In­ter­ven­tions pré­cises pour grands ef­fets

Datant des années 1960, le bâti­ment administratif du zoo de Berlin était pourvu d’une enveloppe modulaire peu iso­lante. Une nouvelle façade bois et quelques adaptations internes conçues par ZRS Archi­tekten démontrent que cela ne justifiait nullement une démolition.

Date de publication
11-06-2021

Au départ, le projet portait sur un problème on ne peut plus courant : la nécessité de rénover la façade d’un bâtiment original de type « SK Berlin », dont la composition en modules expérimentaux allégés constituait la principale déficience du centre ­administratif du zoo de Berlin. Dans un cadre acier profilé en U, ces modules associaient deux couches de plâtre et un « noyau isolant » à une plaque de revêtement extérieur amianté. Des éléments qui laissaient quasiment pénétrer le climat extérieur dans le bâtiment, où les usagers disaient se sentir comme sous une mince toile de tente. C’est pourquoi l’édifice a été vidé en 2012 et ses occupants répartis en différents endroits du zoo qui s’étend sur 160 ha – une option assez défavorable à une collaboration efficace. On n’avait alors guère prêté attention au dispositif interne du bâtiment, mais l’équipe de ZRS ­Archi­tekten en a vite ­reconnu les qualités et a progressivement et patiemment su les faire reconnaître à son commanditaire.

Parfaitement dimensionné jusqu’à aujourd’hui

Après quelque 60 ans, la taille du bâtiment et ses locaux demeurent presque exactement conformes aux besoins actuels, avec des bureaux d’environ 15 m2, bénéficiant de l’éclairage naturel et pouvant aisément accueillir deux postes de travail. Outre que ce bâti renferme une importante quantité d’énergie grise, nombre d’éléments originaux, tels que des armoires intégrées, des sols en granito et un plafond acoustique parfaitement fonctionnel y étaient toujours en bon état. C’est pourquoi l’avant-projet présenté par le bureau berlinois, lors d’un processus d’adjudication à deux degrés, misait sur un large maintien de l’existant mais dans une enveloppe hautement isolante.

Leur approche ayant convaincu, ZRS ­Architekten ont reçu en 2017 le mandat d’assainissement et de remise en état du bâtiment. L’opération s’est déroulée en deux phases : un remplacement intégral de la façade vétuste, suivi de la réhabilitation et de minimes adaptations de l’intérieur. Tous les intervenants étaient alors conscients que l’option de préserver un maximum de substance impliquait un volume de travail beaucoup plus important, de fréquentes controverses autour de la solution optimale et des responsabilités accrues sur leurs épaules. Par ailleurs, et notamment en Allemagne, il est difficile de trouver des artisans prêts à innover pour relever les défis que pose un tel chantier. Durant l’exécution, il a ainsi fallu maintenir un contrôle étroit sur les équipes engagées et régulièrement leur rappeler de traiter les aménagements intérieurs avec délicatesse. Le concept de protection incendie a également exigé des études plus poussées que d’habitude face aux par­ticularités de l’existant. Enfin, les retombées financières d’éventuels impondérables n’étaient que difficilement estimables.

Atouts du bâti modulaire exploités

La première phase de travaux a vu le démontage de la vieille façade, puis le tri des matériaux la composant, avant leur élimination dans les règles de l’art. On a conservé les anneaux d’armature auxquels l’ancienne enveloppe était fixée pour y arrimer les nouveaux modules en bois. Un aspect crucial de ce remplacement était le poids propre du nouveau dispositif, qui ne devait pas excéder celui de l’ancien bâti pour éviter de devoir recalculer la statique. Afin d’insérer aussi exactement que possible les nouveaux panneaux de façade dans les fortes tolérances de l’existant, on a, d’une part, réalisé un modèle 3D basé sur un scan laser et, de l’autre, procédé au ­redressage manuel de la bordure en béton.

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L’exécution de la nouvelle enveloppe se prolongeant au cours de l’hiver, on a profité d’un autre atout constructif : l’assemblage a pu être poursuivi sans interruption et indépendamment des températures externes, car seul l’habillage vertical en mélèze était réalisé sur place par les ouvriers. L’approche durable des architectes a motivé le choix de matériaux entièrement biosourcés pour cette nouvelle peau, dont les éléments peuvent être déconstruits après usage et éventuellement réaffectés. Dans la zone des cages d’escalier, la nouvelle ­façade est crépie en blanc et ornée de silhouettes d’oiseaux, un clin d’œil à la sobriété du reste.

Potentiel patrimonial reconnu

L’intérieur conserve le plus possible d’éléments originaux, ceux-ci n’étant remplacés que lorsque la sécurité ou les transformations minimales l’exigeaient. Parmi les modifications, citons des portes coupe-feu soigneusement placées, un câblage ­informatique conçu avec pragmatisme et les nouveaux locaux créés près de l’entrée ­principale déplacée. Tandis que les armoires plaquées chêne, encastrées d’origine, ont largement pu être préservées au premier étage, il n’en reste en revanche qu’une seule au rez-de-chaussée. À ce niveau, un revêtement de sol contenant des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) qui allait jusque sous les armoires posait problème ; or, la structure de celles-ci ­excluait un démontage et une remise en place de la plupart d’entre elles. Ainsi, seul le ­« salon vert » du rez, qui sert de salle de conférence, conserve aujourd’hui un exemplaire particulier de ces bijoux. Les artisans y ont soigneusement dégagé le fond des armoires pour revêtir le plancher, ainsi que tous ceux des pièces de séjour, d’un film ­faisant barrière aux émanations nocives, lequel a ensuite été recouvert d’une chape fluide. La pertinence de cette solution a été confirmée par les mesures de qualité de l’air effectuées après travaux.

Les économies d’énergie résultant de l’assainissement ne peuvent être détaillées pour ce projet, car le centre administratif est, avec l’ensemble des autres bâtiments du plus grand zoo d’Europe, raccordé à un réseau de chauffage local équipé de son propre bloc de cogénération. Jusqu’à la réhabilitation, la fourniture interne de chaleur à l’administration ne pouvait donc être mesurée séparément, d’où l’absence de données ­précédant le renouvellement de la façade. Mais l’analyse comparative entre cette ­démolition partielle avec rénovation de l’intérieur et une démolition totale avant construction à neuf est sans équivoque : que l’on parle d’équivalents CO2 ou d’énergie primaire totale, à raison de quelque 75 %, les gains sont énormes.

Outre ce bilan énergétique extrêmement réjouissant, un aspect tout aussi important mérite d’être relevé : le personnel administratif, resté très attaché à « son » ­bâtiment, malgré ses défauts, y a retrouvé les valeurs appréciées dans un climat d’une bien meilleure qualité.

Participants au projet

 

Maître d’ouvrage : Tierpark Berlin-Friedrichsfelde, Berlin

 

Architecture : ZRS Architekten, Berlin

 

Statique : ZRS Ingenieure, Berlin

 

Gestion de projet : IBPM, Gesellschaft für interdisziplinäres Bauprojekt­management, Berlin

 

Construction en bois : Charpenterie ­Sieveke, Lohne/Oldenburg

 

 

Facts & Figures

 

Surface de plancher : 3345 m2

 

Surface utile : 2256 m2

 

Livraison rénovation : 2019

 

Année de construction : années 1960

Commandés par l'Office fédéral de l'environnement, les numéros spéciaux suivants sur l'économie circulaire ont été publiés par Espazium - Les éditions pour la culture du bâti :

 

No. 1/2021 «Architecture circulaire: Bâtiments, concepts et stratégies d’avenir»

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