Le dé­ve­lop­pe­ment du ré­seau ne ré­sou­dra pas l'en­gor­ge­ment des au­to­routes

Les embouteillages ne cessent de s’allonger sur les autoroutes suisses. Le Conseil fédéral prévoit d’investir près de 13,5 milliards de francs dans l’accroissement de capacité des routes nationales. Cette mesure sera toutefois insuffisante pour mettre un terme aux bouchons.

Date de publication
07-03-2018
Revision
08-03-2018

Les bouchons qui engorgent nos routes nationales nous coûtent actuellement quelque 800 millions de francs. La paralysie de nos autoroutes, qui a augmenté de manière fulgurante en particulier au cours des dix dernières années, passant de 10 000 à 24 000 heures d’embouteillage annuelles, a un coût économique élevé. Trop élevé pour le Conseil fédéral qui veut investir environ 13,5 milliards de francs dans le développement des routes nationales d’ici à 2030 afin de décongestionner le réseau. La nouvelle a été annoncée à la mi-janvier par la conseillère fédérale Doris Leuthard.

L’initiative du gouvernement fédéral visant à lutter contre les embouteillages autoroutiers en étendant le réseau est louable et devrait lever les goulots d’étranglement les plus sensibles. Mais les expériences réalisées depuis la mise en service du premier tronçon autoroutier en 1955 et, plus encore, le bilan des 25 dernières années le montrent : cette mesure ne supprimera pas durablement les embouteillages sur nos autoroutes. De 1990 à 2016, notre réseau de routes nationales est passé de 1495 à 1840 kilomètres, soit une extension de 23 %. Dans le même temps, la population et son taux de motorisation ont enregistré une hausse de 25 %, tandis que la distance journalière moyenne parcourue en voiture par personne a progressé de 11 %. Le trafic a par conséquent doublé sur nos autoroutes et les heures d’embouteillage ont été multipliées par douze. En d’autres termes, développer les routes pour lutter contre l’augmentation actuelle des bouchons, c’est comme tenter d’écoper avec une petite cuillère un voilier qui sombre sous l’effet d’une voie d’eau grosse comme le poing. Si les embouteillages autoroutiers et les coûts qu’ils engendrent nous dérangent vraiment et que nous souhaitons réellement remédier au problème, nous devons compléter cette stratégie de développement par des mesures plus efficaces.

L’une d’entre elles est sans aucun doute l’extension parallèle des transports publics, comme cela est déjà le cas avec les projets d’agglomération auxquels le Conseil fédéral propose à nouveau d’allouer un budget de 1,1 milliard de francs. S’il voit le jour, le projet « Cargo sous terrain », dont les initiateurs viennent tout juste de lever les 100 millions de francs nécessaires au lancement de la phase d’étude, pourrait favoriser la résorption des embouteillages. Pour ce système de transport de marchandises automatisé sous terre, l’Office fédéral des routes prévoit une réduction possible d’environ 10 % des poids lourds sur les autoroutes. Très impopulaire – parce qu’elle entraîne une hausse du prix de l’essence et du diesel à la pompe –, mais à mon sens pertinente et importante, la mise en œuvre de la surtaxe de quatre centimes sur les huiles minérales décidée par le Parlement en 2016 permettrait par ailleurs de limiter la circulation. L’essentiel étant de l’appliquer, non pas à compter de 2024 comme le propose le Conseil fédéral, mais dès maintenant.

Les voitures particulières et les poids lourds automoteurs devraient aussi fluidifier efficacement le trafic. Si nous ne pouvons plus conduire nos véhicules que sur les routes nationales et qu’ils s’y déplacent et se pilotent en toute autonomie, l’efficacité de nos autoroutes en sera considérablement accrue. Nous pourrons ainsi nous laisser transporter par nos voitures et nos camions sur l’A1 de Zurich à Genève en observant des distances de sécurité très réduites et en abaissant notablement le nombre des accidents. Si tant est que nous soyons d’ici là encore au volant... Depuis 2016, l’entreprise chinoise EHang teste des drones destinés au transport des personnes. Ces appareils devraient être bientôt utilisés quelque part sur la planète pour le transport courte distance et, à moyen terme, sur de longs trajets, délestant de cette manière sensiblement les routes. Et qui sait, l’impact sera peut-être tel que nous devrons repenser notre stratégie de développement.

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