Les bu­reaux d’études en bonne pos­ture

Les indicateurs de la dernière enquête conjoncturelle menée par le KOF sont globalement dans le vert. Mais si les bureaux d’études se disent satisfaits de leur situation économique, le sceptre de la pénurie de main d’œuvre obscurcit le tableau.

Date de publication
31-08-2021

Les résultats de l’enquête trimestrielle menée par le Centre de recherches conjoncturelles de l’ETH (KOF) en juillet 2021 confirment la dynamique ascendante de la courbe conjoncturelle des bureaux d’étude qui rapportent une nette amélioration à la fois de la demande, de la capacité de fourniture de prestations ainsi que de leurs résultats financiers. Alors qu’en avril les réserves de travail portaient à 11,1 mois, elles passaient à 11,2 mois en juillet. Une évolution certes réjouissante, mais que l’augmentation significative du nombre de bureaux qui affirment voir leur activité freinée par la pénurie de main d’œuvre tempère. Les bureaux interrogés sont ainsi quelque 45% à déplorer ce problème, alors qu’ils n’étaient qu’environ 35% en avril. 

La pression sur les prix se relâche

Les bureaux d’études ont revu leurs attentes quant à la marche de leurs affaires à la hausse. Ils sont ainsi 11% à tabler sur une amélioration, 84% sur le maintien du statu quo et seulement 6 % à craindre une dégradation — un chiffre à la baisse par rapport à la dernière enquête. L’estimation relative à la demande et à la capacité de fourniture de prestations s’améliore également. La pression sur les prix s’est quelque peu relâchée depuis la dernière enquête menée en avril, mais sans réel impact sur les bureaux d’études qui sont 80% à n’escompter aucun changement à cet égard dans les trois prochains mois.

Les architectes fort occupés

Depuis la mi-2020, la situation conjoncturelle des bureaux d’architecture ne cesse de s’améliorer — sans renouer toutefois avec le niveau de début 2020. Actuellement, 46% des bureaux d’architecture jugent la marche des affaires bonne, 45% l’estiment satisfaisante et 9 % la considèrent mauvaise. Leurs attentes concernant leurs résultats financiers, la demande ainsi que leur capacité à fournir des prestations dans les trois prochains mois sont plus positives qu’en avril. Les architectes sont 79% à n’attendre aucun changement de leur situation économique, 16% à tabler sur une amélioration, et 5% à craindre une dégradation. Au deuxième trimestre 2021, leurs réserves de travail ont atteint un niveau qui avait pour la dernière fois été relevé début 2016. La légère augmentation enregistrée en juillet –12,7 mois contre 12,5 mois en avril — confirme cette dynamique positive. Alors que lors de la dernière enquête, la pénurie de main d’œuvre était le principal frein à l’activité des bureaux d’architecture, c’est aujourd’hui une trop faible demande que déplore une majorité de 38%. 

Les ingénieurs sur la même ligne

De leur côté, les bureaux d’ingénierie semblent sortir de leur habituelle réserve, en témoignent leurs estimations très positives de la situation conjoncturelle : 63% jugent la marche de leurs affaires bonne, 33% l’estiment satisfaisante et seuls 3% la considèrent mauvaise. Leurs carnets de commande s’allongent de 0,2 mois par rapport à la dernière enquête pour atteindre 10,4 mois en juillet. La pénurie de main d’œuvre, citée comme principal obstacle à leur activité par la moitié des ingénieurs interrogés début 2020, n’avait cessé de baisser, s’établissant à 30% au premier trimestre 2021. Avec 47% de bureaux touchés en juillet 2021, les niveaux de l’année dernière ne sont plus loin d’être atteints.

Les bourses en grande forme

L’économie semble florissante, les bourses affichent des records. Mais peut-on vraiment parler de sortie de crise? Si l’impatience de voir enfin arriver le bout du tunnel est grande, il faudra toutefois s’armer de patience. La santé retrouvée des bourses a certes annoncé la reprise, laissant présager la fin de la pandémie. Si le variant delta — ou tout autre variant que ce virus visiblement créatif pourrait encore nous réserver — devait se répandre davantage encore, les bourses pourraient très vite se refroidir. Certes, tôt ou tard, les cours boursiers finiront par se redresser, il en a toujours été ainsi. Mais comme souvent, cela se fera au profit des plus fortunés: en 2020, année de crise sanitaire mondiale, les 300 Suisses les plus riches totalisaient 707 milliards de francs (source : magazine Bilanz). Soit un plus de 5 milliards…

La reprise oui, mais pas pour tous

En contraste, les 15% de Suisses aux revenus les plus faibles ont été affectés par les répercussions de la pandémie en 2020. Selon une étude du KOF publiée début 2021, les personnes vivant au sein d’un ménage défavorisé (<4000 francs mensuels) ont subi en moyenne un recul de 20% de leurs revenus. Les auteurs de l’étude ont souligné que la crise sanitaire a, de manière générale, renforcé les inégalités inexistantes : les ménages en bas de l’échelle des revenus ont été impactés plus fort et dans davantage de dimensions de leur existence que les ménages plus aisés. En conséquence, des associations continuent d’apporter leur aide aux plus démunis. Par exemple «Essen für Alle», dont les bénévoles distribuent des denrées alimentaires à des ménages totalisant entre 1000 et 1500 personnes à Berne, Winterthour et Zurich. Ces actions ne font pas la une des journaux, mais n’en illustrent pas moins une importante vérité : la reprise économique n’est pas encore une réalité pour toutes les classes sociales. Dans un entretien récemment accordé à l’hebdomadaire alémanique Sonntagszeitung, Raphael Golta, responsable des affaires sociales de la ville de Zurich, a récemment expliqué que cela prendrait du temps, même si pour le moment le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale est actuellement très bas à Zurich, grâce notamment à des mesures telles que le chômage partiel, l’indemnisation des chômeurs ou encore le soutien financier des petites entreprises. Une question se pose dès lors: peut-on vraiment parler de reprise tant qu’elle ne profite qu’à quelques couches de la société ? Car si le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale devait fortement augmenter, tôt ou tard, tous devront en payer le prix, d’une manière ou d’une autre. Aussi la reprise économique ne se définit-elle pas uniquement par des indicateurs économiques, mais aussi sociaux. Une fois encore, il apparaît que la solidarité s’avère toujours payante, car au final, aider autrui, c’est s’aider soi-même. Ou, pour reprendre les mots du philosophe Robin Celikates: «Nous sommes tous dépendants les uns des autres, pas seulement en tant qu’enfants en bas âge, face à la maladie ou à la vieillesse: nous le sommes intrinsèquement.»

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