Tout a commencé au jardin d’enfants
Il est possible de relier des quartiers d’habitation existants pour créer des regroupements de consommation propre (RCP). Une expérience au Tessin s’est montrée concluante, à tel point que d’autres projets sont en cours de réalisation dans le canton.
Il y a trois ans, la commune de Capriasca a construit un jardin d’enfants avec un toit solaire de 30 kW. Comme l’installation PV fournit une quantité d’électricité particulièrement importante pendant les longues vacances d’été, les autorités ont cherché des acheteurs dans le quartier. L’appel lancé lors d’une assemblée extraordinaire a rencontré un grand succès : la totalité des 18 propriétaires de maisons individuelles voisines s’est intéressée à l’électricité provenant de cette source proche. Par la suite, la centrale électrique locale, Azienda Elettrica di Massagno (AEM), a pris en charge la création d’un groupement pour la consommation propre (RCP). Non seulement la production photovoltaïque du toit du jardin d’enfants y est échangée, mais six autres installations solaires du quartier sont intégrées à l’opération, pour une puissance totale de 72 kWc.
Mais l’AEM voulait en savoir plus: elle a donc fait appel à la Haute école spécialisée tessinoise SUPSI comme partenaire scientifique pour étudier les aspects techniques, économiques et sociaux. Sur le plan technologique, le réseau d’autoconsommation «Lugaggia Innovation Community» (LIC) a été mis à niveau – d’une part avec une batterie de quartier (60 kWh) et d’autre part avec un pilotage interne des échanges d’électricité basé sur la blockchain. L’Office fédéral de l’énergie a soutenu le projet de 2019 à 2021.
Décharger le réseau
Les responsables dressent un bilan positif de l’achèvement du projet RCP. L’autoconsommation a pu être augmentée. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la part de la production photovoltaïque disponible après déduction des besoins des ménages et du jardin d’enfants. Sans regroupement, cet excédent est de 70 à 80%. Grâce à la batterie et à une gestion de la charge optimisant le fonctionnement des pompes à chaleur et des chauffe-eau électriques, la majeure partie est désormais utilisée sur place. Selon les enquêtes scientifiques, le taux d’autoconsommation atteint même 94%, le stockage y contribuant largement. Cela profite aux consommateurs d’électricité et à la compagnie d’électricité locale AEM: «Une autoconsommation élevée décharge le réseau de distribution local» explique le professeur Vasco Medici, qui a supervisé le projet du côté de la SUPSI. Si la production photovoltaïque est augmentée par l’ajout d’autres installations solaires, l’accumulateur pourra être encore mieux exploité.
L’utilisation de son propre courant solaire est en principe lucrative pour les participants RCP. Les ménages RCP reçoivent l’électricité pour 16 ct./kWh en moyenne (contre 21 ct./kWh en dehors du RCP) et économisent ainsi environ 50 à 150 CHF par an. Les exploitants d’installations photovoltaïques dans le cadre du RCP peuvent en outre vendre leur électricité au sein du regroupement à de meilleurs prix que la centrale électrique locale. Le RCP de Lugaggia profite en outre du fait que l’AEM a pu financer l’accumulateur de quartier en externe dans le cadre du projet pilote. Si l’amortissement avait dû passer par le regroupement RCP, le calcul aurait été moins favorable : pour un coût de 45 000 CHF et une durée d’utilisation théorique de dix ans, l’accumulateur à batterie coûte 30 à 40 centimes supplémentaires par kilowattheure. L’électricité RCP avec batterie reviendrait alors plus cher que celle provenant du -réseau de distribution public.
Pour le fournisseur d’électricité AEM, un RCP n’est en principe pas rentable. Certes, il est possible d’économiser sur les futures -mesures d’extension de l’infrastructure du -réseau local, mais seulement à moyen terme. Dans l’immédiat, AEM accepte en revanche de percevoir moins d’argent de la vente d’électricité. Malgré cela, le fournisseur d’électricité tessinois planifie déjà d’autres quartiers RCP dans sa zone d’approvisionnement. La centrale se prépare ainsi à l’avenir proche, dès que le développement de la production photovoltaïque décentralisée se poursuivra. «C’est un moyen d’explorer de nouveaux domaines d’activité grâce à des services innovants», explique Daniele Farrace, Chief Innovation Officer chez AEM.
D’après un article de Benedikt Vogel, mandaté par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN)
Avec le soutien de SuisseEnergie et de Wüest Partner, les numéros spéciaux suivants ont été publiés par espazium - les éditions pour la culture du bâti:
2/2019 "Immobilier et énergie: stratégies de mise en réseau".
3/2020 "Immobilier et énergie: stratégies de la transformation".
4/2021 "Immobilier et énergie: sur des routes communes avec l'électromobilité".
5/2022 "Immobilier et énergie: stratégies d'autoconsommation".
Les articles peuvent être consultés dans notre dossier numérique "Immobilier et énergie".