Ch­an­ger de «ré­gime ma­tiè­re»

TERRAFIBRA Award 2021

L’édition 2021 du TERRAFIBRA Award met en lumière 40 projets contemporains en terre et fibres végétales. Privilégiant une approche sensible et didactique, elle invite maîtres d’ouvrage, entreprises et particuliers à faire le pari des matériaux bio- et géosourcés.

Publikationsdatum
15-03-2022

Les matériaux bio- et géosourcés tracent leur sillon: après le bois, c’est au tour de la terre et des fibres d’opérer une percée dans le monde de la construction. Leurs vertus, si elles peuvent être discutées, ne sont plus à démontrer: ressources locales facilement disponibles, faible bilan carbone, qualités constructives, confort intérieur, réactivation de savoir-faire et réappropriation d’outils, alternatives au béton, aux produits standardisés et aux majors du bâtiment, etc.

Si les projets en terre et fibres sont encore peu nombreux dans la production construite contemporaine, ces matériaux bénéficient depuis quelques décennies d’une importante mise en lumière grâce aux actions de promotion engagées par quelques acteurs militants. À la suite des pionniers – CRATerre, Centre international de la construction terre fondé en 1979 à Grenoble, ou Jean Dethier (qui avait contribué, en 1981 déjà, à faire connaître l’architecture en terre avec l’exposition Des architectures de terre ou l’avenir d’une tradition millénaire au Centre George Pompidou/CCI à Paris) –, les prix TERRA Award en 2016, FIBRA Award en 20191 et aujourd’hui TERRAFIBRA Award 2021 poursuivent cette entreprise.

Les 40 bâtiments finalistes de ce prix mondial des architectures contemporaines en terre crue et fibres végétales étaient présentés au Pavillon de l’Arsenal à Paris jusqu’en février 2022, et figurent dans l’ouvrage TerraFibra architectures. Ils sont classés en fonction des matériaux et techniques utilisés: pisé, terre coulée, bauge, adobe, torchis, brique de terre comprimée, isolation en bottes de paille ou terre chanvre, bambou, roseau, typha… Les commissaires scientifiques Dominique Gauzin-Müller et Anne Lambert de l’association amàco se sont attachées à rendre compte de la diversité des contextes et des programmes, délaissant les calculs complexes d’énergie grise pour laisser parler l’architecture, les solutions constructives, l’ingéniosité, la beauté de la matière et les coopérations à l’œuvre.

Elles proposent ainsi un récit contemporain, optimiste et pragmatique, de la construction en terre et fibres à travers le monde. S’il y a toujours de belles images de projets exceptionnels – des centres éducatifs construits par des fondations liées au développement dans les pays dits du Sud ou des réhabilitations frugalo-chics de maisons secondaires – la sélection montre aussi des projets ordinaires (logements sociaux, écoles, centres de formation), conçus et construits sous le régime commun, sous nos latitudes. De Genève à Anandaloy, tous font la démonstration que ces filières en devenir offrent une alternative crédible, tant constructive qu’économique, aux modes de construction classiques. En devenant des possibilités parmi d’autres, en se banalisant, terre et fibres pourraient contribuer à ce que Guillaume Habert, directeur de la chaire de construction durable de l’EPFZ, nomme dans son propos liminaire un changement de «régime matière»: moins de matériaux d’origine fossile, plus de bio- et de géosourcés et de réemploi.

Les textes présentant les projets finalistes sont issus de l’ouvrage TerraFibra architectures.

Halles de restauration, Calceta, province de Manabi, Équateur, 2018
Conception: Demain architecture paysage/Diego Romero et Marilyne Thévenet (architectes mandataires); Guillaume Rodère (architecte collaborateur); Bolivar Romero (architecte, conseiller technique); Patricio Cevallos (BE structure), Edison Romero (BE électricité), Respuesta Ambiental (BE fluides) / Maîtrise d’ouvrage: Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) / Matériaux biosourcés et géosourcés: bambou Guadua (structure, lattes des panneaux de façade, habillage de la sous-face de la toiture).

Maison pour tous, Four, Auvergne-Rhône-Alpes, France, 2019
Conception: design/buildLAB, étudiants du master AE&CC/ENSAG, avec onSITE architecture/Marie et Keith Zawistowski (architecture); Vessière & Cie (bureau d’études) / Maîtrise d’ouvrage: Commune de Four avec le soutien de la communauté d’agglomération Porte de l’Isère (CAPI) / Matériaux biosourcés et géosourcés: mur en pisé non stabilisé à base de déchets de carrière (paroi porteuse à l’extérieur, panneaux préfabriqués en parement intérieur), isolant en laine de bois.

La Ferme du Rail, Paris, France, 2019
Conception: Grand Huit/Julia Turpin et Clara Simay (architecture); Mélanie Devret, Scoping, Toreana Habitat, Albert & Co, Pouget Consultants, BTP Consultants (bureaux d’études) / Maîtrise d’ouvrage: Réhabail, associations Atoll 75, Travail et vie et Bail pour tous / Matériaux biosourcés et géosourcés: structure en bois, isolation en paille, bardage en perche de châtaignier.  

Centre culturel Matariyah, Le Caire, Égypte, 2013
Conception: Selina Ahmann, Emmanuel Dorsaz, Hisham El-Hitami / Construction: autoconstruction par les habitants / Maîtrise d’ouvrage: association Mayadin al-Tahrir / Matériaux biosourcés et géosourcés: torchis (mélange d’argile, sable et paille sur support en bois et rachis de feuilles de palmier). Couverture avec des nattes en feuilles de palmier.

Groupe scolaire Paul-Bayrou, Saint-Antonin-Noble-Val, Occitanie, France, 2018
Conception: Mil Lieux Architecture/Matthieu Fucks (architectes mandataires), Selarl Ryckwaert (architectes associés), 3J Technologies (bureau d’études) / Maîtrise d’ouvrage: Mairie de Saint-Antonin-Noble-Val / Matériaux biosourcés et géosourcés: murs intérieurs en terre coulée (3% de ciment), murs extérieurs à ossature bois, isolation en fibre de bois, ouate de cellulose et Métisse®

Centre culturel de la mer des Wadden, Ribe, région de Syddanmark, Jutland, Danemark, 2017
Conception: Dorte Mandrup A/S (architecture); Steensen Varming/Anders Christensen (bureaux d’études); Johan Carlsson, JAC studios, Morten Ranmar and No Parking (exposition); Marianne Levinsen Landskab ApS (paysage) / Maîtrise d’ouvrage: Ville de Esbjerg / Matériaux biosourcés et géosourcés: structure en bois, bardage en robinier, couverture en roseau. 

Centre pour personnes handicapées et atelier de couture, Anandaloy, Rudrapur, district de Dinajpur, Bangladesh, 2017
Conception: Anna Heringer (architecture); Martin Rauch, Andreas Guetling et Emmanuel Heringer (consultants) / Maîtrise d’ouvrage: Dipshikha Bangladesh / Construction: Montu Ram Shaw / Matériaux biosourcés et géosourcés: murs en bauge (terre non stabilisée et paille de riz), charpente en bambou, isolation de la toiture en paille de riz et fibre de coco, couverture des vérandas en chaume.  

Restructuration du Grand Théâtre, Genève, Suisse, 2019
Conception: Atelier March et Linea (architecture), B+S ingénieurs (bureau d’études) / Maîtrise d’ouvrage: Ville de Genève / Construction: Alpha / Fournisseur: Terrabloc / Matériaux biosourcés et géosourcés: blocs de terre comprimée stabilisée — BTCs (5 % de ciment).

Note

 

1 Le TERRA Award 2016, prix mondial des architectures en terre crue, initié par Dominique Gauzin-Müller et porté par amàco et CRAterre, et le FIBRA Award 2019, prix mondial des architectures en fibres végétales organisé par amàco. Sur ces deux prix, voir Ariane Wilson, «La terre est dans le grain», TRACÉS 17/2016 et Stéphanie Sonnette, «Construire en fibres végétales: vers une ‹modernité frugale›?», TRACÉS 4/2020

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