Ti­rer des en­seig­ne­ments de Men­dri­sio

Il y a trente ans, la Suisse ­inaugurait la mobilité électrique en déployant un projet pilote dans le sud du Tessin. De nombreuses personnes en profitent encore aujourd’hui, qu’il s’agisse des usagers de voitures de tourisme ou du secteur public.

Date de publication
21-06-2021

Le visiteur qui déambule dans les ruelles de Mendrisio en contemplant ses maisons et ses cours, ou qui assiste à l’une des traditionnelles processions pascales, peut difficilement imaginer la force de l’esprit d’innovation qui se cache derrière les murs du cœur historique. C’est pourtant d’ici que maîtres bâtisseurs et architectes, forts de leur savoir-faire et tout auréolés de leur renommée, partaient parcourir le monde. Les fondateurs de l’Académie d’architecture, après s’être heurtés à un certain scepticisme, s’inscrivirent aussi dans cette lignée de pionniers. C’est grâce à ses spécificités régionales que le choix de Mendrisio s’est imposé naturellement, il y a maintenant plus de vingt ans, pour accueillir un projet pilote de mobilité électrique de portée nationale. Ainsi, plus de 400 véhicules électriques ont été introduits sur le marché local, dont deux tiers pour des particuliers.

La raison de cette expérience tenait cependant moins à un défi technique audacieux qu’à une urgence, car la région du Mendrisiotto est exposée à des niveaux de pollution élevés à cause de la présence de l’autoroute de transit vers et depuis l’Italie et du trafic transfrontalier. Les émissions de particules fines et les niveaux d’ozone y dépassent régulièrement les limites légales.

Objectif atteint !

L’expérimentation pratique des véhicules électriques légers (VEL) a duré de 1994 à 2001, faisant de Mendrisio à cette époque le fer de lance européen de la mobilité électrique. Des voitures de différents constructeurs et des technologies de batteries ont été utilisées pour comparer différents systèmes. Outre l’aspect pratique au quotidien, des mesures d’incitation et de soutien ainsi que de futurs concepts de transport respectueux de l’environnement ont également été analysés. Certains objectifs ont été atteints : la plupart des usagers particuliers ont en effet opté pour un VEL comme seconde voiture – une tendance qui perdure selon les autorités environnementales du Tessin. L’impact des courts trajets parcourus à l’électrique s’est également révélé positif, notamment en termes de consommation d’énergie et d’empreinte environnementale.

Toutefois, le projet pilote de Mendrisio a démontré que le surcoût d’acquisition d’un véhicule électrique devait rester dans des limites raisonnables. Les convictions ne suffisent pas pour justifier la décision d’achat. D’autre part, le facteur rentabilité est décisif pour le passage à l’électrique. Selon les recherches d’accompagnement du projet, des modèles de financement répondant précisément aux besoins des clients sont nécessaires pour compenser les coûts d’achat, qui demeurent élevés par rapport aux charges d’exploitation. Le succès de la commercialisation des véhicules électriques passe de surcroît par un réseau de concessionnaires et de points de service qualifiés suffisamment étoffé, ainsi que par une infrastructure de recharge fiable. La synthèse de plusieurs années d’analyses pratiques permet de tirer le constat suivant : les seules innovations dans le domaine de la technologie ne suffisent pas pour opérer une percée sur le marché. Tous les domaines et tous les éléments du système doivent être modifiés pour promouvoir la mobilité électrique.

Des mesures d’encouragement avancées

Le canton du sud continue de capitaliser sur ces enseignements. La politique d’encouragement du canton est très avancée par rapport à l’ensemble du territoire suisse. Ainsi l’acquisition d’une voiture électrique y est subventionnée, tout comme l’installation d’une borne de recharge, que ce soit sur une propriété privée ou sur un parking d’entreprise. Seul Genève a une  offre similaire. Il y a deux ans, le Tessin a même reçu le prix « Fiche d’or », en reconnaissance des performances affichées par la branche de la mobilité électrique. Dans la région densément urbanisée de Sottoceneri, les stations de recharge électrique accessibles au public sont aussi courantes que dans le Plateau suisse. Et même dans les ­vallées méridionales reculées, on trouve désormais sur les parkings de certains grotti traditionnels au minimum un emplacement équipé d’une borne de recharge. Mais on peut faire encore mieux : dans le Tessin, 6% seulement des nouvelles immatriculations concernent des véhicules électriques – un chiffre encore légèrement en deçà de la moyenne nationale.

L’efficacité des mesures cantonales est impressionnante, car si un sixième du pot de financement de CHF 3 mio est affecté au développement de l’infrastructure de recharge, il n’en demeure pas moins que pour deux nouvelles voitures électriques, une nouvelle station de recharge est installée. L’Office cantonal de l’air, du climat et des énergies renouvelables élabore des plans supplémentaires pour la mobilité électrique. Une fois de plus, le choix s’est porté sur Mendrisio pour le lancement d’une offre publique de partage (sharing) de vélos électriques à l’échelle du canton.

Un système d’alerte acoutique

Le projet de VEL initial de Mendrisio a mis en lumière quelques ratés : à faible vitesse, les véhicules électriques n’émettent quasiment pas de bruit. Ce qui représente un avantage peut se transformer en danger mortel pour les piétons ou les cyclistes lorsqu’ils ne voient pas les véhicules arriver par l’arrière. Le danger est encore plus grand pour les passants aveugles ou malvoyants, puisqu’ils ne peuvent même pas percevoir la présence d’un véhicule électrique. Pour le projet pilote, un système d’alerte acoustique a été installé des modèles standard. L’installation d’un système d’alerte AVAS (Acoustic Vehicle Alerting System) est devenue entre-temps une obligation légale. Ce dispositif génère un son continu audible jusqu’à 20 km/h. Dès cet été, un tel système d’alerte sera obligatoire pour toutes les nouvelles voitures électriques et de véhicules hybrides en Suisse et dans l’UE.

D’autres enseignements peuvent être tirés de l’expérience de Mendrisio : les données et les résultats de sondages d’opinion collectés lors de l’expérimentation continuent d’offrir un précieux gisement d’expériences et de jeter les bases de nombreux dévelop­pements dans le domaine de la mobilité ­électrique. Tous les 16 juin se déroule la ­Journée nationale de la mobilité électrique, ou « Swiss eDay », en souvenir du projet de Mendrisio.

Avec le soutien de SuisseEnergie et Wüest Partner, espazium - Les éditions pour la culture du bâti a publié les numéros spéciaux suivants:

 

No. 1/2018 «Immobilier et énergie: Stratégie pour l'immobilier - orientation pour les investisseurs institutionnels

 

N° 2/2019 «Immobilier et énergie: stratégies de mise en réseau»

 

N° 3/2020 «Immobilier et énergie: stratégies de la transformation»

 

N° 4/2021 «Immobilier et énergie: sur des routes communes avec l'électromobilité»

Les articles de cette édition spéciale sont disponibles dans le e-dossier «Immobilier et énergie»

Magazine

Sur ce sujet