Éta­blis­se­ment du bi­lan éco­lo­gique pour la cons­truc­tion de bâ­ti­ments

Le nouveau cahier technique SIA 2032 est paru en août 2020, dix ans après sa première édition. La révision en valait la peine puisque le document a gagné en simplicité et en clarté, tout en renforçant le lien aux principes méthodologiques qui le sous-tendent.

Date de publication
18-03-2021
Katrin Pfäffli
architecte dipl. EPF SIA, membre de la Commission SIA 2040, spécialisée en développement durable, chargée de cours à la ZHAW, propriétaire du cabinet d’architecture K. Pfäffli à Zurich.

Tandis que le premier cahier technique SIA 2032 faisait œuvre de pionnier en 2010, sa refonte a été placée sous le signe d’une consolidation, d’un toilettage et d’un redéveloppement ciblé. La clarification des notions employées en a constitué l’un des éléments centraux et cela apparaît déjà dans l’intitulé du nouveau cahier. En effet, alors que le terme initial «énergie grise» se réfère à l’indicateur principal pour établir le bilan d’effets environnementaux, la suite du titre «établissement du bilan écologique pour la construction de bâtiments» indique que les principes élaborés valent également pour d’autres indicateurs, et notamment – comme le cahier le précise explicitement – pour les émissions de gaz à effet de serre, qui sont l’une des causes principales du changement climatique.

Prise en compte du cycle de vie dans sa totalité

Le terme «construction» est nouvellement précisé comme étant employé dans le même sens que celui du cahier technique La voie SIA vers l’efficacité énergétique. La «construction» selon le SIA 2032 englobe la totalité des flux de matière et d’énergie : de l’approvisionnement en matières premières jusqu’à la déconstruction et l’élimination du bâtiment, en passant par la fabrication des matériaux de construction, leur mise en œuvre, ainsi que leur remplacement sur le chantier. Avec l’exploitation du bâtiment – qui n’est pas traitée dans le cahier technique – le cycle de vie est ainsi pris en compte dans sa totalité. L’établissement du bilan de bâtiments tel que présenté dans le cahier reprend la terminologie et l’articulation en modules de la norme européenne de déclaration environnementale sur les produits. Aussi formaliste que cela puisse paraître, le rattachement aux cinq modules A dans les étapes de fabrication et de construction, au module B4 dans la phase d’exploitation, ainsi qu’aux quatre modules C dans la phase d’élimination a contribué à lever des malentendus et des contradictions.

La représentation schématisée d’un cycle de vie s’avère être un outil de communication très utile. Il permet aussi à des non spécialistes de l’établissement d’écobilans – probablement nombreux parmi les utilisatrices et les utilisateurs du cahier technique – de se représenter les différentes phases et étapes impliquées.

Aspects non considérés au profit de la comparabilité

Le cahier technique SIA 2032 adopte une systématique qui permet de comparer des bâtiments très dissemblables. Une certaine dose de pragmatisme est toutefois indispensable, car l’établissement de bilans poussés n’est pas l’objectif visé par le cahier. L’établissement d’un bilan selon le SIA 2032 est donc en partie simplifié et néglige certains processus qui peuvent pourtant s’avérer déterminants dans des cas particuliers, notamment les transports entre le dépôt de matériaux et le chantier ou encore les nombreuses interventions rythmant le chantier lui-même. Une détermination forfaitaire de ces aspects n’est toutefois pas possible. Ces simplifications ont été admises au profit d’une relative simplicité d’établissement d’un bilan, de la compatibilité des calculs entre toutes les phases de réalisation selon la norme SIA 112 et de la comparabilité des résultats. Elles permettent de définir des standards et des valeurs limites labellisées pour des catégories entières de bâtiments, voire à l’instar de La voie SIA vers l’efficacité énergétique, de mettre en balance les dépenses de construction avec celles liées à l’exploitation, afin de prendre des décisions optimales sur la durée de vie globale d’un édifice. L’établissement du bilan prend désormais en compte les travaux de consolidation de fouilles et de fonçage de pieux, qui représentent des postes importants et pour lesquels des données d’écobilan différenciées sont disponibles. De même, les fenêtres avec leurs protections solaires sont maintenant intégrées aux calculs.

Inclusion des bâtiments existants

Alors que l’évaluation de nouvelles constructions et de transformations s’est bien établie au cours des dernières années, l’établissement de bilans pour les bâtiments existants demeurait méthodologiquement non résolu. Pour des portefeuilles immobiliers importants ou pour des approches impliquant l’ensemble d’un quartier ou d’un parcellaire, il était insatisfaisant de ne pas pouvoir inclure les bâtiments existants et de devoir – et cela peut tout à fait être compris symboliquement – négliger leur «valeur» dans le domaine de la construction. Le nouveau cahier technique propose désormais trois variantes de calcul pour les bâtiments existants. Les principes comptables livrent des résultats différents selon que ceux-ci bénéficient d’une valeur constante de préservation, que leur valeur résiduelle est fixée ou que leur valeur de remplacement doit être calculée. Le cahier technique évite sciemment de dicter quelle méthode s’applique dans quel cas: les standards, les labels et autres usagers optent pour la variante adaptée à leur objectif. Avec la « Directive pour le domaine construction », cela a déjà été mis en pratique pour des bâtiments existants dans des zones à 2000 watts et il a été prouvé que le cahier technique SIA 2032 offre les outils nécessaires. La méthodologie élaborée s’avère également robuste et interprétable pour l’établissement de bilans couvrant de nouvelles thématiques comme la réutilisation d’éléments de bâti. Bien que cette nouvelle application ne soit pas expressément évoquée, les principes du cahier technique permettent d’inférer une démarche cohérente à cette fin.

Valeurs d’avant-projet vérifiables

Déjà dans la première édition du cahier technique SIA 2032, des valeurs d’avant-projet étaient publiées en annexe. Utiles pour une première évaluation, ces valeurs pratiques indicatives ont été largement employées à l’aide de divers modèles de calcul ad hoc. On pouvait cependant regretter que le mode d’obtention desdites valeurs et les raisonnements sous-jacents ne soient pas accessibles. Les valeurs de l’annexe D du nouveau cahier technique sont maintenant dûment détaillées et leurs dérivations sont explicitées. Quant au document Excel correspondant, il peut être téléchargé gratuitement sur energytools.ch. Le calcul différencié accroît la transparence et permet de mieux classer des constructions propres. Les valeurs d’avant-projet appliquent les données des écobilans dans la construction (recommandation KBOB 2009/1:2016) aux structures et éléments de bâti les plus courants. Elles assurent ainsi une sorte de travail de traduction entre matériaux de construction et élément bâti et livrent des résultats en unités faciles à traiter, citons à titre d’exemple la surface des éléments de construction en mètres carrés. La disponibilité de telles valeurs d’avant-projet permet de calculer l’énergie grise et les émissions de gaz à effet de serre conformément aux phases de réalisation, à partir d’indicateurs de surface et d’éléments bâtis courants. Leur emploi ne supposant pas de connaissance des bases méthodologiques du cahier technique, ce type de données aisément accessibles et utilisables par des non-spécialistes – comme le prouve l’aide au calcul SIA 2040 – est un atout décisif pour l’application massive d’un cahier technique.

Socle d’application éprouvé

Il est intéressant de noter que les toutes les applications en Suisse se sont jusqu’ici appuyées sur la méthodologie du cahier technique SIA 2032 et que celui-ci est devenu la référence pour les calculs relatifs à l’énergie grise. Grâce à la large composition de la commission et à la mise en consultation approfondie du document révisé, la nouvelle édition de ce cahier devrait elle aussi jouir d’une reconnaissance bien méritée.

Katrin Pfäffli, arch. dipl. EPFZ/SIA; pfaeffli [at] preisigpfaeffli.ch (pfaeffli[at]preisigpfaeffli[dot]ch)

 

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