Ma­roc: com­ment (se) re­cons­truire

Date de publication
13-10-2025

La reconstruction post-catastrophe n’est pas qu’une affaire de réparation ou de relogement des populations, effort technique pour retrouver un état antérieur au désastre. Le phénomène est politique: la reconstruction sert fréquemment une idéologie, une économie, qui tire parti de la table rase – on l’a vu en France ou au Japon dans l’après-guerre, mais aussi dans les Balkans sous Tito; on le constate aujourd’hui encore dans le cas extrême de la bande de Gaza, où la destruction massive est engrenée par l’intérêt spéculatif. Pourtant, il existe d’autres manières de reconstruire, et c’est à elles que ce dossier s’intéresse, en observant le cas récent du Maroc.

Il y a deux ans, un séisme frappait le Haut Atlas: 3000 victimes, 300000 personnes à la rue. Comment reloger les habitant·es et éviter, malgré l’urgence, de voir ces villages séculaires d’adobe et de pisé remplacés par des blocs de béton? Voilà la question que se pose l’ingénieure et architecte Aziza Chaouni (p. 20). Outre la modification radicale du paysage et du patrimoine bâti, les reconstructions menacent de laisser un héritage empoisonné et inadapté au climat. En analysant les relations entre autorités et constructeur, l’étudiante EPFL Yasmine Sefraoui montre que le chemin d’une reconstruction respectueuse est semé d’embûches (p. 8).

La restitution de la forteresse d’Agadir, dirigée par l’anthropologue et architecte Salima Naji, est un exemple en matière de reconstruction post-catastrophe (p. 15). Sa pratique s’inscrit dans le temps long: elle recoud, répare les architectures vernaculaires.

Ce qui se déroule au Maroc est universel et pourrait s’appliquer à notre contexte, c’est pourquoi la Société suisse du génie parasismique et de la dynamique des structures a envoyé, trois mois après le drame, une délégation composée d’expert·es en mission de reconnaissance dans les zones sinistrées (p. 12). Le Maroc et la Suisse ont déjà vécu des tremblements de terre de magnitudes similaires (Agadir en 1960, Mw=5.7 et Sierre en 1946, Mw=5.8). Comment les observations faites dans le Haut Atlas peuvent-elles aider la Suisse à se préparer à l’éventualité d’un nouveau séisme majeur?

Chaque témoignage de ce dossier rappelle que (se) reconstruire, c’est intervenir sur la mémoire, réécrire l’histoire, mais aussi accompagner le futur. Le mois dernier, nous nous interrogions sur le sort de Blatten après son effondrement. Demain sera jonché de ruines: que choisirons-nous de reconstruire, et comment le ferons-nous?