SOS Bru­ta­lism. A Glo­bal Sur­vey

Save the Concrete Monsters!

Sous ce titre alarmant, à la limite de l’ironie, c’est un véritable inventaire globalisé du brutalisme qui paraît chez Park Books. Si le titre de l’ouvrage surprend, celui de l’exposition dont il est le catalogue en remet une couche : SOS Brutalism. Save the Concrete Monsters ! est le grand événement à voir actuellement et jusqu’au 2 avril au musée d’architecture de Francfort (DAM).

Publikationsdatum
07-03-2018
Revision
08-03-2018

De quoi s’agit-il ? Au-delà du signal d’alarme tiré sur le nombre croissant de démolitions ces dernières années d’importants ensembles brutalistes, l’exposition et son catalogue tentent l’impossible, à savoir porter un regard englobant sur des réalisations architecturales disséminées aux quatre coins de la planète. SOS Brutalism. A Global Survey essaye de contenir dans une même entité, le new brutalism britannique, le métabolisme japonais, les grands ensembles unitaires d’Europe de l’Est ou du Paris rouge et des ensembles administratifs postcoloniaux en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud-Est.

Les contextes des ensembles présentés sont à ce point différents que la question de la légitimité de l’emploi sans distinction du terme « brutaliste » en vient à se poser. Peut-on ranger sous la même étiquette les achèvements du socialisme yougoslave et ceux du capitalisme d’entreprise nippon?

Cette négociation avec l’histoire de l’architecture mondiale, et surtout l’effort d’y faire entrer des ensembles qui ne font pas toujours partie du patrimoine architectural connu, constituent finalement le principal enjeu théorique du projet éditorial.

Ce qui paraît au premier abord comme une maladresse (faire tenir ensemble des choses émanant de contextes très différents) apparaît bientôt comme sa principale qualité : un véritable chantier historiographique visant à porter un regard patrimonial sur certaines catégories de bâtiments qui aujourd’hui n’en bénéficient pas et sont, pour cette raison, d’autant plus vulnérables.

Assumant sa vocation de défricheur, le projet prend la liberté de s’orienter tantôt vers des ensembles connus, estampillés brutalistes, tantôt vers des réalisations d’architectes peu connus, dans l’esprit de ce que l’OMA avait qualifié en 2012 à Venise d’architecture de service public : «Architecture by civil servants».

L’ensemble hétéroclite qui se forme cherche donc plutôt à décrire dans la diversité qu’à rassembler dans une homogénéité stylistique. L’ouvrage pècherait par ambition s’il n’était pas accompagné des actes d’un colloque qui s’est tenu à Berlin en 2012, auquel a pris part plusieurs éminences grises de la modernité architecturale tardive : Beatriz Colomina. Philip Ursprung, Stanislaus von Moos sont quelques-uns des 17 intervenants de cette rencontre historique, qui donne à l’ouvrage tout son sens.

Reste à savoir si l’esprit du brutalisme, cette architecture éminemment collective, peut avoir un avenir dans des sociétés comme les nôtres, structurées par un individualisme techno médiatique sur le point de devenir une seconde nature (tu es ton smartphone).

La récente destruction de l’emblématique Robin Hood Gardens d’Alison et Peter Smithson n’est pas juste un scandale eu égard à l’incompétence des politiques et à la lâcheté de quelques hauts fonctionnaires qui ont osé déclassifier l’ensemble afin qu’il puisse être démoli.

C’est aussi un signe des temps. Robin Hood Gardens n’a tout simplement pas fait l’objet d’un plébiscite immobilier qui aurait pu en faire un nouveau Barbican.

Trop paupérisé, trop dense, trop stigmatisé pour être gentrifié, il a été démoli cet été, malgré la mobilisation internationale. Interprété sous cet angle, le déclin du brutalisme ne serait qu’un indice de plus du déclin généralisé du collectif, que ce soit pour l’habitat, les loisirs ou l’enseignement.