La­bels : la du­ra­bi­lité en jeu

Date de publication
13-02-2024

«Les labels, c’est du greenwashing!» – ce propos entendu régulièrement1 témoigne des préjugés et de la méconnaissance d’un jeu aux règles bien complexes. Mais quand vous vous familiarisez avec ces dernières, vous réalisez que l’enjeu diffère pour chaque joueur: chacun joue son propre jeu, et les règles ne sont pas forcément les mêmes pour tout le monde.

Pour le promoteur immobilier (Lire l'article: L’album des labels. Jouez la bonne carte!), le label est un instrument de communication, une carte intéressante à jouer dans un pays où rien ne définit un «écoquartier». Le label, c’est la garantie. Pour l’investisseur (Lire l'article: Du­ra­bi­lité de l’im­mo­bi­lier: les la­bels sont-ils la so­lu­tion?), le label est un instrument comptable : le jeu consiste à convertir des performances (essentiellement énergétiques) en valeur locative – des watts en dollars – puis à afficher la valeur de ses placements financiers sur les index ESG. Le label, c’est l’entrée de la durabilité dans la finance.

Pour l’ingénieur·e (Lire l'article: La­bel­li­ser, mode d’em­ploi), c’est un marché florissant, car cette garantie repose sur des calculs opérés méticuleusement à l’aide de dizaines d’indicateurs, dont on ne maîtrise les formules qu’à l’issue d’une formation pointue. De fait, les ingénieurs spécialisés jouent sur tous les plateaux : ils conseillent, accompagnent, certifient. Le label, c’est un métier.

Pour l’architecte (Lire l'article: "Le la­bel n’in­cite pas à une vi­sion ho­lis­tique, il met des choses dans des cases"), le label est devenu un instrument technocratique qui risque bien de remplacer l’intelligence par les chiffres – le bon sens par l’objectif de performance. L’architecte n’aime pas trop les règles de ce jeu, car la manière de calculer, basée sur des modèles standardisés, ne correspond jamais à la réalité constructive d’un projet spécifique, et n’encourage pas les pratiques innovantes. Le label, c’est la transition, pas le changement.

Pour une petite commune (Lire l'artilcle: SEED: une graine plan­tée dans les «éco­quar­tiers»), c’est un jeu de pouvoir : le label est un instrument de négociation efficace pour contraindre un promoteur privé à s’engager sur des objectifs durables. Le label est un contrat.

Pour l’association qui le porte, enfin, le label est le seul moyen d’évaluer objectivement un projet, chiffres à l’appui. Dès lors, le processus de certification peut aussi être une formation, un exercice qui permet de déconstruire les manières de faire – voire les clichés qu’entretiennent certains architectes pour ne pas faire évoluer leur pratique. D’abord concentrés sur le confort et l’énergie, les labels prennent désormais en compte les émissions de GES et la durabilité au sens large, et même la biodiversité. Parce qu’ils évoluent plus vite que les lois et les règlements, ils tirent vers le haut les exigences légales. Dans le label, c’est la durabilité qui est en jeu.

Pour vous aider à naviguer, nous vous offrons un jeu de cartes des labels et vous invitons à les collectionner et les comparer. Les processus et les thématiques varient, ainsi que les critères et les objectifs. Mais qu’il y ait 10, 30 ou 60 indicateurs, qu’importe, du moment que tous les thèmes du développement durable sont abordés. En revanche, si une démarche de certification impose de facto une solution technologique au détriment d’autres approches, si elle autorise à mettre discrètement de côté un sujet en pondérant ici ce qui manque là, si elle sert à valoriser un bâtiment flambant neuf construit sur les ruines d’un autre qui n’avait pas 30 ans2, si elle ne sert qu’à justifier des hausses de loyer, alors, oui, on pourra effectivement parler de greenwashing.

Notes

 

1. Par exemple dans TRACÉS 1/2024 dans la bouche de l’un des promoteurs interviewé.

 

2. Le label peut servir à justifier de démolir et reconstruire «vert» (le siège du CIO à Lausanne, par exemple): jusqu’à très récemment (2023), pratiquement aucun label ne prenait en compte la démolition des structures existantes sur un périmètre évalué.

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