Ins­trui­sons-nous dans les bois

En visite sur le domaine de Bois-Genoud à Crissier (VD), Local­architecture présente un pavillon conçu pour l’École Rudolf Steiner. Concepteurs d’un précédent ouvrage sur ce même site (2014) et d’une surélévation à Genève pour la même maîtrise d’ouvrage, ils composent une nouvelle variation autour de la construction scolaire en bois ouverte sur un paysage.

Date de publication
30-09-2024
Jaouida Zehou
Architecte à Paris et Lausanne, membre du Groupe Architecte de la SIA Vaud.

À l’heure de la végétalisation des cours d’écoles et de la création d’espaces extérieurs accessibles aux enfants, le campus de l’École Rudolf Steiner de Lausanne a pris le parti en 1992 de s’installer au milieu d’une réserve naturelle Pro Natura et de limiter l’artificialisation des sols qu’elle occupe. Nichés dans le domaine de Bois-Genoud, les huit pavillons, s’organisent en couronne autour des espaces de rencontres et d’échanges (le réfectoire et la salle commune). C’est à la lisière nord de ce terrain que le pavillon B2 accueille depuis la rentrée 2023 les élèves de 12 à 15 ans des classes moyennes. Il s’inscrit dans la continuité d’un pavillon réalisé en 2014 (B1), dont il reprend certains principes. Comme celui-ci, le bâtiment préserve les arbres existants et profite de l’ombre d’un saule, d’un frêne, d’un tilleul et d’un érable champêtre qui réduisent l’ensoleillement dans les classes. Accessible de plain-pied sur ces deux niveaux, depuis la cour sud au rez-de-chaussée et depuis la passerelle au R+1 au nord, le pavillon est légèrement replié vers le campus et fermé sur sa façade nord, pour préserver les élèves des nuisances des infrastructures voisines (autoroute et ligne à haute tension). Sa forme en accordéon compact a permis de garder une flexibilité programmatique au cours du développement du projet qui aurait pu élargir ses trames et accueillir deux classes supplémentaires. Son épaisseur de 11 m supporte la disposition de trois classes par niveau, en pivotant l’orientation des classes aux extrémités. Elles profitent ainsi de trois orientations. La circulation intérieure en T privilégie la relation visuelle entre les classes et la cour et crée un espace traversant, au niveau de l’inflexion de la charpente.

La didactique comme modèle constructif

Au milieu des pavillons colorés issus du réemploi des cantonnements de chantier utilisés lors de la construction de l’autoroute A1 (1964), les deux pavillons B1 et B2 présentent une écriture simple et expressive. La charpente est lisible aussi bien depuis l’intérieur que de l’extérieur du bâtiment et la structure en portique aisément identifiable grâce à la teinte plus sombre du mélèze. À l’endroit des salles d’eau, le bardage des remplissages, plus clair, est orné de découpes en forme de losanges qui rappellent la géométrie de la charpente. Le bardage crénelé souligne à la manière d’une frise les menuiseries extérieures et pare la façade d’un élément d’ornement modeste.

La toiture à double pente inversée, sa large noue centrale et les grands dégorgeoirs sur les pignons mettent en lumière le circuit de l’eau. Du toit au puits d’infiltration central, les eaux pluviales cheminent le long d’un réseau de canaux à ciel ouvert, offrant autant d’occasions de jeux pour les enfants. À l’intérieur, la construction du mur situé sous la faitière en brique de terre crue a été l’occasion pour les élèves de contribuer à la réalisation de leur future école, en compagnie d’apprentis maçons.

La classe comme une cabane

Au sein d’un campus scolaire, totalement ouvert, Localarchitecture combine l’ensemble des échelles. En remplaçant l’ancien pavillon, il renforce le lien entre les différents bâtiments et leur environnement, et apporte un soin particulier aux détails de l’aménagement des espaces, qui tendent vers une architecture ­domestique. Dans les classes, les parois pleines en bois, les fenêtres dimensionnées selon la trame régulière des portiques, le plafond acoustique nervuré entre les poutres apparentes confortent une atmosphère calme et simple. Lors de la visite, les vues dégagées sur un paysage boisé et champêtre, quelques vaches broutaient, ont participé à l’émerveillement. Elles procurent un sentiment de ­quiétude et de curiosité pour explorer le monde qui nous entoure.

La proposition de Localarchitecture témoigne de la volonté commune des architectes et de la maîtrise d’ouvrage de réaliser un bâtiment dont la construction est intégrée au cycle pédagogique et durable par sa forme et ses matériaux, et dont l’expérience quotidienne est fluide, perméable à son environnement et ludique.

Second pavillon pour l’École Rudolf Steiner de Lausanne, crissier (VD)

 

Maître d’ouvrage: École Rudolf Steiner de Lausanne

 

Architecture et direction des travaux: Localarchitecture

 

Ingénieur civil: Bernard & Forestier

 

Ingénieur bois: Mivelaz Techniques Bois

 

Ingénieur thermicien: Perenzia

 

Ingénieur acousticien: Acustica

 

Procédure: Mandat direct

 

Surface de plancher totale: 932 m2

 

Volume SIA: 3262 m3

 

Projet: 2018-2022

 

Réalisation: 2023

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