A l'eau!

Editorial du 10/2017

Publikationsdatum
18-05-2017
Revision
09-06-2017

«Je nage à présent au ras d’un vertigineux quai de pierre de taille, une paroi sans faille, haute, ancienne, lisse, humide, où plongent de rares escaliers. De part en part, de gros anneaux de fer, des cercles vieillis de rouille s’accrochent à la cloison. (…) Des murs de façades dressées comme des falaises aux angles durs: le courant me conduit vers des ponts de métal et de pierre, des arches basses en travers de la Seine, où glissent des autobus». Ce texte de Pierre Patrolin, extrait de La traversée de la France à la nage, pourrait faire office de légende à la photographie de couverture de ce nouveau Tracés. Tout au long de ces 859 pages de dérive aquatique parues en 2012, le narrateur parcourt la France à la nage, comme d’autres le font à pied, de fleuves en rivières, nous donnant à voir le territoire sous un angle inédit, par en-dessous, au ras de l’eau.
La baignade en eaux vives alimente les imaginaires et un certain nombre de fantasmes. Dans les villes, des collectifs revendiquent aujourd’hui un «droit à la baignade», celui de se baigner dans les cours d’eau, qui sont après tout des espaces publics comme les autres. Les trois nageurs de la couverture par exemple se baignent dans le Kupfergraben, le canal de la Spree qui délimite l’île aux Musées à Berlin, au pied de l’imposante façade du Bode Museum. Ils participent à la première édition de la Flussbad Berlin Cup, une compétition de natation initiée en juillet 2015. L’association Flussbad Berlin, qui l’organise, entend sensibiliser les Berlinois à l’intérêt d’assainir les eaux de la Spree pour intensifier les usages sur la rivière.
Le bain, plaisir simple et festif, gratuit, dont certains citadins se voient privés par des règlements sanitaires, devient un acte militant dont les motivations sont diverses: retour à la «nature», libération des corps bridés par les codes et les pratiques d’un monde trop policé, trop confortable, trop climatisé, réappropriation de l’espace urbain ou simple aspiration à une activité saine, sociale, sportive et rafraîchissante... La Suisse, où la pratique de la baignade en ville est courante et facilitée par la propreté des cours d’eau, est regardée avec envie dans toute l’Europe.
Tracés vous invite à un tour d’horizon des pratiques et des cultures de la baignade en eaux libres dans quelques villes d’Europe, entre plaisir simple et revendication citoyenne, et revient sur les résultats tous frais du concours d’idées pour l’aménagement de la rade de Genève, où la baignade figure en bonne place.

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