Ha­bi­ter à sa me­sure

Visite d'une maison individuelle à Sainte-Croix, imaginée par bunq architectes. Le propriétaire, menuisier de profession, a apporté son savoir-faire à cette construction de bois.

Date de publication
30-10-2012
Revision
01-09-2015

A Sainte-Croix, la maison d’un menuisier réalisée entièrement en bois avec bunq architectes révèle une architecture collaborative faisant appel à une certaine forme de compagnonnage qui répond notamment aux problématiques de développement durable. Si les qualités architecturales et constructives de cette réalisation apparaissent de prime abord, sa véritable richesse pourrait résider dans la coopération qui l’a rendue possible.
La visite commence par la traversée de la menuiserie. On y trouve l’odeur du bois, celle d’un matériau qui imprègne ce qu’il contient. Puis on passe à la «cabane», il s’agit en fait d’une habitation pour Denis Mayland. Menuisier de profession, ce dernier fabrique entre autres des fenêtres en bois, comme celles qu’utilise bunq dans certains de ses projets. Il nous apprend qu’il est en train de passer la main à son fils.
Cette maison n’est pas sans évoquer un chalet Jeujura dans son mode d’assemblage. Il y a ainsi une réelle adéquation entre les plans qui ont été faits et les rêves de ses habitants. Elle est attenante à la menuiserie, en limite du jardin. Les deux façades longitudinales sont faites d’un bardage croisé en bois modulable, à la manière des claustras. Les façades pignon sont entièrement vitrées. A l’arrière, on remarque ce qu’on découvrira une fois à l’intérieur : un superbe poêle à bois avec un accumulateur de chaleur desservant le chauffage par le sol.
En haut des marches, on salue au travers d’une percée, Anne-Lise Mayland qui se tient dans la cuisine. Plusieurs essences s’entremêlent au sein même des différents espaces : sapin, mélèze, érable, chêne. Cela participe au caractère brut, à la franchise de l’ensemble. On fait avec les moyens du bord, comme on fabrique sa cabane.
Une loggia en double hauteur, un espace caméléon pouvant s’ouvrir entièrement en été, marque l’entrée et sépare le «bureau» (un carnotzet) des pièces de jour. Elle ne cherche pas à compartimenter les espaces qui la composent. Ses parties communiquent, que ce soit par des ouvertures ou bien des axes visuels qui unifient le tout.
On a affaire ici à une architecture du partage, où chacun apporte ce qu’il sait faire de mieux, en complémentarité. Le maître d’ouvrage était lui même le client et les architectes de bunq ont eu à composer avec quelqu’un qui maîtrisait toutes les étapes de la réalisation.

Economie de moyens

Son savoir-faire a contribué à l’optimisation du chantier par une économie de moyens, comme la possibilité de préfabriquer les éléments sur place, et le fait que le commanditaire a mis la main à la pâte. Ainsi, les cinq premières charpentes de la structure ont été montées à la main par les Mayland en attendant la grue qui tardait. Finalement, ce n’est pas grave si les choses ne sont pas telles qu’elles avaient été planifiées.Ce qui compte, et qui fait de ce projet une réalisation participative, c’est la marge de manœuvre. Participer ne signifie pas tant faire partie que prendre part, s’approprier.
C’est le genre d’épreuve qui pourrait bien régénérer l’acte de vivre et de transmettre. Ainsi, véritablement, le pari de réunir la demeure et l’expérience semble réussi. Ici, l’autoconstruction s’avère capable de redéfinir globalement le projet.
Il n’y a plus d’opposition entre le menuisier, l’ingénieur, l’architecte, mais un équilibre qui s’instaure naturellement entre les spécificités de chacun. Les liens sont rétablis, cela permet à tous de produire de manière souple, à partir des ressources locales et des moyens techniques de proximité 
La façon dont les architectes de bunq ont collaboré avec le menuisier est une démarche équilibrée et attentive, sachant concilier les techniques de production standard avec l’autonomie et la liberté de l’artisan. Ce type de construction mesurée entre en adéquation avec le contexte dans lequel elle s’inscrit. Quelque chose circule entre le dehors et le dedans. 
Le choix du bois n’est pas sans rapport avec l’histoire du lieu. Mais c’est bel et bien l’architecture qui a su créer un lieu de vie: elle a su fixer les sensations à travers les mots choisis pour le faire. Et il faut bien entendre, comprendre à quel récit, quelles histoires, les mots correspondent.

On arrive à Sainte-Croix par le train

C’est ici que se faisaient les célèbres boîtes à musique Reuge, ouvrages en marqueterie d’une finesse hors pair. Aujourd’hui, il y a le musée des boîtes à musique et des automates (le CIMA) qui regorge de trésors. Chacun y a contribué de son mieux. Un des anciens médecins a même reconstruit d’anciennes scènes et les a offertes au musée. Autrefois, toutes les femmes à la fin de leur journée posaient les plumes du mécanisme, d’ailleurs il reste quelques maisons qui possèdent encore ces fenêtres d’ateliers, à l’étage. Autrefois le train montait les gens et aujourd’hui il les descend. Si les boites de musiques ont disparu de la vie de tous les jours, elles restent encore présentes dans les esprits. La maison par bunq, faite de bois de différentes essences, leur rend un discret hommage. J’ai posé mes pieds à Sainte-Croix et j’ai eu envie d’y habiter.

 

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