Le douloureux passé colonial du pays a laissé de nombreuses traces dans le paysage urbain. Face à la pression immobilière, la question de la démolition ou de la sauvegarde (et donc de la mémoire) de ces structures est régulièrement soulevée. La gare, inscrite sur la liste des monuments historiques du Sénégal et inaugurée pour la première fois par le gouvernement colonial en 1914, a d’ailleurs plusieurs fois échappé de justesse à la démolition. Le sujet est d’abord éminemment politique, bien sûr, mais il peut aussi être abordé sous un angle pragmatique et technique. En premier lieu, l’empreinte carbone et la pollution environnementale peuvent être considérablement réduites en réemployant une structure existante. Ensuite, et surtout, la réhabilitation de bâtiments anciens nous rappelle que nous savions très bien concevoir des bâtiments confortables avant l’invention de la climatisation mécanisée. Ici les colons n’ont rien inventé, ils ont simplement tiré les leçons des ingénieux systèmes existants dans les concessions traditionnelles sénégalaises en employant des matériaux manufacturés importés de France: captation des vents, exploitation de l’effusivité thermique, protection des façades contre les rayonnements directs du soleil, etc. L’approche bioclimatique était naturellement empirique avant d’être conceptualisée.
Dans ce projet de réhabilitation, l’écriture architecturale de l’époque a été mise en valeur, la structure métallique a été nettoyée et consolidée, les briques découvertes. Les systèmes passifs d’économie d’énergie ont été retrouvés: la ventilation naturelle du hall et l’évacuation de l’air chaud en toiture, les coursives servant de protection solaire dans les étages hauts et les persiennes bois qui laissent l’air circuler tout en ombrageant les façades. L’extension contemporaine s’inscrit dans la continuité physique et esthétique de la gare d’origine, avec la création d’une grande ombrière ventilée et d’un système de double peau en persiennes métalliques.
Le fonctionnement effectif de la ligne de TER reliant Dakar à la ville nouvelle de Diamniadio, fer de lance du plan Sénégal Émergent, en est encore à ses balbutiements mais déjà, et depuis 2019, la nouvelle version de l’ancienne gare de Dakar sert un positionnement des idées où patrimoine et sobriété se rencontrent.
Réhabilitation et extension de la gare de Dakar
Maîtrise d’ouvrage
État du Sénégal – APIX
Entreprise
Eiffage Sénégal
Maîtrise d’œuvre
GA2D, Dakar (mandataire)
AREP (aménagements extérieurs)
AREP Design Lab (signalétique)
Surface totale
2500 m²
Origine construction
1914
Livraison réhabilitation et extension
2019
