Plai­doy­er pour les sci­en­ces so­cia­les

Cette lettre ouverte issue du réseau des professionnels des sciences sociales pour l'architecture et la planification alémanique propose des piste concrète afin de mieux concilier conception architecturale et sciences sociales?

Publikationsdatum
07-06-2023

La scène suivante se déroule à Genève, et bien qu'elle soit fictive, elle est tout à fait courante. Maurice F. est assis à son ordinateur lorsque son téléphone portable sonne. De l'autre côté du fil, Heidi A. du collectif d'architecture Team3: «Bonjour! Comment ça va? Nous allons participer à la procédure de sélection pour les mandats d'étude parallèles des Hauts-des-Rochers. Il nous manque une personne responsable de l'espace social. Est-ce que ça vous dirait de nous rejoindre?» Maurice F.: «Merci d'avoir pensé à moi, j'apprécie! Malheureusement, je dois décliner. Vous êtes le troisième bureau à me solliciter aujourd'hui. J'ai déjà accepté de rejoindre une autre équipe.» Maurice: «Ah d'accord, mais saviez-vous que la participation multiple est autorisée? Vous ne voulez pas quand même nous rejoindre? Il n'y aura pas grand-chose à faire et nous déciderons de l'organisation plus tard.» Le choix des membres de l'équipe se déroule souvent de cette manière ou de manière similaire.

Tout d'abord, nous tenons à souligner que nous apprécions beaucoup le fait que les besoins des utilisateur·trice·s et l'approche socio-spatiale prennent de l'importance dans les procédures de planification, et par conséquent, que notre expertise professionnelle soit de plus en plus demandée. C'est précisément pour cette raison que nous souhaitons clarifier ce que notre expertise peut ou ne peut pas fournir.

Nous observons que de plus en plus de maîtres d'ouvrage et de personnes chargées du développement de programmes de projets de planification et d'architecture reconnaissent la nécessité de prendre en compte les utilisateur·trice·s actuel·le·s et futur·e·s dans les processus de développement urbain. Ainsi, il y a de meilleures chances de résoudre les conflits potentiels et d'atteindre les objectifs à long terme en matière de développement durable. Dans ce contexte, l'expertise dans le domaine des sciences sociales a toute sa raison d'être. Nous pensons que si l'on veut obtenir les meilleurs résultats pour le plus grand nombre de personnes, il est important d'évaluer dès que possible l'implication des sciences sociales, la méthodologie à adopter, ainsi que les potentiels et les limites des solutions spatiales en ce qui concerne leur impact social. Idéalement, cette évaluation devrait être effectuée en amont de la rédaction du programme, en présence des expert·e·s en question. En font partie notamment les personnes issues des sciences sociales.

Nous constatons que de nombreux processus font appel à l'approche des sciences sociales uniquement lors de la phase de sélection. Nous affirmons que si l'on ne prend en compte l'expertise des sciences sociales qu'au stade de la conception et de la planification, et non lors de l'exécution et de l'exploitation, il est impossible d'assurer un contrôle qualité adéquat. Cela est particulièrement vrai en cas de changements et de développements intervenant en cours de processus, ce qui est de plus en plus fréquent et justifié par la dynamique des changements sociaux.

Nous sommes préoccupés par le fait qu'il persiste un déséquilibre entre l'offre et la demande de professionnels des sciences sociales lors de la constitution des équipes de planification. Les jeunes équipes en sont désavantagées en raison de leur manque d'expérience et de leur réseau professionnel limité, car pour les représentant·e·s des sciences sociales, il est plus intéressant de collaborer avec une équipe expérimentée disposant de références. Ainsi, les chances de réussite sont tout simplement meilleures. Nous tenons à souligner que la solution consistant à permettre la participation multiple des professionnels des sciences sociales, censée pallier cette forte demande, résulte d'un malentendu. L'expertise en sciences sociales ne consiste pas à fournir des solutions standardisées et reproductibles indépendamment de l'équipe. Au contraire, nous développons des solutions et des approches spécifiques pour chaque situation et contexte, dans le cadre d'un processus interdisciplinaire et en collaboration avec des professionnel·le·s de l'architecture, du paysagisme, de la planification des transports, du développement durable, du génie civil, des arts et de la technique du bâtiment.

De plus, les méthodes que nous appliquons varient en fonction de la tâche et des professionnels impliqués. Nous favorisons la collaboration au sein de l'équipe de planification, consultons les utilisateur·trice·s pour connaître leurs points de vue, effectuons des recherches, menons des entretiens, observons et partageons les résultats lors de la phase de conception, et nous plaidons pour qu'ils soient pris en compte tout au long du processus. Nous aidons à préciser, décrire et expliquer les concepts préliminaires. Si nécessaire, nous remettons en question la pertinence de la tâche et proposons de nouvelles pistes de réflexion. Tout comme huit bureaux d'architecture sélectionnés auront huit approches différentes pour la même tâche, il en sera de même pour huit représentant·e·s des sciences sociales. Il est inutile de préciser que cette diversité est juste et souhaitable. L'objectif des procédures de sélection est précisément de proposer une variété de solutions.

Voici ce que nous souhaitons:

- Des programmes qui expliquent dans quel but une expertise en sciences sociales sera sollicitée. Nous sommes prêts à aider à la rédaction de ces programmes lors de la phase de recherche d'idées et de conception programmatique. Nous disposons d'une vaste expérience que nous mettons volontiers à disposition.

- Des jurys dans lesquels l'expertise en sciences sociales est considérée sur un pied d'égalité et contribue à la discussion sur le classement, c'est-à-dire l'attribution des places et des rangs, ainsi qu'à la justification de ces décisions.

- Une compréhension approfondie du processus : l'expertise en sciences sociales est importante, de la définition de la tâche à l'analyse d'impact, qui permet de tirer des enseignements du projet réalisé pour les processus futurs. Selon l'importance accordée à cette expertise dans le cadre d'un processus, différentes approches et bases de connaissances des sciences sociales seront sollicitées.

- Une mise en évidence des problèmes dans un processus interdisciplinaire : en identifiant ensemble les problèmes et les solutions possibles, nous parviendrons à des projets plus solides et durables à tous les niveaux.

- En conclusion, nous vous remercions de votre attention. Nous sommes ravis de continuer à travailler ensemble. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres!

Les signataires du réseau des professionnels des sciences sociales pour l'architecture et la planification:

 

Cornelia Alb, Albprojekte Raum.Mensch.Kultur, Zürich

 

Eveline Althaus, Sozialanthropologin, Bern

 

Philippe Cabane, Soziologie und städtebauliche Prozesse, Basel

 

Gabriela Debrunner, Institute for Spatial and Landscape Development, ETH Zürich

 

Barbara Emmenegger, Soziologie und Raum, Zürich

 

Sanna Frischknecht, Soziologin, Bern

 

Stephanie Hering, sofa*p | Soziologie für Architektur und Planung, Zürich

 

Alice Hollenstein, Urban Psychology, Zürich

 

Philippe Koch, Professor für Stadtpolitik und urbane Prozesse ZHAW, Winterthur

 

Isabel Marty, Fachstelle Sozialplanung Stadt Bern

 

Sabina Ruff, Laboratorium für Zukunftsgestaltung, Zürich

 

Christina Schumacher, sofa*p | Soziologie für Architektur und Planung, Zürich

 

Claudia Thiesen, Thiesen & Wolf, Zürich

 

Sabeth Tödtli, Urban Equipe, Zürich

 

Stephanie Weiss, Dozentin und Projektleiterin Institut Soziokulturelle Entwicklung, Hochschule Luzern

 

Sabine Wolf, Thiesen & Wolf, Zürich

 

Peter Zeugin, Soziologe, Zeugin-Gölker Immobilienstrategien, Zürich

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