Com­ment den­si­fier en zone vil­las?

Concours assez rare pour le signaler, celui de La Perrettaz mérite sans aucun doute le détour. La propriétaire privée d’un magnifique terrain situé dans une zone villas vaudoise lance un MEP pour sélectionner son architecte. Au-delà de la procédure et du site, les résultats interpellent sur la possibilité d’intervenir intelligemment sur les zones villas.

Date de publication
04-01-2021

Au pied du Mont Pèlerin, au beau milieu d’une zone villas située dans les hauts de Jongny (VD), la propriétaire d’un terrain privé souhaite transformer une maison existante et construire de nouveaux logements. Une opération immobilière comme il en existe beaucoup d’autres dans cette commune de la Riviera vaudoise et, plus généralement, dans les zones à forte attractivité foncière. Sauf que, dans le cas présent, la propriétaire, architecte de formation et fondatrice de Sotto Voce, fondation privée active dans la promotion de la qualité architecturale auprès du grand public, se meut en maître d’ouvrage et, plutôt que d’opter pour une procédure de gré à gré, choisit d’organiser un concours d’architecture pour désigner le bureau qui sera chargé de la réalisation du projet. 

La démarche inédite est à saluer, même si elle a ses limites. N’étant pas soumise au régime légal des marchés publics, la procédure est bien loin des standards appliqués pour les concours ouverts et anonymes. La mise en concurrence est organisée sous la forme de mandats d’étude parallèles, donc avec un dialogue intermédiaire et non anonyme. Le maître d’ouvrage a directement sélectionné et invité les cinq concurrents : MPH, bunq, Localarchitecture, LVPH et Rapin & Saiz. La réputation des bureaux, tous vaudois selon les vœux du maître d’ouvrage, rassure. On regrette que le concours n’ait pas été ouvert, ce qui l’aurait rendu accessible aux jeunes bureaux, plus enclins peut-être à l’expérimentation architecturale.

Pour les architectes sélectionnés, les conditions pour dessiner un beau projet semblent réunies. Le site, faisant partie d’un territoire classé au patrimoine mondial, offre une vue imprenable sur le Léman et les Alpes. En forte pente face à ce paysage spectaculaire, une villa existante sans intérêt patrimonial particulier et un grand tilleul centenaire occupent actuellement le terrain. 

La parcelle est inscrite en «zone de villas familiales». Les servitudes et les principales exigences réglementaires qui s’y appliquent ne dérogent pas à celles qui régissent habituellement les zones villas. Le coefficient d’occupation de 1/8 représente un faible potentiel de densification de la parcelle (417 m2 d’emprise au sol seulement pour un terrain de 5462 m2 !). Le nombre maximum de logements par volume, limité à trois unités, la non contiguïté, la distanciation aux limites de propriété, au domaine public et entre les bâtiments, l’obligation des pentes en toiture et l’exigence de deux places de stationnement par logement rendent l’équation difficile à résoudre pour les architectes.

En étudiant les plans de situation rendus, quatre projets sur cinq proposent l’implantation de deux ou trois bâtiments situés en haut de la parcelle, le tilleul se retrouvant ainsi au centre de l’ensemble nouvellement créé. À ce jeu, grâce à une composition d’une redoutable évidence, le bureau lauréat MPH surpasse ses concurrents et réussit à fabriquer une petite place urbaine autour de l’arbre. En dotant le hameau d’un centre qu’il n’avait pas, l’espace clairement défini et minéral contraste avec le paysage environnant: un tissu pavillonnaire lâche fait de villas individuelles distribuées par des chemins d’accès privés. Un contexte dont semble s’accommoder parfaitement le projet du bureau LVPH. Les cinq pavillons disséminés «librement» dans la parcelle autour de la maison existante semblent chacun vouloir profiter pleinement des potentialités du site sans se soucier outre mesure de l’ordonnancement d’ensemble. Pour ces architectes, il importe bien plus de proposer un «organisme», «flexible», soit l’exact opposé de la «place» proposée par le lauréat.

Peu importe que l’on préfère l’une ou l’autre proposition, ce concours mérite le détour. Il pose la question (d’abord architecturale) de la typo-morphologie que peut adopter un projet de densification d’une zone villas dans des conditions réglementaires manifestement désuètes. Et le site magnifique et la procédure singulière n’y changeront rien.

Les résultats et le rapport du jury du concours sont consultables sur competitions.espazium.ch

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