Pont de la Poya

Un pont pour survoler la vallée de la Sarine

Le groupement d’ingénieurs GIPP a remporté le concours de projet du Pont de la Poya, organisé par la Ville de Fribourg en 1989. Un premier projet d’ouvrage a été déposé en 1991 sur le tracé du concours. Un deuxième projet a été élaboré en 2008 sur un tracé sensiblement modifié, sous la direction du Service des ponts et chaussées du canton de Fribourg. Les travaux ont débuté en automne 2009 et l’achèvement du gros-œuvre est prévu pour mi-2013.

Pièce maîtresse du Projet Poya qui reliera le plateau de Saint-Léonard au quartier du Schönberg, le pont de la Poya franchit la vallée de la Sarine, au-dessus de la STEP, à une hauteur d’environ 70?m. Côté nord-ouest, l’ouvrage pénètre dans un versant boisé et escarpé, jusqu’au tunnel du Palatinat. De l’autre côté, l’ouvrage s’incurve et s’élargit pour rejoindre le carrefour Bellevue.

Géologie

La géologie du site se caractérise par les éléments suivants. Le toit de la molasse saine, essentiellement gréseuse et de bonne capacité portante, affleure sous l’ensemble de l’ouvrage, à une profondeur comprise entre 0 et 16 mètres. Côté Palatinat, la molasse saine est recouverte d’alluvions interglaciaires et de moraine ainsi que d’éboulis de pente et de molasse altérée. Des alluvions interglaciaires, fluvioglaciaires et glaciolacustres ainsi que des éboulis de pente et de la molasse altérée sont présents côté Schönberg. Le fond de la vallée est recouvert par des alluvions de la Sarine et des remblais. Les couches superficielles des versants inclinés présentent une stabilité précaire, aussi bien côté Palatinat que côté Schönberg.

Conception générale de l’ouvrage

D’une longueur totale de 851,6?m, l’ouvrage avec tablier en structure mixte acier-béton comprend trois parties distinctes :
- le viaduc d’accès Palatinat de 252,6?m de longueur, essentiellement réalisé par lancement préalable de l’ossature métallique, avec des portées de 39,6, 51 et 3 x 54?m ;
- le viaduc d’accès Schönberg de 231?m de longueur, réalisé par pose conventionnelle de l’ossature métallique au moyen d’une grue mobile, avec des portées de 54, 50, 47, 45 et 35?m ;
- l’ouvrage central de 368?m de longueur, haubané au moyen de deux mâts munis d’une suspension latérale en semi-harpe, réalisé par encorbellement haubané, avec une portée centrale de 196?m et deux portées latérales de 86?m ;

Tablier mixte

Le tablier comprend normalement une voie de circulation de 3,5?m en direction du Palatinat et deux voies de circulation (3,5?m et 2,75?m) en direction du Schönberg. Une zone élargie prévoit trois voies de circulation (3,2?m, 3,2?m et 2,75?m) en direction du Schönberg. Une voie réservée aux cyclistes et aux piétons de 3,5?m de largeur est prévue côté ville, depuis le carrefour Bellevue jusqu’au chemin d’accès Palatinat, situé à proximité de la pile 2.
L’ensemble du tablier est conçu en ossature mixte acier-béton avec des entretoises métalliques de forme trapézoïdale de 1,05?m de hauteur maximale, espacées de 6?m. Les viaducs d’accès comprennent deux poutres maîtresses à âme pleine de 2,05?m de hauteur, ce qui leur confère un élancement maximal lors du bétonnage du tablier de 54 / 2,05 = 26,3. La hauteur des poutres maîtresses est réduite à 1,05?m dans la zone haubanée, avec une transition linéaire sur 16,5?m entre les piles 5 et 8. Dans cette zone, deux poutres latérales composées à âme pleine inclinée complètent l’ossature métallique pour former une grille de poutre.
La dalle de roulement en béton présente une épaisseur de 28?cm sur l’ensemble de l’ouvrage. Cette épaisseur est portée à 52?cm côté trottoir et à 47?cm de l’autre côté. Le tablier est complété par des raidisseurs latéraux de 110?cm de hauteur, dont la largeur varie de 55?cm (viaducs d’accès) à 115?cm (zone haubanée).
La chaussée présente une pente en toit de 2,5 % sur le tronçon rectiligne de l’ouvrage, entre les piles 2 et 8. Un dévers constant de 3 % est prévu sur le solde des viaducs d’accès. Le tablier suit quant à lui une pente longitudinale constante de 2 %. Sa largeur totale varie de 19,25?m dans la zone normale à 22,15?m dans sa zone élargie.

Système statique

En phase d’exploitation, le système statique de l’ouvrage est flottant sur l’ensemble de sa longueur, soit 851,6?m. Le tablier est bloqué provisoirement aux deux culées dans le sens longitudinal pendant les phases de montage. Les mâts 6 et 7, liés monolithiquement au tablier, assurent la stabilité longitudinale du système flottant en phase d’exploitation. Les piles souples 3, 4, 5 et 8 sont connectées longitudinalement au tablier ; toutes les piles sont liées transversalement au tablier par l’un des deux appuis. Deux appuis pots mobiles en tous sens et un appui de guidage longitudinal sont prévus aux culées 0 et 13.

Haubanage

Le haubanage de chaque mât est constitué de deux nappes latérales en semi-harpes de 2 x 7 haubans ancrés verticalement dans le mât (haubanage en parapluie). Les sept haubans sont constitués de 2 x 31, 3 x 37 et 2 x 55 torons de 150?mm?2 de section nominale pourvus d’une triple protection individuelle contre la corrosion :
- chacun des torons est constitué de sept fils galvanisés ;
- ils sont munis d’une gaine de protection individuelle en polyéthylène à haute densité ;
- leurs fils sont protégés par une cire à l’intérieur de leur gaine.
Les torons sont enfilés et mis en tension individuellement dans une gaine qui constitue une quatrième protection contre les intempéries. Ce dispositif permet également un échange individuel aisé des torons dans le cadre du plan de surveillance et d’entretien de l’ouvrage.
L’ancrage fixe des haubans est réalisé au-dessus du tablier, au moyen d’une tôle métallique aisément accessible dont le plan coïncide avec celui des poutres latérales de l’ossature métallique. L’ancrage mobile des haubans est réalisé dans une ossature métallique noyée dans la zone supérieure des mâts.

Fondations, mâts et piles

Les piles 2 à 5 et 8 sont fondées dans une molasse saine au moyen de deux puits ayant une section pleine de 2,4?m de diamètre. Les mâts 6 et 7 sont également fondés dans la molasse saine, à l’aide de douze pieux forés tubés de 1,5?m de diamètre. Les piles 1 et 9 à 12 ainsi que les culées 0 et 13 sont fondées dans les couches supérieures au moyen de semelles superficielles.
La conception structurale et architecturale des mâts a fait l’objet d’une analyse détaillée, étayée par de nombreuses variantes (images de synthèse de l’auteur du projet et maquettes de l’architecte). Le concept de franchissement du tablier au travers d’un mât en forme de losange, qui constituait le symbole de la solution déposée lors du concours de projet de 1989, a été conservé avec les adaptations suivantes :
- les formes ont été épurées et simplifiées par la suppression de la plupart des rainures initialement prévues ;
- le recours à un fût vertical élargi de forme hexagonale a permis d’améliorer la transition et la cohérence entre le fût vertical de grande hauteur et le losange supérieur;
La conception architecturale des piles est similaire à celle de la partie inférieure des mâts.

Fouilles et fondations

Les travaux ont débuté par les installations de chantier en décembre 2009. Rendue nécessaire par la pénétration du pont dans un versant escarpé, par le portail du tunnel ainsi que par l’aménagement d’une piste d’accès, une importante fouille a été réalisée côté Palatinat, de mars à novembre 2010, au moyen d’une paroi de béton projeté clouée et ancrée.Les travaux suivants ont aussi été réalisés en 2010 :
- fouilles à l’abri de parois clouées au droit des piles 2, 3, 4 et 8, ainsi que du mât 6 ;
- fouilles talutées au droit des piles 9 à 12 et de la culée 13 ;
- puits de section pleine excavés essentiellement à l’explosif dans les molasses saines à l’abri de tôles de protection et bétonnés en une seule étape, au droit des piles 2, 3 et 5 ;
- pieux forés tubés au droit des mâts 6 et 7 ;
- banquettes sur puits au droit des piles 2, 3 et 5 ainsi que banquette sur pieux au droit du mât 6.
La présence au-dessus de la fouille de la pile 4 d’un éperon rocheux de stabilité précaire, constitué d’alluvions interglaciaires dures, a requis d’importants travaux de terrassement, de purge et de confortation qui ont dû être réalisés partiellement en faisant appel à des entreprises spécialisées en travaux acrobatiques (techniques d’alpinisme). Cette difficulté géologique a reporté la réalisation de la fondation de la pile en 2011.
Côté Schönberg, la fondation sur puits de la pile 8, les semelles superficielles des piles 9 à 12 ainsi que la structure principale de la culée 13 ont été réalisées de septembre 2010 à février 2011.
La fouille du mât 7, implantée entre la STEP et la Sarine, a été réalisée à l’abri d’une paroi de palplanches étanches.

Piles et mâts

Les piles, qui présentent une section hexagonale creuse et sont munies d’une tête triangulaire en section pleine, ont été réalisées entre décembre 2010 et octobre 2011. Le fût vertical creux a été bétonné au moyen d’un coffrage grimpant, avec des étapes maximales de 4,2?m et une cadence moyenne d’environ une étape par semaine. La tête triangulaire pleine a été bétonnée en deux étapes. L’armature verticale est essentiellement mise en œuvre à l’aide de cages préfabriquées munies d’étriers fermés contenant quatre à six barres.
La réalisation du mât 6 est prévue de novembre 2010 à février 2012, alors que celle du mât 7 doit durer de juin 2011 à juin 2012.
Le fût vertical ainsi que les branches inclinées du losange supérieur sont bétonnées au moyen d’un coffrage grimpant, avec des étapes comprises entre 3,3 et 4?m. Les branches inférieures du mât sont bétonnées alternativement (gauche puis droite) à l’aide d’un seul outil de coffrage, ce qui requiert un dispositif de stabilisation diagonal sur la branche opposée. L’armature verticale du fût est essentiellement mise en œuvre au moyen de cages préfabriquées munies d’étriers fermés contenant quatre à six barres.
L’entretoise du losange supérieur est pourvue d’une précontrainte légèrement parabolique constituée de 16 câbles de 19 torons T15.
Nécessaire pour l’équilibrage des composantes horizontales des forces dans les haubans, l’ossature métallique en tête des mâts comprend sept étages d’environ 1,9?m de haut qui sont assemblés par boulonnage. Chacun des sept étages est livré en quatre parties assemblées sur place, également par boulonnage.

Les viaducs d’accès

Côté Palatinat, les travées 2 à 5 rectilignes de l’ossature métallique ont été mises en place par lancement entre mai et août 2011. On a suivi la procédure suivante qui, en dépit de leur fort élancement, ne prévoyait pas de haubanage provisoire des piles 3, 4 et 5 :
- livraison de la charpente métallique divisée en sept tronçons ;
- montage successif des tronçons entre les piles 1 et 2 ;
- réfection des deux premières couches du traitement anticorrosion endommagées localement lors du transport et de la mise en place ;
- lancement en cinq étapes avec dispositifs de traction et de retenue disposés entre les piles courtes 1 et 2 ;
- pose des travées courbes (1 et 2) de l’ossature métallique à l’aide d’une grue.
Le lancement s’est effectué avec des appuis provisoires munis d’une plaque en acier inoxydable sur lesquels un opérateur insère des plaques téflon-néoprène, sous les semelles inférieures des poutres maîtresses. Un avant-bec de lancement, muni d’un dispositif de relevage pour accoster les piles, permettait de limiter les sollicitations de l’ossature métallique. A la fin du lancement, la structure métallique a été déposée sur ses appuis définitifs avec un abaissement d’environ 50?mm. Le bétonnage du tablier, prévu entre octobre 2011 et avril 2012 par étapes longitudinales de 12?m, sera réalisé en une seuleétape transversale, au moyen d’un chariot conventionnel.

Viaduc d’accès Schönberg

Côté Schönberg, les travées 8 à 12 courbes et de largeur variable de l’ossature métallique seront posées entre octobre 2011 et février 2012 à l’aide d’une grue. Elles seront assemblées au moyen d’une structure métallique provisoire fixée en tête des piles. Le bétonnage du tablier, similaire à celui du viaduc d’accès Palatinat, est prévu de juin à octobre 2012.

Fléau 6

Le fléau 6 est réalisé par encorbellement haubané symétrique pour les quatre premières étapes. La longueur de ces étapes correspond approximativement aux portées entre les haubans. Le déroulement général des travaux, prévu de février à août 2012, est le suivant :
- réalisation de l’étape 1 (travée de 20?m) au moyen de 2 x 4 haubans provisoires ancrés dans le mât et mise en œuvre progressive des plateformes inférieures, des outils de coffrage et des poutres de lancement supérieures des deux côtés du mât ;
- installation de quatre haubans verticaux de stabilisation provisoire du fléau (constitués chacun de deux câbles de 13 torons T15) à proximité de l’ancrage fixe des quatre haubans définitifs de l’étape 1 ;
- encorbellement haubané symétrique des étapes 2, 3 et 4 ;
- encorbellement haubané non symétrique (porte-à-faux côté travée centrale, clavage côté Palatinat) des étapes 5, 6 et 7.
Le déroulement détaillé d’une étape d’encorbellement symétrique est le suivant :
- pose de l’ossature métallique à l’aide de la poutre de lancement supérieure en deux parties indépendantes constituées chacune d’une poutre maîtresse et d’une poutre latérale connectées par la zone extérieure des entretoises ;
- connexion des deux parties de l’ossature métallique par vérinage préalable et soudure de la zone centrale légèrement trapézoïdale des entretoises pour imposer une contreflèche transversale conique ;
- pose et première mise en tension des quatre haubans ;
- déplacement du coffrage, armature et bétonnage asymétrique (côté travée centrale le matin, côté Palatinat l’après-midi) ;
- deuxième mise en tension des quatre haubans et contrôle des niveaux ;
- déplacements des outils (plateformes, coffrages et poutres de lancement).

Fléau 7

La réalisation du fléau 7, dont le mât est sensiblement plus élancé, est similaire à celle du fléau 6 ; seuls les dispositifs de stabilisation provisoires diffèrent :
- une stabilisation diagonale (constituée de 4 x 12T15) entre la tête du fût vertical et le pied du mât 6 et de la pile 8 est requise pour achever le montage du mât lui-même ainsi que pour stabiliser le fléau sous vent longitudinal depuis le nord-ouest ;
- une deuxième stabilisation, par montage préalable de dix des 55 torons des deux haubans arrières du fléau, est nécessaire pour maîtriser le bétonnage asymétrique du tablier ;
- un haubanage vertical provisoire du fléau est impossible en raison de la proximité de la STEP et de la Sarine.

Les auteurs sont tous ingénieurs civils au sein de l'entreprise GVH Tramelan SA

 

Modèles de calcul et analyse structurale

 

L’analyse structurale a été menée à l’aide de différents modèles de calcul.
Modèle de barres global 3D (logiciel Statik 5)
- analyse des phases de montage des fléaux
- calcul des déplacements et des forces dans les haubans
- dimensionnement des fondations, des piles, des mâts et des haubans 
Modèle coque global 3D (logiciel SCIA Engineer)
- dimensionnement des ossatures métalliques du tablier et des mâts
- dimensionnement des structures métalliques des ancrages mobiles et fixes
- calculs ponctuels de comparaison avec le modèle barre 3D
- dimensionnement du tablier béton
Modèles coques locaux (logiciel Axis VM et SCIA Engineer)
- calculs ponctuels de comparaison avec le modèle barres 3D
- évaluation des contreflèches transversales de l’ossature métallique
- évaluation des contraintes dans les ancrages fixes et mobiles des haubans
Comportement structuralL’analyse du comportement structural de l’ouvrage lors du montage conduit aux remarques suivantes :
- Malgré leur élancement relativement important, la stabilité propre des piles 3, 4 et 5 lors de leur montage n’est pas critique ; 
la stabilité propre de la pile 8 est en revanche déterminante.
- La stabilité des piles 3, 4 et 5 lors du lancement de l’ossature métallique est également suffisante en admettant un coefficient de frottement usuel de 5 % au droit des appuis provisoires.
- Les déformations effectives des têtes de piles 3, 4 et 5 se sont avérées nettement inférieures aux valeurs calculées ce qui indique que le coefficient de frottement susmentionné est sécuritaire.
- La résistance à la traction des haubans n’est pas critique malgré le poids total des équipements d’encorbellement évaluée à environ 200?t de part et d’autre du mât.
- Le bétonnage du tablier est déterminant pour le dimensionnement de l’ossature métallique.
- Les poutres latérales de l’ossature métallique du tablier en zone haubanée permettent d’équilibrer la compression engendrée par le bétonnage sans recours à une structure de butonnage provisoire et sans participation des outils de montage.
- Les mesures de stabilisation provisoires des fléaux 6 et 7 rendent les sollicitations de montage non déterminantes.
L’analyse du comportement structural de l’ouvrage en phase d’exploitation appelle les commentaires suivants :
- La résistance à la fatigue des haubans n’est pas critique.
- Les séismes longitudinaux et transversaux ne sont pas critiques pour le dimensionnement des mâts.
- Le vent longitudinal est déterminant pour le dimensionnement de l’armature du
mât 6.
- Le vent transversal est déterminant pour le dimensionnement de l’armature du
mât 7.
- La flexion longitudinale des piles 9 à 12 dissociées du tablier sous trafic prépondérant et vent longitudinal concomitant est déterminante.
- Lors de la rupture accidentelle d’un hauban, la contrainte de traction dans les haubans adjacents demeure inférieure à la valeur admissible.

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