Rez: ni­veau fon­da­men­tal

Article de présentation du dossier "Rez" du numéro de juillet de la revue TRACÉS

Date de publication
11-07-2025

Niveau fondamental de la vie de quartier, le rez-de-chaussée est le socle d’où s’élèvent les aspirations des habitant·es, héritières des luttes urbaines, théories et débats qui ont porté le «droit à la ville1» dans l’après-guerre (Lefebvre, 1968) comme projet collectif sur l’espace urbain. Si ces réflexions n’intégraient pas encore l’urgence environnementale, elles relevaient déjà les inégalités territoriales d’une planification marquée par une vision fonctionnaliste de la ville. Saisie comme opportunité, la densification réactive aujourd’hui ces enjeux, dont les rez-de-chaussée sont un terrain d’action.

Or, ni entièrement privés, ni tout à fait publics, les rez-de-chaussée sont une interface privilégiée où se négocient les intérêts communs. Cette situation intermédiaire leur permet d’absorber les injonctions multiples, et parfois contradictoires, des villes: animer les quartiers tout en ménageant l’intimité, penser la pacification des rues en assurant l’accessibilité, ou encore conjuguer fonctions marchandes et initiatives solidaires. Se frayant un chemin entre enjeux techniques, sociaux et économiques, ce dossier explore la manière dont le projet de rez contribue à réinventer la ville à partir d’elle-même..

Car penser les rez-de-chaussée, ou les rez-de-ville, selon l’expression de David Mangin et Soraya Boudjenane (p. 7), ne se limite pas à la mise en œuvre de locaux commerciaux, ni au soin architectural qui peut leur être apporté. Franchir le seuil des pieds d’immeubles permet d’observer les parcours du quotidien et les modes d’appropriation qu’ils suscitent; de renégocier la place de la voiture pour valoriser la continuité entre l’intérieur des rez et l’espace public; ou encore de sonder les potentiels de l’existant, des centres urbains aux pentes investies par les quartiers résidentiels.

La question, on le voit, n’est pas seulement technique. Concevoir des rez-de-chaussée attractifs, et surtout en maintenir l’activité, c’est également les doter d’une gouvernance adaptée opérant sur un périmètre plus large que celui du seul bâtiment. Ce souci se manifeste aujourd’hui à travers plusieurs initiatives genevoises, qui développent des outils économiques et politiques pour y répondre: charte des rez-de-chaussée du secteur Acacias 1 (PAV), convention entre partenaires publics et privés dans le quartier du Rolliet (Plan-les-Ouates), ou encore stratégie d’action communale à Lancy.

L’investissement des rez-de-chaussée par les pouvoirs publics genevois marque alors un tournant avec la distance qu’ils avaient observée lors des précédents cycles d’urbanisation du canton, de la ceinture Fazyste à la cité satellite des Avanchets. La dynamique actuelle autour des projets de rez témoigne d’une prise en compte croissante des enjeux, à la fois sociaux et environnementaux, qui y sont associés. Reste que la mise en œuvre demeure, pour le moment, prudente, face à des logiques économiques encore dominantes.

Note

 

1. Le «droit à la ville» comme «le droit à la vie urbaine, à la centralité rénovée, aux lieux de rencontres et d’échanges, aux rythmes de vie et emplois du temps permettant l’usage plein et entier de ces moments et lieux». Henri Lefebvre, Le Droit à la ville, Paris, Anthropos, 1968

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