Prix SIA Mas­ter Ar­chi­tec­ture 2016: am­bi­tions et réa­li­tés

Décerné chaque année par la SIA, le prix SIA Master Architecture révèle les intérêts des étudiants et les particularités pédagogiques des hautes écoles universitaires qui délivrent un enseignement en architecture. 

Date de publication
20-04-2017
Revision
25-04-2017

Distinction décernée depuis les années 1960 par la SIA, le Prix SIA Master Architecture récompense chaque année des travaux de fin d’étude soutenus dans l’une des trois hautes écoles universitaires que sont l’Accademia di architettura di Mendrisio (AAM), l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et la Eidgenössische Technische Hochschule Zürich (ETHZ). Entre 80 et 130 projets de master sont soutenus annuellement (deux sessions d’examens pour l’EPFZ, une seule pour l’EPFL et l’AAM). Pour chaque session d’examens, le jury est formé de six architectes: le président de la société spécialisée «architecture et culture» (A&C), un représentant de chacune des régions linguistiques de cette même société, un représentant du groupe professionnel architecture de la SIA et un représentant de la section locale de la SIA du canton où se trouve la haute école universitaire. (cf. encadré ci-dessous).

Incertitudes et nouveaux équilibres


Un survol des dernières nominations aux prix internationaux d’architecture, qui ont valorisé des pratiques aussi diverses et opposées que celles exercées par Alejandro Aravena, RCR Arquitectes, BIG, Rudy Ricciotti ou encore Grafton Architects, dévoile le déséquilibre et les incertitudes dans lesquels l’architecture est plongée. Incertitudes face à la digitalisation de l’architecture ou face aux nouvelles exigences environnementales imposées par les changements climatiques; déséquilibres occasionnés par l’augmentation des inégalités économiques et les crises géo-politiques qui poussent sur la route des millions de déracinés; déséquilibre face à la fragilité de référents stables soumis en permanence à la voracité d’une société consumériste où les biens et les idées sont rapidement épuisés; ou encore, déséquilibre engendré par les luttes constantes entre l’illusion globale du «tout est possible» et le renoncement local du «tout est déjà fait».

Cette situation influence plus ou moins directement la façon de concevoir mais aussi d’enseigner l’architecture. Le rapport entre pratique académique et réalité professionnelle n’est plus aussi direct et immédiat qu’auparavant et il se présente sous des formes inhabituelles et encore inconnues. Face à ces nouvelles perspectives, quels sont les instruments à proposer aux futurs architectes pour faire face à des réalités jusqu’à présent étrangères à la profession? Quelle méthodologie transmettre aux étudiants qui devront aussi bien maîtriser les notions architecturales classiques d’ordre, de cohérence et de beauté que des concepts issus des sciences sociales, économiques et encore politiques ?

Culte du paysage, métamorphose urbaine et maîtrise technique


Tout comme les lauréats des grands prix d’architecture, les projets récompensés par le jury pour la session 2016 du Prix SIA Master Architecture sont représentatifs des différents courants soutenus dans les trois institutions universitaires vouées à l’enseignement de l’architecture. Des tendances contrastées qui semblent réagir aux tensions contemporaines dans lesquelles sont plongées les praticiens. En effet, les 12 projets lauréats soulignent, d’une part, la cohérence du choix du jury et, d’autre part, illustrent les réponses données par les institutions aux incertitudes et déséquilibres évoqués.

À l’AAM et sous la houlette de l’ancien directeur Valentin Bearth, les étudiants se sont penchés sur la station grisonne de St-Moritz. De l’observatoire du territoire qui propose une promenade thématique verticale (St. Moritz Bad, osservatorio sul territorio) au geste fort d’une infrastructure publique et paysagère, qui reconnecte le village à son lac (St. Moritz, un'unica città), en passant par un hôtel-école (St. Moritz Bad, Hotel and cooking school between the city and the forest) dont la typologie et la répartition des espaces publics et privés proposent un jeu subversif entre le village et la forêt, les trois master primés sont des objets manifestes, sortes de références dans le paysage qui ont pour objectif de le sublimer. Le territoire grisonnais est perçu comme le point de départ vers un élargissement et un renouveau des cadres de vie mis à disposition des habitants. De ce fait, et en continuité de la tradition constructive tessinoise, la structure et le paysage se présentent comme les éléments principaux de composition d’un nouveau type architectural.

À l’EPFL, et suite à un premier semestre dédié entièrement à l’élaboration d’un projet théorique sous forme de mémoire, les étudiants choisissent librement la thématique à traiter dans leur projet de fin d’étude. Au-delà des réponses et des propositions formelles, la cohérence du thème interpelle. Des lieux de culte désertés et reconvertis en centre pour migrants, un cimetière reconfiguré pour répondre à sa nouvelle condition urbaine issue de la croissance de la métropole et la possible évolution et reconversion de l’abbaye Saint-André-Le-Haut à Vienne en France, posent chacun à leur manière la question de la recomposition de l’existant face aux changements socio-politiques actuels de la ville. Ainsi l’architecture se plie aux besoins contemporains urgents et s’oriente à travers de nouveaux mécanismes d’adaptation-transformation-reconversion, vers un nouveau regard sur l’ordinaire, lié aux inquiétudes de la société.

Enfin les six projets de l’EPFZ – les étudiants ont le choix entre plusieurs thématiques différentes par semestre – révèlent l’importance et le soin que la haute école zurichoise porte à la maîtrise technique et opératoire de ses étudiants. Les thématiques classiques proposées aux étudiants - l’extension de l’école d’architecture, un centre d’exposition, un nouveau quartier de logement ou encore des ateliers de formation et manufacturiers – permettent aux étudiants de s’inscrire dans un véritable processus de concours. La clarté et la technicité des propositions priment sur l’expérimentation et l’apport conceptuel. Des résultats révélateurs de l’ambition zurichoise pour qui l’enseignement est une authentique reproduction de la complexité et de l’intégrité manifeste du métier d’architecte.

Face à cette période d’hésitations théoriques et pratiques, l’environnement académique s’érige à la fois en bastion et en laboratoire d’un savoir en pleine mutation. Un exercice d’équilibriste dans lequel se trouvent actuellement immergés les trois centres de référence, dont l’enseignement doit rester favorable à la transmission d’une méthodologie stable tout en acceptant une perméabilité aux nouveaux courants et influences propices à l’innovation et au cheminement vers de nouveaux types d’enseignements. Car si l’architecture semble être un art stationnaire, elle se prête parfaitement à l’idée que le meilleur enseignement est celui qui peut s’étaler sur toute une vie.

Tous les projets primés peuvent être consultés sur notre e-dossier SIA Master Architecture 2016

 

 

Lauréats

Academia Mendrisio
Francesca Facchinii, St. Moritz Bad, osservatorio sul territorio, Atelier Frédéric Bonnet
Giuseppe Fontana, St. Moritz, un'unica città, Atelier Joao Nunes + Joao Gomes da Silva
Lajdi Sulaj, St. Moritz Bad, Hotel and cooking school between the city and the forest, Atelier Valerio Olgiati

EPFL
Sophie Didisheim, Marco Ievoli, Composition profane, Professeurs Dieter Dietz, Yves Pedrazzini, Charlotte Erckrath, Patrick Mestelan
Fanny Vuagniaux, Mort et rituel. Le cimetière de Pérolles, Fribourg, Professeurs Marco Bakker, Yves Pedrazzini, Rui Filipe Gonçalves Pinto, Tim Kammasch
Rémy Cottin, Elias Rama, Saint-André-le-Haut, continuité et ruptureProfesseurs Nicola Braghieri, Yves Pedrazzini, Sibylle Kössler, Bernard Gachet

EPFZ
semestre de printemps:
Anouchka Kaczmarekdie Brücke, der Reiter, das Quartier – Nahtstellen in Basel, Professeur Andrea Deplazes
Edwart Jewitt, An Architekture School for Zurich, Professeur Tom Emerson
Sandro Elmer, Ausstellungshaus für Architektur und Städtebau am See, Professeur Andrea Deplazes

Semestre d’automne:
Lia Giuliano, Zürich Altstetten – Wohnen in einem Quartier am Stadtrand, Professeur Dietmar Eberle
Nathalie Ender, Manufaktur und Lehrwerkstätte, Professeurs Annete Gigon / Mike Guyer
Michael Pöckl, Manufaktur und Lehrwerkstätte, Professeur Annette Spiro 

 

Membres du jury

Accademia Mendrisio
Thomas Meyer-Wieser, Astrid Dettling, Paolo Canevascini, Eloisa Vacchini, Laurent Francey, Franz Bamert

EPF Lausanne
Astrid Dettling (verhindert), Amélie Poncéty, Thomas Meyer-Wieser, Eloisa Vacchini, Laurent Francey, Franz Bamert.

ETH Zürich (semestre de printemps)
Patrick Blarer (Ersatz für Thomas Meyer-Wieser) , Michael Schmid (verhindert), Dani Ménard, Eloisa Vacchini, Laurent Francey, Franz Bamert

ETH Zürich (semestre d’automne)
Michael Schmid, Dani Ménard, Patrick Blarer, Katia Accossato (verhindert), Laurent Francey, Franz Bamert

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