«Participer, tout simplement»
Le programme de mentoring de la SIA se veut un tremplin pour les jeunes professionnels. À l’occasion du lancement de la sixième édition, nous avons rencontré quatre participants de l’édition précédente: une mentor, Sandra König, et ses trois mentees, Lucio Crignola, Camille Schneider et Kadri Tamre.
Se soutenir mutuellement, telle est l’idée maîtresse du programme de mentoring que la SIA propose à ses membres sous la devise «par les membres pour les membres». Chaque édition, d’une durée d’un an, donne aux participants, réunis en binômes composés d’un mentor et d’un mentee, la possibilité d’échanger sur des questions issues de leur quotidien professionnel. Le programme est organisé par SIA inForm, le service de formation continue de la SIA.
Madame König, qu’est-ce qui vous a incitée à vous impliquer en tant que mentor?
Sandra König: J’avais déjà entendu parler du programme de mentoring de la SIA, mais je n’y avais jamais participé. Je craignais qu’il ne soit trop prenant pour moi, car j’ai déjà un engagement bénévole à côté de mon activité professionnelle. Lorsque le Réseau femme et SIA a lancé un appel, soulignant qu’aucune femme, ou presque, ne s’était encore proposée comme mentor, j’ai accepté, sans y réfléchir plus que cela. Il est important pour moi de soutenir et d’encourager mes cadettes dans leur parcours.
Comment décririez-vous l’évolution de vos mentees au fil du programme?
Sandra König: Tout d’abord, je trouve que le temps a passé très rapidement. Nous n’avons pas eu le sentiment d’être dans un processus long, alors que nous nous sommes vus et avons échangé assez souvent. J’ai pourtant constaté une évolution significative chez mes trois mentees : ils ont tous gagné en clarté sur leurs aspirations, sur la manière de les concrétiser, et sur la contribution personnelle qu’ils peuvent apporter pour mieux atteindre leurs objectifs.
Vous avez encadré deux femmes et un homme. Les échanges avec vos mentees ont-ils porté sur des sujets typiquement féminins ou typiquement masculins?
Sandra König: Les thèmes de fond étaient avant tout d’ordre professionnel et, à ce titre, ils transcendent les considérations de genre. Il s’agissait de questions qui se posent au fil de la vie professionnelle, telles que les offres d’honoraires, le respect des phases d’un projet, ou encore la gestion des relations avec les collaborateurs. Je pense pourtant qu’il existe des différences dans la façon de travailler ou de se présenter.
Kadri Tamre: Je suis surprise que l’on soulève cette question. Mais le fait est qu’il y a trop peu de modèles féminins qui, comme Sandra, s’investissent par exemple dans un programme de mentoring comme celui-ci. Comment concilier l’exercice d’une profession exigeante avec les enfants, la famille, les amis, ou comment diriger son propre bureau – les femmes ne sont pas les seules à se poser ces questions.
Quel a été votre plus grand défi pendant le programme de mentoring et comment y avez-vous fait face?
Sandra König: Pour moi, le plus grand défi a été d’avoir trois mentees en même temps. Je ne m’y attendais pas. Loin d’être un problème, cela a été tout à fait passionnant. Il n’y a que l’organisation qui a parfois été difficile, surtout à cause de l’éloignement géographique.
Camille Schneider: J’ai trouvé le programme enrichissant, car il a eu lieu à un moment où je devais relever des défis professionnels assez importants. Pouvoir en discuter avec Sandra, qui apportait à la fois une expertise pointue et un recul appréciable, m’a beaucoup aidée.
Kadri Tamre: Pour moi, le principal défi a été dans un premier temps de définir clairement mes objectifs, puis de les traduire en mots. On a parfois une idée un peu vague de ce que l’on veut et ce n’est pas si simple d’exprimer tout cela avec concision.
Lucio Crignola: Je suis d’accord. Quand je me suis inscrit au programme, j’avais en tête certaines idées, que j’ai eu ensuite du mal à traduire en questions précises pour en parler lors des échanges en groupe.
Quand il s’agit de formuler ses idées de manière compréhensible, pourrait-on dire que «le chemin est le but»?
Lucio Crignola: Dans une certaine mesure, oui – au sens où le mentoring nous a aidés à approfondir notre réflexion sur certains sujets. Mais il ne s’agit pas simplement de laisser les choses se faire. Le principe n’est pas juste de participer et de voir ce que cela donne.
Qu’avez-vous appris les uns des autres qui n’a rien à voir avec l’architecture?
Kadri Tamre: En ce qui me concerne, cela a été de découvrir les expériences personnelles des autres mentees et de me sentir inspirée par leur réussite. Cela m’a énormément apporté.
Sandra König: Personnellement, j’ai appris à écouter avant de donner mon point de vue.
Camille Schneider: La diversité des raisons personnelles qui ont présidé au choix d’une activité indépendante, ce qui a conduit chacun d’entre nous à décider de se mettre à son compte.
Le programme de mentoring devrait-il durer plus d’un an?
Kadri Tamre: C’est un processus que l’on ne peut pas accélérer artificiellement, car les temps de réflexion entre les séances d’échange sont essentiels. Je trouve tout de même positif que le programme soit limité dans le temps, cela oblige à se concentrer sur le processus.
Lucio Crignola: C’est une réflexion que je trouve intéressante. Le programme est effectivement court par rapport à la durée de nos projets, qui peuvent s’étendre sur plusieurs années. En ce sens, l’accompagnement que nous donne le programme est plutôt un instantané, sans en être pour autant moins utile. Mais il pourrait aussi être passionnant d’expérimenter un programme de ce genre sur plusieurs années.
Madame Tamre, Madame Schneider, comment avez-vous vécu ce programme en tant que mentees?
Camille Schneider: Je me suis mise à mon compte il y a deux ans et demi. Il m’a donc été très utile de pouvoir obtenir rapidement et facilement des réponses à mes questions, spécifiquement sur des points concrets. Ainsi, la prospection, par exemple, était un domaine complètement nouveau pour moi et Sandra m’a donné d’excellentes pistes à explorer.
Kadri Tamre: J’ai vécu le programme comme un espace d’échange entièrement autonome avec des personnes qui ne savaient rien de moi en dehors de ce que je choisissais de leur révéler. Cela m’a permis d’avoir des échanges francs, sans obstacles ni blocages. Je me suis sentie comprise, inspirée et soutenue par les autres, avant tout grâce à l’encadrement personnalisé dispensé par Sandra. Le programme offre une possibilité unique de dialoguer sur le plan privé et professionnel.
Monsieur Crignola, vous avez remporté un concours avec votre associé. Est-ce ce concours qui vous a poussé à participer?
Lucio Crignola: L’une des raisons qui m’ont incité à participer au programme de mentoring a été le fait que notre bureau connaît actuellement une phase de croissance. Nous travaillons maintenant sur des projets de plus grande envergure, comme celui de l’école Unterstrass, dont nous avons remporté le concours l’année dernière. Cela a marqué un tournant pour notre bureau, qui jusqu’alors ne comptait que deux personnes. Pour pouvoir réaliser ce projet, nous devons embaucher, et l’une de mes préoccupations était de savoir comment continuer à réaliser une architecture de qualité quand la taille de l’équipe augmente. Comment s’organiser et comment créer des conditions pour que tout le monde se sente bien?
Madame König, quels conseils pourriez-vous donner à vos pairs qui envisagent eux aussi de se proposer comme mentors?
Sandra König: Je leur dirais de ne pas hésiter. C’est une expérience formidable. L’investissement en temps est raisonnable et on peut choisir soi-même la fréquence des échanges et la forme qu’on veut leur donner, que ce soit plutôt par téléphone ou en personne. Et ce que je souhaite le plus, c’est que davantage de femmes se portent volontaires.
Madame Tamre, Madame Schneider et Monsieur Crignola, que conseilleriez-vous aux collègues qui aimeraient participer au programme comme mentees?
Kadri Tamre: De se lancer, tout simplement. Pas besoin d’arriver avec un plan précis. Mais il vaut mieux être proactif et ouvert d’esprit. Et patient, car il arrive parfois que les choses n’évoluent pas aussi vite qu’on l’aurait espéré.
Lucio Crignola: C’est aussi mon avis : participer, tout simplement! Et, avant, se demander ce que l’on veut. Il est utile et important de prendre la peine de faire cette démarche.
Camille Schneider: Personnellement, ce qui m’a aidée, c’est de savoir que j’avais toujours quelqu’un vers qui me tourner pour parler de mes défis professionnels et des questions qui en résultaient. Par ailleurs, j’ai trouvé positif de ne pas connaître les autres participants avant le début du programme. Mon conseil serait tout simplement de participer au premier échange et de voir comment les choses évoluent.
Pour écrire à l'autrice: susanne.schnell [at] sia.ch (susanne[dot]schnell[at]sia[dot]ch)
Les personnes interviewées
Sandra König, ingénieure diplômée en architecture HDK SIA FAS SWB, est associée du bureau AMJGS Architektur à Zurich;
Lucio Crignola, architecte MSc. ETH/SIA, est copropriétaire de CRRA Studio, Architekturbüro SIA à Zurich;
Camille Schneider, architecte MSc. ETH/SIA, a son propre bureau, Camille Schneider Architektur, à Bâle;
Kadri Tamre, architecte MA, est cheffe de projet au sein du bureau Bauzeit Architekten à Bienne.
Inscriptions ouvertes
La sixième édition du programme de mentoring proposé par SIA InForm commencera début 2025. Les inscriptions sont ouvertes et les demandes doivent être adressées à mentoring [at] sia.ch (mentoring[at]sia[dot]ch). Pour en savoir plus sur ce programme de mentoring : https://www.sia.ch/fr/cms/services/programme-mentoring