière de protection incendie. La situation est différente dans le cas d’une reconnaissance AEAI pour l’extension du périmètre d’utilisation du produit (hors du cadre des conditions d’essai) : celle-ci valide des modifications de conception et des paramètres d’application, après expertise par un organe de contrôle reconnu. On peut ainsi par exemple demander une reconnaissance d’un produit en fournissant moins de résultats de tests, étant donné que les valeurs intermédiaires peuvent être interpolées. Dans ce cas, on utilise des lois (modèles) qui ont été suffisamment vérifiées par les résultats de tests.

POURSUITE DES TRAVAUX


Pour l’application des concepts de vérification susmentionnés, l’intégrité de la structure porteuse doit être assurée, et s’il y a écaillage du béton, celle-ci peut ne plus être assurée. Malheureusement, l’écaillage du béton ne peut, pour l’instant, être reproduit avec certitude par le biais d’essais. Selon le type d’élément, des tests à grande échelle sont nécessaires. 
C’est pourquoi la standardisation du comportement d’éléments en béton vis-à-vis de l’écaillage, qui pourrait être vérifiée sur une plus petite échelle, est l’un des objectifs du GT « Incendie ». A cet effet, un programme de recherche est en préparation.
L’objectif à long terme de ce GT est de pouvoir désigner, d’un point de vue quantitatif, les propriétés du béton pour s’assurer, dans une situation donnée, que l’écaillage du béton n’est pas déterminant en cas d’incendie. Des procédures adéquates doivent être mises au point, de façon à déterminer les propriétés des bétons et des éléments qui en sont constitués.
Les partenaires envisagés pour ce projet de recherche sont l’EPFZ, l’EPFL, l’EMPA, l’AEAI, les hautes écoles spécialisées (HES), ainsi que divers partenaires industriels. Des discussions préliminaires ayant déjà eu lieu, une définition spécifique de projets devrait se concrétiser prochainement, en y intégrant les travaux actuellement menés à l’étranger.
Parallèlement aux activités de recherche susmentionnées, le GT a entrepris de compléter et réviser le chiffre 4.3.10 de la SIA 262 : 2013, « Situation de projet incendie ». En fonction de la disponibilité des résultats de ce programme de recherche, les nouvelles connaissances et concepts de vérification seront publiés, dans un premier temps, sous forme de cahier technique SIA ou directement intégrés dans la prochaine révision de la norme SIA 262.

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