Stu­dio inches: un dia­logue sen­sible et me­suré avec l'his­toire

Le troisième article de notre série sur des jeunes bureaux tessinois se penche sur la pratique du studio inches. Les premières réalisations de ce bureau installé à Locarno montrent que le désir de créativité de la nouvelle génération peut dialoguer de manière intelligente et mesurée avec l’histoire. Au travers de la confrontation avec le tissu bâti et les caractéristiques morphologiques du paysage, les architectes de studio inches valorisent l’espace de la mémoire collective. 

Date de publication
07-11-2017
Revision
08-11-2017

Matteo Inches (Brescia, 1984) est un architecte suisse italien. Après avoir obtenu son diplôme d’architecte à l’Accademia di architettura di Mendrisio, il travaille pendant deux ans au sein du bureau Buzzi e Buzzi architetti avant de se lancer en indépendant. Depuis 2013, il est collaborateur scientifique au Département du territoire du canton du Tessin. Nastasja Geleta (Rheine, Allemagne, 1984) a grandi entre Perth et Brisbane, en Australie, et s’est installée en 2009 au Tessin, où elle a obtenu son diplôme d’architecte d’intérieur à la Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI). Elle est associée à studio inches architettura depuis 2014.

Les centres historiques du Tessin, un champ de recherche

Implanté à Locarno, le bureau d’architecture a eu l’occasion d’accéder récemment à une certaine notoriété à l’échelon national en prenant part à l’exposition collective Schweizweit. Architecture récente en Suisse (lire l'article Schweizweit. Architecture récente en Suisse), organisée en 2016 par le Musée suisse d’architecture (S AM) de Bâle. Il a également participé à l’exposition Swiss Art Award 2017, où il a utilisé comme dispositif scénographique une photographie de la casa Rezzonico, construite en 1985 par l’architecte Livio Vacchini dans le village de Vogorno.

Sur la toiture plate de la maison, une ancienne ferme transformée, Livio Vacchini a placé deux toits traditionnels en bâtière recouverts de «piode» (plaques de pierres), à vocation purement décorative, pour se conformer aux contraintes dictées par la règlementation locale en matière d’urbanisme. La photographie de l’exposition semble concrétiser parfaitement les limites territoriales et les ambitions intellectuelles de la recherche de studio inches. Les premières réalisations du bureau sont en effet consacrées à la rénovation de bâtiments situés dans des centres historiques du Tessin.

Les projets des architectes ont en commun certains éléments récurrents: les obligations de conservation du patrimoine rural, qui interdisent de modifier les ouvertures existantes, les matériaux et la typologie du toit qui deviennent des éléments d’expression et sont traités de manière à rappeler le paysage et les architectures vernaculaires. Dans les espaces intérieurs, vidés puis reconstruits, les architectes créent de nouveaux liens avec l’environnement et des ambiances contemporaines en appliquant des concepts de composition clairs et en portant une attention sensible aux détails de construction.

Transformations – une sélection de projets

Après avoir restauré une habitation rurale, studio inches a conçu le nouveau pavillon d’exposition de la Fondation Musée MeCrì, située dans la localité de Mondacce (commune de Minusio), comme une cabane de l’époque archaïque: les murs en béton lavé délimitent la cour intérieure et l’espace d’exposition tout en créant une harmonie avec les murs d’enceinte. Revêtu de dalles de gneiss horizontales, une roche du Valle Maggia voisin, le toit en bâtière évoque les toitures en pierres des maisons voisines.

Lire également les deux premiers articles de notre série: Atelier De Molfetta Strode, le paysage dynamique au Tessin et Mihail Amariei, immeuble résidentiel de la via Giacomo Rizzi à Mendrisio

Dans le centre historique de Vacallo, l’enveloppe de la petite tour à plan carré de la casa Rizza est restée intacte: à l’intérieur, les nouvelles dalles en béton apparent exaltent la verticalité de l’espace et le caractère structurel de raidissement. Les ouvertures placées à l'extrême limite interne des murs soulignent, de l’extérieur, l’épaisseur et la présence du mur périphérique massif.

À Solduno, studio inches a rénové la casa Degraz en réinterprétant les techniques de construction locales selon les canons d’une nouvelle esthétique. Le toit de la maison est de faible épaisseur. Les poutres de couverture débordent des murs massifs et irréguliers de la construction ancienne. À Locarno, les architectes ont transformé les combles de casa Canfora, un immeuble prestigieux de 1920, en un appartement habitable. Leur intervention, qui se limite au strict minimum, se distingue par la juxtaposition des matériaux dans les seuils de transition entre les pièces.

L’immeuble en chantier à Locarno est, par la clarté de sa distribution et l’expressivité de sa structure porteuse périphérique en béton, un nouveau clin d’œil que Matteo Inches et Nastasja Geleta adressent à Livio Vacchini. Les deux architectes ont également remporté le concours lancé pour la surélévation de l’établissement scolaire de Viganello. La structure légère en acier qu’ils proposent livre une interprétation contemporaine du langage architectural de l’école, réalisée en 1978 par l’architecte tessinois Sergio Pagnamenta.

Un espace de la mémoire collective

La modification sensible de l’existant et la réinterprétation d’éléments architectoniques traditionnels transparaissent clairement dans la démarche du duo tessinois. Les architectes se servent d’exemples d’architectures récentes bâties au Tessin et en Suisse centrale comme bases de référence solides. Il s’agit d’une méthode classique mais efficace qui aboutit à des architectures précises.

Les premières réalisations du studio inches montrent comment le désir de créativité de la nouvelle génération peut dialoguer de manière intelligente et mesurée avec l’histoire. Les ouvrages se fondent aux contextes, la recherche d’une signature architecturale s’estompe pour laisser place à une esthétique anonyme. Ces interventions ne sont pas seulement à interpréter comme des exemples d’une bonne architecture, mais comme des processus de conception honnête qui, en se confrontant au bâti et aux caractéristiques morphologiques du paysage, mettent en valeur l’espace public, compris aussi comme un espace de la mémoire collective.

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