Mai­son Ba

Date de publication
02-06-2022

Monsieur Ba habite une maison construite par Patrick Dujarric (1946-2013), un architecte français établi au Sénégal qui a livré une production intéressante: d’une part, il a réalisé des relevés typologiques des habitats ruraux sénégalais1; d’autre part, il a conçu quelques projets emblématiques dans lesquels il développe un langage inspiré des constructions vernaculaires (avec des rondins épais), des motifs textiles traditionnels et d’emprunts aux typologies coloniales – une sorte d’interprétation personnelle et métissée du parallélisme asymétrique de Senghor2. Il reste à déterminer si cette œuvre doit être inscrite dans une mouvance postmoderne désuète ou si elle reste actuelle et peut servir à nourrir le développement contemporain de l’architecture sénégalaise.

C’est ce que croit le propriétaire cette maison, qui se déclare disciple (autodidacte) de Dujarric, dont il entend poursuivre le projet avec une extension/surélévation de plusieurs étages. La grande maison pourrait devenir un lieu de rencontre, et même de «résistance», selon Ba, face à l’urbanisation incontrôlée de Dakar, qui menace désormais la corniche. La maison est en effet située directement en face de l’un de ces grands immeubles en béton armé qui coupera bientôt la vue ouverte vers la mer et l’accès à la corniche, jusqu’ici restée publique, et qui forme un patrimoine inestimable à Dakar.

Le projet répond de manière intuitive à des principes bioclimatiques permettant d’économiser l’énergie. Si la brique de terre compactée a été massivement employée dans le projet, c’est uniquement comme matériau de remplissage dans une structure en béton armé. L’épaisseur des murs dotera toutefois l’immeuble d’une masse thermique importante. La disposition des pièces en enfilade et la desserte par un long corridor traversant devraient assurer une circulation optimale de l’air naturel. Sur les façades exposées, des espaces tampons, aérés via des percements triangulaires, protègent les chambres de la chaleur. Les sols sont recouverts de carreaux de céramique – un matériau (généralement importé) que l’on rencontre un peu partout à Dakar, jusque sur les façades. Enfin, chaque terrasse est ombragée par des pergolas qui seront recouvertes de végétation.

Cette maison n’est pas le fait d’un architecte, mais d’un habitant de Dakar. Elle répond de manière relativement intuitive à la volonté de recréer des typologies et des manières de construire mieux adaptées au climat et aux modes de vie locaux. Dans un marché dominé par l’autoconstruction, il faut aussi compter sur la volonté individuelle des habitants pour améliorer la qualité de vie de la capitale.

Maison Ba, Ouakam, Dakar

 

Maîtrise d’ouvrage et architecture
Privé

 

Travaux
2018-2022

Notes

 

1 Patrick Dujarric, Maisons sénégalaises – habitat rural, Dakar, UNESCO/Centre africain pour l’architecture, 1986

 

2 Le parallélisme asymétrique est une orientation formelle et poétique que Léopold Sédar Senghor recommandait de suivre pour l’architecture sénégalaise et dont sa maison à Dakar est un exemple. Voir l’entretien avec Xavier Ricou

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