La me­nace des murs de sou­tè­ne­ment en L

Les inspections visuelles étant insuffisantes pour évaluer l’état réel des murs en L, l’OFROU leur a consacré une étude pilote

Date de publication
03-11-2015
Revision
17-11-2015

L’évaluation de l’état d’un mur de soutènement en béton armé à semelles (appelé mur en L) est délicate, car l’inspection visuelle principale, à réaliser tous les cinq ans selon la directive OFROU 12002 Surveillance et entretien des ouvrages d’art des routes nationales, ne renseigne pas complètement sur le véritable état de l’ouvrage. 

Afin de connaître l’état réel de certains murs sur les A5, A9 et A16, d’importants travaux d’investigations destructifs (carottages, puits amont avec dégagement d’armature, hydrodémolition, etc.) ont été menés sur une cinquantaine de murs entre 2007 et 2012. Ces investigations ont confirmé le danger de ruine soudaine des murs en L en raison des pertes de section par corrosion de l’armature principale, pertes concentrées au droit de la reprise de bétonnage parement-semelle (fig. 2). A noter qu’aucun signe de corrosion (trace de rouille, éclatement du béton) sur le parement côté terre n’a été constaté et seule la mise à nu des armatures par piquage ou hydrodémolition a permis de mettre en évidence les pertes de section. Les résultats obtenus ont également montré que la corrosion peut être présente sans chlorures. Dès lors, tous les murs de ce type, présentant un mauvais béton d’enrobage en pied, peuvent être victime d’une corrosion ponctuelle de l’armature principale au droit de la reprise de bétonnage parement-semelle, ce qui réduit fortement leur sécurité structurale.

Pertes de section dans une zone très critique


Tous les dégâts mis en évidence par des investigations destructives (en particulier la corrosion avec perte de section des armatures) se situent dans des zones où le béton d’enrobage présente des défauts locaux tels que nids de graviers ou porosité très élevée, qui se combinent parfois avec un enrobage insuffisant au joint semelle-parement (voir le document ci-joint Type de rupture des ouvrage). Dans un mur en L, celui-ci est un élément critique dans lequel se superposent des difficultés d’exécution (ségrégation du béton, vibration insuffisante, perte de laitances en fond de coffrage) et des exigences statiques élevées, puisque cette zone est la plus sollicitée d’une structure qui fonctionne de façon isostatique. De plus, la présence de nombreux joints de dilatation ne permet pas d’assurer, en cas de perte de résistance de l’armature principale, une redistribution des efforts menant à des déplacements importants qui révéleraient le comportement anormal du mur.

De manière générale, le front de carbonatation n’est pas profond dans cette zone critique et aucune substance favorisant la corrosion n’y a été trouvée ni dans le béton, ni dans le sol. La corrosion est uniquement due à un béton poreux et éventuellement à une épaisseur d’enrobage trop faible des barres. Des dégâts liés à un enrobage insuffisant ont aussi été constatés sur la semelle de certains ouvrages.

Des statistiques ont été établies à partir de neuf campagnes d’investigations réalisées entre 2007 et 2012 (A5, A9, A16 et H10-NE) au cours desquelles un total de 1281 barres d’armature réparties sur 259 panneaux de 56 murs ont été investiguées. Les statistiques intègrent les éléments suivants:

  • pourcentage de perte de section,
  • état du béton,
  • forme de la perte de section,
  • année de construction,
  • position de l’investigation,
  • présence de chlorures,
  • enrobage des barres,
  • position du mur par rapport à l’autoroute ou autre (amont / aval),
  • localisation du mur,
  • présence d’une cravate.

La carbonatation, qui n’est en général pas critique, et l’état du drainage, qui ne fonctionne plus correctement (détérioré ou bouché) dans la plupart des cas, n’ont en revanche pas été analysés.

Selon la statistique, 24 % des barres investiguées présentent de la corrosion avec pertes de section. La perte de section moyenne des barres corrodées est de 37%, celle de toutes les barres étant de 9%.

Etude pilote sur les murs en L


Pour répondre à la problématique des murs en L, l’­Office fédéral des routes (OFROU) a défini, en collaboration avec le groupe de travail recherche en matière de ponts (AGB), une série d’objectifs d’étude pour mieux cerner le processus de détérioration des murs de soutènement béton armé en L et mieux comprendre leurs comportements à la rupture. Parallèlement, afin d’évaluer l’état global des ouvrages, des recherches ont été faites pour développer des méthodes d’investigations alternatives aux méthodes ponctuelles et destructives qui soient peu ou pas destructives, rapides, uniformes et peu coûteuses. 

Ces objectifs ont fait l’objet d’une étude pilote menée entre 2012 et 2014, dont les principales conclusions sont:

  • La corrosion constatée à la reprise de bétonnage à l’angle parement-semelle est due à un enrobage des barres par un béton poreux (nid de gravier) qui n’assure pas une protection alcaline des barres. Dès lors, une corrosion électrochimique par macroélément se met en place. Elle est localisée au droit de la reprise de bétonnage parement-semelle. Il est important de noter que ni les chlorures, ni la carbonatation du béton, ni la chimie du sol ne sont la cause initiale de cette corrosion. Selon le type de corrosion, sa vitesse de propagation dépend de beaucoup de variables locales. Avant d’aller plus loin, il a été jugé prioritaire de définir une méthode d’évaluation fiable et représentative de l’état réel des ouvrages avant de poursuivre les recherches sur la vitesse de corrosion.
  • Une analyse exhaustive, à échelle réelle sur un ouvrage test, des méthodes peu destructives disponibles sur le marché a été effectuée. Le résultat de cette analyse a mis en évidence une seule méthode prometteuse: les mesures de potentiel ponctuelles associées aux mesures par impulsion galvanostatique. Cependant, cette méthode, appliquée sur trois ouvrages tests de l’A9 en 2013 ne s’est pas révélée concluante: elle n’est actuellement pas suffisamment fiable pour déterminer la présence de corrosion et, de plus, ne permet pas de déterminer les pertes absolues de section d’armature.
  • La rupture des ouvrages de soutènement soumis à une dégradation par perte de section de l’armature est à considérer comme non ductile (plastification de l’armature sur une zone très localisée due à une perte ponctuelle de section et système isostatique ne permettant pas de redistribuer les efforts). Les ouvrages avec des contreforts sont, à ce stade de connaissance, à considérer de façon analogue à des murs sans contreforts.

L’objectif de trouver un moyen d’investigation peu destructif et moins ponctuel n’ayant pas pu être atteint, le relevé de l’état doit être poursuivi avec des méthodes d’investigations ponctuelles et invasives qui respectent la directive OFROU 12002 Surveillance et entretien des ouvrages d’art des routes nationales.

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