Une po­li­tique éner­gé­tique en tran­si­tion

Depuis quelques années, la politique énergétique est en mouvement, tant au niveau national qu’international. La Suisse a posé un jalon avec la Société à 2000 watts – un objectif visionnaire développé au début des années 1990 à l’École polytechnique fédérale de Zurich. En automne 2020, la mise à jour des Principes directeurs pour une Société à 2000 watts a permis de définir trois objectifs à l’horizon 2050 : un approvisionnement énergétique assuré à 100 % à partir de sources renouvelables, des besoins en énergie primaire exprimée en puissance continue ramenés à 2000 watts par personne et des besoins énergétiques de la Suisse entièrement couverts sans générer de gaz à effet de serre.

La Société à 2000 watts représente la vision sur laquelle se basent la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération, la loi sur l’énergie ainsi que la loi sur le CO₂. Au niveau international, elle converge avec les objectifs climatiques du protocole de Kyoto (1997), mais aussi avec ceux de l'Accord de Paris, qui comporte des éléments visant à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre par étapes successives. 195 pays et l’Union européenne ont signé cet accord sur le climat le 12 décembre 2015 – ce qui fait de ce texte le plus largement et le plus rapidement signé de l’histoire de l’humanité. Le 28 août 2019, le Conseil fédéral a en outre décrété l’objectif de la neutralité carbone de la Suisse pour 2050.

Un changement de paradigme

Depuis 2019, les grèves du climat dans le monde entier ont un impact notable sur la politique énergétique. La forte participation de la société civile – notamment des jeunes – a introduit un changement de paradigme : bien que depuis plusieurs années de nombreux cantons et communes se sont engagés sur la voie de la Société à 2000 watts, ceux-ci n’ont pas toujours mis en œuvre beaucoup de mesures concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Depuis les manifestations en faveur du climat, des cantons et des villes de toute la Suisse ont décrété l’urgence climatique, comme les cantons de Vaud et de Genève, ainsi que les villes de Delémont, Vevey, Lausanne et Genève. Ces prises de position s’accompagnent de stratégies ou de plans de mesures ambitieux pour atteindre les objectifs visés.

La construction – un enjeu énergétique

Aujourd’hui, les constructions représentent environ la moitié des besoins en énergie en Suisse, que ce soit pour les besoins thermiques (chauffage, froid) ou l’électricité, mais également pour l’énergie grise liée aux matériaux de construction et les besoins en énergie liés à la mobilité quotidienne. Pour atteindre les objectifs de la Société à 2000 watts, il est important d’agir pour que les constructions nécessitent moins d’énergie et ce dans tous ces domaines. Les cantons et les communes, grâce aux instruments de la planification territoriale, sont les premiers acteurs à pouvoir agir sur la construction: en favorisant les constructions à proximité des transports publics et des axes de mobilités douces et celles d’une certaine taille (globalement plus efficaces énergétiquement et nécessitant moins d’énergie grise), mais aussi en réduisant le nombre de places de stationnement pour les véhicules privés, afin de favoriser le transfert modal. Ils peuvent également réduire la taille des parkings en sous-sol, ce qui diminue la quantité d’énergie grise, et promouvoir l’approvisionnement en énergie 100% renouvelable.

Dans le cadre de l’élaboration de la planification territoriale, la vision de la Société à 2000 watts est un fil conducteur important qui permet d’assurer, dans le temps, l’atteinte des objectifs. Cette vision doit ainsi faire partie intégrante du cahier des charges des concours, des mandats d’étude parallèles ou des appels d’offres pour la réalisation de la planification territoriale. Ces objectifs peuvent également faire l’objet de conventions entre les parties prenantes. Ils pourront ensuite être repris tout au long des phases de planification et de réalisation des ensembles construits.

Mettre en œuvre la Société à 2000 watts

Que représentent les objectifs de la Société à 2000 watts pour un bâtiment ou un quartier? Le cahier technique SIA 2040 La voie SIA vers l’efficacité énergétique présente, depuis bientôt dix ans, la méthodologie pour calculer l’impact énergétique d’un bâtiment sur l’ensemble de sa durée de vie et les cibles à atteindre pour respecter les objectifs de la Société à 2000 watts.

Pour les quartiers, le certificat Site 2000 watts de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) se base sur le cahier technique SIA 2040 pour les aspects quantitatifs. Il récompense les zones urbanisées qui s’engagent en faveur de la protection du climat et démontrent une utilisation durable des ressources. Il les évalue pour toutes les phases du projet, dès le plan de quartier et jusqu’à et pendant l’exploitation. Quant au volet qualitatif, il met la qualité de vie et la fonctionnalité du quartier au centre des préoccupations. L’organisme de certification, mandaté par ­Suisse­Energie, qui délivre le label, est indépendant et assure l’adéquation du projet avec les objectifs quantitatifs de la Société à 2000 watts. Le label garantit ainsi la mise en œuvre flexible, mais néanmoins ambitieuse, des prescriptions communales en matière de politique énergétique et climatique.

Transcrire concrètement les objectifs de la Stratégie énergétique dans un nouveau morceau de ville, voilà le pari que les communes de Lausanne, Prilly et Renens ont décidé de lancer dans la zone de Malley. Les terrains composant cette friche industrielle de l’Ouest lausannois sont aujourd’hui une denrée rare et précieuse au vu de leur proximité avec le centre de l’agglomération. Pour cette raison, les trois communes ont voulu développer sur cette zone, dont le passé industriel est important, une nouvelle centralité au caractère exemplaire : urbaine, dense, mixte et respectueuse de l’environnement. Avec en toile de fond la tenue des Jeux olympiques de la jeunesse 2020, qui allaient offrir une forte visibilité médiatique à Malley, tout en imposant un jalon temporel fort.

Ensemble avec le canton, les trois communes ont ainsi élaboré entre 2005 et 2012 le Schéma directeur intercommunal de Malley (SDIM), dont le périmètre comporte trois secteurs (Ouest, Centre et Est). Ce document définit cinq grands objectifs:

• développement d’une centralité urbaine dense et mixte,
• création d’une interface de transports publics (TL et CFF),
• offre diversifiée d’espaces libres et verts,
• limitation des nuisances et pollutions,
• mise en œuvre du concept de la Société à 2000 watts.

Assurer la cohérence du projet

Comme expliqué précédemment, le label Site 2000 watts a été conçu afin de permettre d’implémenter, à l’échelle d’un quartier, les exigences du concept de la Société à 2000 watts en matière de bâti et de mobilité. Au sein du périmètre du SDIM, Malley-Centre s’avérait le plus propice à la réalisation de tels quartiers. Ce secteur comprend en effet de nombreux terrains libres de constructions. Il était naturellement plus facile, et moins cher, d’y développer un tel projet que de le greffer sur des quartiers déjà complètement bâtis. Un autre avantage est le nombre réduit de propriétaires fonciers, et donc d’interlocuteurs, pour les communes parties prenantes du SDIM.

Les communes de Prilly et de Renens étant étroitement liées au nouveau secteur de Malley-Centre, elles ont mis en place une structure de gestion commune : la Fabrique de Malley (voir encadré p. 6). Celle-ci est chargée d’y coordonner les différents projets, tant publics que privés, et d’assurer la cohérence du développement du secteur ainsi que la qualité urbaine des futurs quartiers.

Le secteur de Malley-Centre qui, à terme, verra la construction de 260 000 m² de surface brute de plancher et la venue de 2500 nouveaux habitants et 1300 nouveaux emplois, est découpé en quatre quartiers : Centre sportif et Viaduc au nord des voies CFF, Gare et Gazomètre au sud. Au vu de la problématique énergétique très spécifique du Centre sportif, seuls les trois autres quartiers sont sujets à une labellisation Site 2000 watts. Mais comment faire pour transmettre cette exigence énergétique des communes aux propriétaires fonciers ? Au départ, ces dernières souhaitaient l’inscrire dans des textes contraignants tels que les règlements de plan de quartier ou les plans partiels d’affectation. Mais le Canton de Vaud s’y est opposé, pour des raisons uniquement juridiques : en la matière, les communes n’ont pas la compétence pour imposer des règles plus contraignantes que celles qui résultent de la loi cantonale sur l’énergie. Or les obligations qui en découlent ne permettent pas d’atteindre les objectifs de la Société à 2000 watts. Renens et Prilly ont donc dû réfléchir à d’autres alternatives.

Convaincre les maîtres d’ouvrage

Pour les deux quartiers au sud des voies CFF, au vu du nombre restreint d’entités territoriales (Prilly et Renens) et de propriétaires fonciers (Ville de Lausanne pour le quartier Gazomètre et CFF Immobilier pour le quartier Gare), les communes ont négocié, dans le cadre du droit privé, une convention dont le respect conditionne la délivrance d’un permis de construire. Les deux objectifs sont les suivants: chaque bâtiment doit correspondre aux standards de performance énergétique Minergie A-Eco ou P-Eco et le quartier dans son ensemble doit être certifié Site 2000 watts. Cette convention permet la présentation d’autres labels, du moment que leurs équivalences sont démontrées.

Les CFF travaillant avec le standard énergétique allemand DGNB, dont les critères d’évaluation ne sont pas identiques à ceux de Minergie, les communes, les CFF ainsi que l’organisme de certification ont travaillé de concert afin de garantir, au niveau du projet soumis à l’enquête, la construction de bâtiments équivalents aux exigences de Minergie-P-Eco.

Le certificat Site 2000 watts analyse non seulement le stade du projet, mais également ceux de la construction et de l’exploitation selon les trois indicateurs que sont la consommation d’énergie primaire totale, la consommation d’énergie primaire non renouvelable et les émissions des gaz à effet de serre pour ce qui touche à la construction, à l’exploitation du quartier et à la mobilité. Une fois le quartier de Malley-Gare achevé (en 2024 selon le calendrier actuel), il sera monitoré afin de pouvoir être certifié Site 2000 watts en exploitation tous les quatre ans, et ce pour l’entier de son existence.

Le projet Central Malley du quartier ­Malley-Gare a été mis à l’enquête publique à la fin de l’été 2020 et n’a fait l’objet que de deux oppositions et de deux remarques qui ne le remettent pas en question. La délivrance du permis de construire et le début du chantier devraient intervenir en 2021.

La Fabrique de Malley

 

Les villes de Prilly et Renens ont mis en place

une structure de gestion appelée La Fabrique de Malley qui fait l’interface entre les deux administrations communales. Sa mission est de coordonner les différents projets publics et privés et d’assurer la qualité urbaine de Malley-Centre en garantissant la cohérence du développement du secteur et une gouvernance solidaire entre les villes et les propriétaires des terrains.

De façon plus détaillée, elle a en charge sur le secteur de Malley de:

• garantir la mise en œuvre des ­équipe­ments publics à la charge des deux villes,
• assurer la cohérence, la durabilité et la qualité urbaine dans le périmètre Malley,
• assurer la communication officielle, au nom des deux villes,
• organiser les démarches participatives et l’animation du lieu pendant la phase de réalisation,
• gérer les plans d’affectation et les études nécessaires,
• accompagner les différents porteurs de projets pendant les phases de chantier.

Les missions de la Fabrique de Malley sont assurées par une équipe multidisciplinaire dédiée au projet, qui répond directement à une délégation des Municipalités de Prilly et Renens. L’équipe de projet assure la coordination avec les différents services des deux villes. Elle est le contact privilégié pour toutes questions relatives à Malley-Centre.

Malley-Gare

 

Situé au sud de la halte CFF Prilly-Malley, sur les communes de Prilly et Renens, Malley-Gare fait partie de la première phase du réaménagement de la friche industrielle de Malley.

Le nouveau quartier constituera un véritable morceau de ville, comprenant cinq bâtiments, dont deux de grande hauteur. Il proposera logements, bureaux et commerces. Au rez-de-chaussée, les commerces et lieux de restauration seront directement connectés à l’espace public. Une vélostation sera mise en service dans l’un des bâtiments.

Deux places publiques majeures et arborisées seront réalisées et connectées entre elles par le chemin des Bouchers et la future avenue de Malley. Ces places permettront d’accéder au réseau CFF (RER Vaud) à l’ouest par le passage inférieur Trait d’union et à l’est par l’entrée actuelle de la halte Prilly-Malley.

 

Concept énergétique Central Malley

Les cinq immeubles du projet Central ­Malley seront reliés à un système centralisé de production de chaleur et de froid au moyen de deux pompes à chaleur et d'un champ de 96 sondes géothermiques d'une profondeur de 250 mètres. Cette installation permettra également le préchauffage de l'eau chaude sanitaire, qui sera montée en température par l'intermédiaire de CADouest, le réseau de chauffage à distance de l'ouest lausannois, en recourant uniquement à des énergies renouvelables. Les toitures et terrasses des bâtiments accueilleront quant à elles une installation photovoltaïque permettant de produire plus de 400 MWh/an (435 kWp).

 

Central Malley: faits et chiffres

42 200 m² de surfaces commerciales, de bureaux et de logements

14 700 m² de logements du 1,5 pièce au 5,5 pièces soit environ 150 appartements

23 700 m² de surfaces de bureaux

3800 m² de surfaces commerciales

6500 m² de surfaces publiques

 

Intervenants

Maître d’ouvrage: CFF Immobilier

 

Périmètre A

Architecte: Aeby Perneger & associés
Ingénieur civil : T ingénierie

Ingénieur CVS: Weinmann-Energies

Ingénieur E: CICÉ

Physicien du bâtiment: Sorane

Architecte paysagiste: MAP-paysage

Concours: 2018

 

Périmètre B

Architecte: Pont 12 Architectes

Ingénieur civil: Ingeni

Ingénieur CVCS-MCR: Weinmann-Energies

Ingénieur E: BETELEC

Architecte paysagiste: L’Atelier du Paysage

Concours: 2018

Article issu du hors-série Site 2000 watts: concrétiser une vision, publication réalisée en partenariat avec l'Office fédéral de l'énergie (OFEN) et qui peut être téléchargée gratuitement ici. 

 

Pour plus d'information:

 

www.suisseenergie.ch et www.2000watts.swiss