«Un ni­veau élevé d’at­ten­tion du mar­ché»

Estimer le prix du marché d’un bien immobilier fait partie du quotidien des investisseurs institutionnels. La protection du climat et l’évaluation de la durabilité comptent néanmoins parmi leurs nouvelles tâches. Christoph König de Swiss­canto nous explique en quoi ces dernières consistent.

Date de publication
28-09-2020

Paul Knüsel: Christoph König, quelle est l’importance de la protection du climat pour les fonds de placement des Banques Cantonales?
Christoph König: Swisscanto Invest est le 1er fournisseur de fonds suisse à viser l’«objectif des 2 degrés» de l’Accord de Paris pour tous ses produits. Pour les biens immobiliers gérés en tant qu’actifs immobilisés, nous suivons les Objectifs de performance énergétique SIA, dont les valeurs cibles sont conformes à la vision de la Société à 2000 watts. Les derniers chiffres des améliorations énergétiques prouvent que nous sommes sur la bonne voie.

Quel est le bilan énergétique de votre portefeuille immobilier?
En 2016, nous avons lancé un programme de gestion sur 5 ans. Grâce au controlling énergétique et à l’optimisation des installations techniques du bâtiment, nous visons une réduction d’environ 2% par an de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre. Dans 2 ans, nous prévoyons
une réduction encore plus élevée.

«Les optimisations du système de chauffage et des autres installations énergétiques améliorent un certain nombre de choses avec un amortissement sur deux ans»

Que faites-vous pour atteindre les objectifs?
Nous possédons 370 immeubles: la moitié est à usage résidentiel, l’autre est dédiée au tertiaire. Pour réduire leur consommation d’énergie, nous adoptons une approche pragmatique en 3 étapes. Nos mesures ne requièrent ni modifications structurelles du bâti, ni investissements supplémentaires. Nous vérifions par exemple le fonctionnement des installations techniques ou adoptons l’électricité verte pour l’éclairage.

Investissez-vous aussi spécifiquement dans des mesures de réduction?
Oui, à partir de la 2ème phase d’intervention. Les optimisations du système de chauffage et des autres installations énergétiques améliorent un certain nombre de choses avec un amortissement sur deux ans. Ainsi, nous remplaçons les capteurs et les pompes par des appareils avec une meilleure efficacité énergétique.

Y a-t-il une troisième étape?
Oui, dès qu’un bâtiment, des éléments de construction individuels ou un ouvrage technique atteint la fin de son cycle de vie, nous procédons à une analyse approfondie. Nous étudions différentes variantes: quelle est la source d’énergie optimale et quel est le cycle d’assainissement? Selon la situation, nous remettons le bien en état, optons pour une rénovation complète ou appliquons un concept de rénovation combiné. Les objectifs de durabilité sont intégrés dans les projets et les rénovations générales avant la phase de planification.

En tant qu’investisseur institutionnel, vous pensez aussi à la rentabilité, n’est-ce pas?
La rentabilité est une chose acquise. Si nos dépenses évoluent dans la fourchette du budget d’entretien, les intérêts sur le loyer net ne changent pas. Seuls les coûts énergétiques et les charges diminuent. Nos mesures ont aussi un impact économique indirect : les locataires peuvent économiser de l’argent et sont heureux de rester chez nous. Cette fidélité est importante car les locataires sont sensibles aux variations des prix.

Le contrôle des biens immobiliers durables ne porte pas seulement sur l’efficacité énergétique, mais aussi sur d’autres ­critères d’exigences. Quelle est votre approche à cet égard?
Nous évaluons les investissements immobiliers selon les critères ESG. La «gouvernance sociale et environnementale» est basée sur des principes développés pour nos propres besoins sur la base de normes indépendantes. Il en est ressortie une liste de 13 critères basés sur le Standard Construction durable Suisse Bâtiment. Ces derniers nous aident à évaluer la durabilité et les indicateurs financiers lors des acquisitions, de l’analyse de la situation et des études de rénovation.

«L’immobilier durable bénéficie également d’une attention toute particulière de la part du marché.»

Pourquoi avez-vous besoin de votre propre outil et n’utilisez-vous pas les procédures standard déjà établies?
Les outils disponibles sont soit trop spécifiques, soit trop généraux. Lorsque nous voulons acquérir un bien, nos experts doivent pouvoir évaluer eux-mêmes ses qualités selon des procédures simples et claires. Ce type de négociation ne laisse pas de temps pour des expertises externes. Notre propre outil de notation est actuellement en phase de test.

Quelle place prend le développement durable sur le marché immobilier?
L’emplacement et la durabilité restent les facteurs de qualité les plus importants pour un bien immobilier. Cependant, de nombreux paramètres de durabilité peuvent être directement influencés ou améliorés. C’est pourquoi l’évaluation ESG est importante lors d’une acquisition : elle permet d’analyser le potentiel qualitatif et d’estimer comment il peut être exploité tout au long de son cycle de vie. L’immobilier durable bénéficie également d’une attention toute particulière de la part du marché. Un emplacement moins favorable peut être compensé par des normes écologiques élevées.

La demande pour de tels biens est-elle en hausse?
Oui, les entreprises opérant à l’international ont de grandes exigences pour leurs locataires dans ce domaine. Le marché financier évolue : les investisseurs institutionnels veulent des investissements durables. Nous devons prendre des mesures actives pour la protection du climat et sécuriser les actifs immobilisés. L’immobilier durable est un moyen de minimiser les risques des entreprises.

La Suisse joue-t-elle un rôle particulier en la matière?
Malgré notre stratégie énergétique et la loi sur le CO2, nous n’avons pas encore trouvé le bon cap. Le secteur immobilier devra en faire plus pour rester compétitif dans le contexte international. Les grands gestionnaires de fortunes auront un rôle de pionnier à cet égard et les acteurs politiques devront prévoir des incitations supplémentaires en faveur de l’investissement dans des mesures d’efficacité énergétique des bâtiments. Un arsenal national de normes et de règles de subvention uniques serait préférable à la lourdeur et à la diversification des solutions cantonales actuelles.

Ensemble: les normes de construction

 

Le Réseau Construction durable Suisse (NNBS) fait ses comptes: la famille des normes et des certificats compte deux douzaines de membres et résume à elle seule toute la panoplie des possibilités d’évaluation des sites résidentiels et commerciaux sur la base des critères écologiques, sociaux et/ou économiques. Près de la moitié des labels de durabilité sont d’origine nationale. Les labels «made in Switzerland» ont plusieurs dénominateurs communs: malgré des pondérations thématiques différentes, la recommandation SIA 112/1 «Construction durable Bâtiment» constitue le socle commun pour l’évaluation des différents aspects de la durabilité. Les méthodes de calcul sont également basées sur les normes et directives usuelles des secteurs de la construction et de l’énergie. Enfin, le secteur public a participé main dans la main avec le privé au développement technique et à la structure organisationnelle des certificats Minergie, SNBS 2.0, etc.

Charte ouverte à tous
Ces liens de parenté doivent permettre de faire émerger une coopération encore plus étroite. L’Office fédéral de l’énergie et les organisations faîtières des quatre principaux labels suisses (Minergie, SNBS 2.0, Certificat énergétique cantonal des bâtiments CECB, «Site 2000 watts») entendent renforcer les synergies et l’harmonisation des bases d’évaluation. Dans une déclaration d’intention, ils confirment leurs efforts en vue d’atteindre les objectifs climatiques nationaux et soutiennent la stratégie de développement durable ; d’autres acteurs des secteurs de la construction et de l’immobilier sont invités à les rejoindre dans cet effort.

Avec le soutien de SuisseEnergie, espazium - Les éditions pour la culture du bâti a publié les numéros spéciaux suivants:

 

No. 1/2018 «Immobilier et énergie: Stratégie pour l'immobilier - orientation pour les investisseurs institutionnels

 

N° 2/2019 «Immobilier et énergie: stratégies de mise en réseau»

 

N° 3/2020 «Immobilier et énergie: stratégies de la transformation»

 

Les articles de cette édition spéciale sont disponibles dans le e-dossier «Immobilier et énergie»

 

 

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