Rien ne se perd, tout se trans­forme

Date de publication
03-12-2021

Malgré tous les appels à la sobriété, nous continuons de construire de manière effrénée, alors que des immeubles restent vides, inexploités. C’est certain, la transformation va devenir l’activité principale des architectes, ce qui implique une réflexion de fond sur le métier, sur sa formation, mais aussi ses valeurs. Un vrai changement de programme. Plutôt que de célébrer l’édifice nouveau, le bel objet, l’œuvre immuable et figée, valorisons la métamorphose patiente, l’accompagnement minutieux, le processus et la continuité. Plutôt que la Baukultur, célébrons l’Umbaukultur.

Certes, depuis une dizaine d’années, la transformation occupe le devant de la scène, voire les couvertures des magazines. Mais elle est devenue un genre à part entière, avec ses codes et ses figures, qui frise le kitsch conjoncturel. Dans un élan nostalgique, les vieux murs et les poutraisons vacillantes sont exposés à grands frais comme des ruines précieuses et les interventions contemporaines sont marquées, enterrant les méthodes de jadis au lieu de les ressusciter. On se demande aujourd’hui si ces bricolages postmodernes (ou post-mortem) s’inscrivent dans la durée, s’ils exploitent vraiment l’existant, ou s’en servent comme d’une coquille vide pour lancer un énième manifeste dans l’air du temps, bien vite désuet.

Rien n’indique a priori que les cinq projets présentés dans ce dossier sont des transformations. Il s’agit au contraire de tirer le meilleur bénéfice de l’existant, de «faire avec», mais dans la continuité et non dans la rupture: poursuivre ce qui est là, sans dénigrer ni imiter le passé, en exploitant plutôt qu’en figeant le patrimoine. Ces projets parlent de l’architecture de la transformation comme métier, comme pratique savante et interdisciplinaire, en impliquant usagers et maîtres d’ouvrage. Il n’existe pas de recette; chaque histoire diffère. Mais une chose est sûre: si un atelier mécanique peut être reconverti en crèche, une manufacture en logement pour séniors, un manège équestre en maison de quartier, alors non, rien ne se perd, tout se transforme.

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