Bell, Book and Candle

Dans "Bell, Book and Candle", Richard Quine raconte l'histoire d'une femme un peu sorcière, qui jette son dévolu sur son charmant voisin par le truchement de son chat ensorcelé

Date de publication
15-01-2015
Revision
25-10-2015

On m’a récemment fait découvrir Bell, Book and Candle (L’Adorable voisine en français) parce que c’est un conte de Noël. Une jeune et jolie sorcière, incarnée par Kim Novak, tient une boutique d’objets d’art primitif au rez-de-chaussée d’un immeuble new-yorkais. Mélancolique, elle semble suspendue dans le temps, marche pieds nus, parle à son chat siamois, étrange créature aux pouvoirs magiques qui surveille, ou veille sur l’immeuble.

Le soir de Noël, à la fois par ennui mais aussi parce qu’il lui plaît, elle jette son dévolu sur son voisin, un éditeur sérieux et ordonné – James Stewart. A une heure avancée de la nuit, alors qu’il passe rapidement chez elle, Kim Novak lui offre un verre de cognac. Il lui raconte ses projets de mariage avec sa compagne qui aura lieu le jour même. La jeune femme, piquée au vif en apprenant qu’elle risque de le perdre, engage Pyewacket, son chat, dans un discret rituel d’ensorcèlement qui mêle ronronnements et fredonnements – d’abord imperceptibles. Un plan improbable en noir et blanc de James Stewart légèrement déformé signale que nous sommes entrés dans la tête et le regard du chat. Le charme opère. Persuadé qu’il est allergique, James Stewart tousse, se racle la gorge, sent un léger malaise s’emparer de lui. Il prend ses affaires pour s’en aller lorsqu’il est soudainement arrêté dans ses mouvements. Comme un somnambule, magnétiquement attiré par sa voisine, il traverse la pièce, la prend dans ses bras et l’embrasse. Installé en haut d’une commode, Pyewacket les observe.

Partant du chat, un fondu enchaîné replace la romance dans la ville de New York enneigée au matin de Noël. Placée très haut, comme si elle était à son tour dotée de pouvoirs magiques, la caméra panote le long des buildings mêlés à la brume matinale, descend vers la rue et survole le Madison Square Garden. Au son, les amants échangent quelques mots sans que l’on sache encore où ils se trouvent : « Just, what are you thinking at the moment ? » – « Nothing, nothing at all. And you ? » – « Nothing, nothing either. I can’t think when I’m this close to you. By the way, where are we ? » – « On the top of the Flatiron Building. » Sans qu’il ait le moindre souvenir du chemin parcouru, incapable de reconstituer les heures qui viennent de s’écouler, James Stewart domine New York depuis le haut du Flatiron. Emerveillé, abasourdi, il tient dans ses bras Kim Novak dont il réalise alors qu’il est irrémédiablement tombé amoureux. 

Le plan qui raccorde le chat aux immeubles endormis, d’une rare poésie, raconte autant la magie new-yorkaise que celle du coup de foudre. Il n’est pas si certain que Bell, Book and Candle fasse le récit d’un exorcisme – la sorcière, en effet, ne peut véritablement tomber amoureuse. Pour vivre son histoire avec James Stewart, elle devra renoncer à ses pouvoirs. La magie qui se propage dans un immeuble, les pouvoirs qui circulent, à la manière des chats, entre les gouttières, les halls d’entrée ou les escaliers, les charmes d’une voisine – tout cela pourrait constituer, selon les mots de Breton dans Nadja reprenant une formule de Baudelaire, « la forme d’une ville ». Cette formule s’augmente ici de l’un des principes fondateurs des modes de vie américains que le film épouse sans hésitation : « Love your neighbor ».

www.lesilo.org

Magazine

Sur ce sujet