Aux pe­tits soins

Pavillon de la Finlande

Sous le nom Architecture of Stewardship, l’exposition présentée au pavillon de la Finlande met en lumière celles et ceux qui prennent soin des bâtiments: nettoyeur·euses; artisan·es; restaurateur·ices; technicien·nes. Les curateur.ices Ella Kaira et Matti Jankala racontent ce travail de l’ombre à travers l’histoire d’un édifice précis: le pavillon d’Alvar et d'Elissa Aalto, construit en 1956 dans les Giardini de Venise.

Date de publication
28-05-2025

Abordons le pavillon finlandais comme un corps vivant, dont l’anatomie est scrutée, soignée, et maintenue en vie par une communauté de gardien.nes invisibles. À travers une installation audiovisuelle – les curateur.ices Ella Kaira et Matti Jänkälä en auscultent les entrailles, explorant les gestes de soin, d’entretien et de réparation qui ont permis à ce bâtiment de traverser le temps. Occupant l’ensemble de l’espace intérieur du pavillon, la projection signée par la vidéaste Merle Karp et accompagnée d’une composition sonore de Jussi Hertz, dure trente minutes. Elle est faite d’une série de séquences mêlant archives de chantiers antérieurs, extraits filmés de la Biennale d’art 2024 et documentation du travail d’entretien réalisé en 2025. On y entend les voix multiples de celles et ceux qui, depuis des décennies, veillent sur le pavillon: les « stewards », ces gardien·nes discrets de la continuité du bâti.

L’exposition vise à désacraliser la figure de l’architecte-auteur, trop souvent mise en avant dans le récit architectural, pour replacer sur le même plan les multiples acteurs de la fabrication et de la préservation du lieu: les ouvrier.ères, les restaurateur.ices, les agent.es d’entretien, mais aussi les éléments naturels, les micro-organismes,qui forment ensemble un écosystème vivant, interdépendant. Un inventaire minutieux de tous ces « membres » du pavillon permet d’approcher l’édifice comme un organisme composite: du panneau extérieur «Finlandia»–signalant l’entrée du pavillon–aux grandes équerres blanches structurant la façade, chaque composant est documenté, interrogé, recontextualisé. Ce relevé sensible dépasse la réflexion sur la durabilité: de quoi dépend la longévité d’un bâtiment? Sur qui et sur quoi repose la responsabilité de sa survie? Et à quel prix? En élargissant le champ de l’architecture à tous ces gestes silencieux et peu conscientisés qui permettent à un lieu d’exister dans la durée, Architecture of Stewardship propose une vision élargie de la discipline, non comme une production ponctuelle, mais comme un processus continu et collectif.

Mais le pavillon finlandais est un patient privilégié: il est protégé, choyé, documenté. Dans l’ombre de ce soin accordé, une question se dessine. Qu’en est-il des architectures ordinaires, sans gardiens attitrés? Sont-elles vouées à la dégradation? L’exposition Architecture of Stewardship s’inscrit dans cette perspective: elle rappelle que le soin architectural est d’abord un choix collectif, et donc un geste profondément politique. Car maintenir, c’est aussi choisir ce qui mérite de l’être.

 

 

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