La cité du lig­non 1963-1971

Une étude sur la restauration de la cité-satellite de Vernier

Date de publication
02-04-2013
Revision
10-11-2015
Cedric van der Poel
Codirecteur d'espazium.ch, espace numérique des éditions pour la culture du bâti

Ce hors-série de la collection « Patrimoine et architecture » publié chez Infolio a deux bonnes raisons de figurer dans ce numéro. D’abord, La cité du Lignon 1963-1971. Etude architecturale et stratégies d’intervention porte, comme son titre l’indique, sur l’un des seuls grands ensembles construits en Suisse. Ensuite, cette publication décrit l’étude menée par le laboratoire des Techniques et de la Sauvegarde de l’Architecture Moderne (TSAM) de l’EPFL sur la restauration de la cité du Lignon ; étude couronnée la semaine dernière par le prix Europa Nostra. Lancé conjointement en 2002 par Europa Nostra et la Commission européenne, il récompense des initiatives exceptionnelles en faveur du patrimoine culturel européen. Et c’est bel et bien deux initiatives exceptionnelles que ce livre détaille : la réalisation à la fin des années 1950 d’un bâtiment dont les qualités architecturales, urbanistiques et paysagères seront reconnues bien au-delà des frontières cantonales et nationales, et l’approche analytique et systématique du professeur Franz Graf et de la chercheuse Giulia Marino. Ils ont imaginé un programme de rénovation énergétique de la cité qui préserve l’unité architecturale de l’ensemble. 
Organisé en deux parties, le livre s'attarde premièrement sur les qualités et les innovations de l’ouvrage des architectes genevois Georges Addor, Dominique Juillard, Louis Payot et Jacques Bolliger. Construite entre 1963 et 1971 pour faire face à la sérieuse crise du logement que connaît Genève depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la cité-satellite de Vernier est exemplaire à plus d’un titre. La construction respecte le modèle européen des cités-satellites en ce qu’elle offre un nombre considérable de logements couplés à de multiples infrastructures publiques et sociales, mais son implantation rompt avec la grille orthogonale du postulat du mouvement moderne qui préconise la juxtaposition de tours et de barres. Influencés par l’urbanisme linéaire et l’ensemble Toulouse-le-Mirail, les concepteurs optent pour un « développement en longueur du bâtiment principal d’un seul tenant », ponctué par deux tours qui offrent à tous les habitants des appartements traversants sans aucun vis-à-vis. Ce choix a permis d’éviter le morcellement des espaces non construits, une très faible occupation du sol et le développement d’infrastructures publiques et d’aménagements paysagers de grande qualité. 
L’impératif de temps et de coût ainsi que le choix typologique ont obligé le bureau d’ingénieurs Weisz a opter pour des méthodes encore inédites en Suisse : le procédé de construction industrialisé dit de « coffrage tunnel » utilisé pour la structure porteuse et un principe de préfabrication pour les 125 000 mètres carrés de l’enveloppe de type curtain-wall.
Le caractère pionnier, l’originalité de l’implantation et les innovations techniques de l’ouvrage poussent les autorités cantonales à reconnaître la valeur patrimoniale du Lignon. Elles lancent en 2008 une procédure légale de protection des bâtiments et du site, ainsi qu’une étude architecturale et énergétique des enveloppes de la cité-satellite. Détaillée dans la seconde partie du livre, cette étude menée pendant trois ans par le TSAM de l’EPFL a eu pour objectif de mettre au point des stratégies d’amélioration énergétique des enveloppes qui en respectent les qualités architecturales de l’ensemble. Pensée comme une aide à la décision, l’étude a permis de définir, selon plusieurs critères, les modèles d’intervention les plus efficaces.
Si l’historique de la construction du Lignon est passionnant, la description de la méthodologie et des résultats obtenus par l’étude du laboratoire de l’EPFL ne le sont pas moins. Ce livre aborde la question de l’émergence d’un nouveau patrimoine, celui du 20e siècle, confronté à des exigences inédites de durabilité. Il y donne une réponse précise et fondée : les interventions respectueuse de l’existant peuvent être économiquement avantageuses et offrir de très bons résultats d’un point de vue énergétique. Comme le souhaite Franz Graf en conclusion, nous ne pouvons qu’espérer que cette étude constitue « un précieux précédent, à appliquer à un corpus d’objets similaires – production courante du second après-guerre comprise –, c’est-à-dire à la part principale du cadre bâti contemporain ».

 

Patrimoine et architecture - Hors-série janvier 2012 - La cité du Lignon 1963-1971. Etude architecturale et stratégies d'intervention

Sous la direction de Franz Graf, 
Editions Infolio, 2012 / Fr. 32.-

Étiquettes

Sur ce sujet