Bâle comme la­bo­ra­toire de den­si­fi­ca­tion in­tel­li­gente

Groupes professionnels et sections se sont retrouvés au port de Bâle pour parler de politique professionnelle et entendre des exposés stimulants sur le développement territorial trinational de la ville rhénane, ainsi que sur la densification comme facteur de qualité urbaine.

Date de publication
07-12-2017
Revision
07-12-2017

Mais où sommes-nous au juste ? Dans la Ruhr ? A Rotterdam ? Avec des regards interrogateurs, les délégués des sections et des groupes professionnels cherchent le lieu de leur réunion au milieu de la zone portuaire bâloise, en arpentant un pavement bosselé le long de vastes bassins entourés de conteneurs, de silos et d’une grue à portique de la taille d’un immeuble, qui s’affaire au-dessus des montagnes de vieux métaux collectés dans un dépôt de ferraille. C’est que dans le port rhénan de Bâle, l’image du pittoresque et de la perfection suisses fait place à une matérialité salissante et rude. En même temps, le port incarne la porte vers l’Europe et la mer, symbolisant les défis d’avenir qui attendent la Suisse en général et la ville de Bâle en particulier. Le lieu choisi par la SIA pour la conférence 2017 des sections et des groupes professionnels était donc parfaitement en phase avec le thème principal du rendez-vous : la densification urbaine. Vu sa situation privilégiée au carrefour d’axes de transport européens, Bâle croît et prospère en effet à un rythme qui a vu une augmentation de 10 000 habitants et de 19 000 places de travail depuis 2005.

Une ville florissante, mais à l’étroit


Pour éviter que cette position enviable ne se mue en impasse, la Ville investit dans un réseau de transports publics supranational. Sept lignes formant une étoile relient les 37 petits kilomètres carrés du canton aux zones allemande, française et à Bâle-Campagne. Elles se verront complétées par un tracé circulaire majoritairement souterrain, destiné à maîtriser la croissance du trafic intra-urbain. Un système dans lequel la Confédération et le Canton prévoient d’investir 3,4 milliards de francs au cours des quinze prochaines années. L’agglomération bâloise compte 830 000 habitants répartis sur trois pays, contre 171 000 pour la ville elle-même. Afin que cette situation particulière n’entraîne pas un développement chaotique, le Canton coordonne sa planification territoriale avec ses partenaires en France et en Allemagne, comme l’a expliqué Margot Meier, présidente de la section bâloise et hôte de la conférence.

Développement supraterritorial vers l’intérieur


«Au-delà des frontières, ensemble» est la devise choisie pour ce développement territorial transnational baptisé «3Land», dont les projets phares sont visibles à la IBA Basel 2020 (voir www.iba-basel.net/fr/home). Les aménagistes de la Ville et de la SIA Bâle présents lors de la conférence ont exposé les premiers acquis de la planification transfrontalière avec développement vers l’intérieur. Comme noyau d’une évolution dynamique, la ville nichée dans le coude du Rhin ne pourra en profiter que si elle parvient à piloter cette mutation avec discernement. Flux de trafic importants, croissance et pénurie de logements doivent être maîtrisés dans un espace fortement limité, ce qui appelle des solutions de densification qualitative.

Dans cette perspective, Joris van Wezemael, enseignant EPFZ, a parlé de «développement vers l’intérieur comme tâche holistique». L’aménagiste a encouragé l’assistance à voir la densification de l’existant et le développement vers l’intérieur comme des invitations à tester de nouveaux outils de planification tout en se confrontant à la complexification croissante de l’aménagement. Il s’agit en effet de remettre en question les processus de projet traditionnels, en réalisant que «la qualité n’est pas à rechercher malgré, mais grâce à la densité et au développement interne», comme l’a précisé Wezemael.

La qualité par la densité


Prenant le relais, l’architecte cantonal Beat Aeberhard a illustré comment et où cette recherche qualitative se concrétise en ville de Bâle. Responsable des bâtiments pour le canton et la ville, il a montré que même sur les 24 kilomètres carrés de zones bâties du canton, le potentiel inhérent à de petites et moyennes surfaces faisait l’objet d’une attention soutenue. Ainsi, Bâle planche actuellement sur des terrains industriels qui se libèrent à Klybeck (Petit-Bâle) et à St-Jacques. Pour les représentants des groupes professionnels et des sections qui avaient attentivement suivi les exposés de la matinée, le doute n’était plus de mise : le canton de Bâle est par excellence le Think Tank de la densification en Suisse.

Le programme de l’après-midi a été consacré aux enjeux de politique professionnelle. Le président de la SIA, Stefan Cadosch, a exposé aux membres les motifs et les conséquences de la décision prise par le comité de retirer la SIA de la prospective « La Suisse 2050 ». Après que des financements déjà confirmés par la Confédération ont été biffés par un programme d’économies, le comité s’est, à son grand dam, aussi vu contraint de mettre fin au projet (voir www.sia.ch/fr/themes/amenagement-du-territoire/la-suisse-2050). Cadosch a toutefois insisté sur le fait que l’essence du projet n’en était nullement dépassée pour autant: «La SIA se doit de réfléchir à l’avenir de ce pays et de son aménagement et elle le fera. » D’où le maintien de la rencontre au Monte Verità, telle que prévue en 2016 comme «Sounding Board», soit comme organe de conseil du projet. La SIA reste par ailleurs à l’affût de possibilités de perpétuer l’objectif de «La Suisse 2050» sous une autre forme.

Attaque contre les RPH de la SIA


Enfin, Cadosch a informé l’assistance des différends apparus avec la Commission fédérale de la concurrence (COMCO). Le secrétariat de cette dernière considère les RPH de la SIA, certaines directives relatives aux concours et mandats d’étude parallèles (142i-101 et 142i-401), ainsi que la charte « Honoraires équitables pour des prestations qualifiées » comme problématiques au regard de la loi sur les cartels (voir Newsletter SIA du 01. 11. 2017) et il a menacé la SIA d’engager une procédure. Cadosch n’a pas caché que la SIA n’a guère d’autre solution que de répondre à l’injonction de la COMCO de réviser les instruments incriminés. Une amende potentiellement salée, de même qu’une longue procédure juridique à l’issue incertaine constitueraient en effet une menace existentielle pour la Société. Celle-ci cherche maintenant à trouver un compromis avec la COMCO.

La journée s’est achevée sur des nouvelles réjouissantes des activités menées dans les sections: projets pour l’Année du patrimoine culturel 2018, succès de la coopération médiatique entre la section valaisanne et la chaîne «Canal 9» et beaucoup de la section tessinoise qui a incité et soutenu un reportage de la Télévision suisse sur la passation non transparente de marchés.

Frank Peter Jäger, ing. dipl. urbanisme, rédacteur de la division Communication de la SIA ; frank.jaeger [at] sia.ch (frank[dot]jaeger[at]sia[dot]ch)

 

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