Lo­gos & Fa­ber

L’éloge de Pierre Frey au dernier ouvrage de Vincent Mangeat

Date de publication
12-02-2015
Revision
20-10-2015

Les librairies regorgent de livres d’architecture. Beaucoup méritent d’exister, rares sont ceux qui se font une place originale. Dans le sous-ensemble des monographies d’architectes ou d’agences, on trouve une masse d’ouvrages de commande, pour lesquels s’empresse une armée de critiques aussi affamés que complaisants. Le rayon des livres d’architectes sur eux-mêmes, souvent financés par les entreprises qu’ils font travailler présente un profil spécialement pathétique. Il y a des exceptions bien sûr, lorsque la matière elle-même « mérite le détour ». C’est dire que j’ai commencé par être embarrassé du cadeau que me fit Vincent Mangeat de son Logos & Faber, je me devais à la fois d’honorer notre amitié et de respecter ma vigilance critique. En me plongeant véritablement dans la matière, la mission est devenue soudain à la fois simple, directe et sincère. Je goûtai peu les quelques textes de Léo Biétry que j’appelle « traducteur », j’admire absolument le travail de l’éditeur Heinz Wirz et j’estime hautement les talents de projeteur et de pédagogue de Mangeat. Je lui adressai par conséquent les lignes suivantes : 

« Vincent, dessine-moi une maison, ces dernières heures, je ne te dirai pas combien, je viens de les passer essentiellement avec ton livre. Bien que du temps se soit écoulé depuis que je l’ai reçu, cadeau dont je te remercie, que je l’ai donc ouvert, une fois, deux fois, plusieurs fois, qu’il a eu ainsi l’occasion de s’aérer, ce livre c’est d’abord un parfum qui l’identifie entre tous. Celui d’une bonne encre et d’un bon papier. Un parfum que l’on choisit de retrouver, voilà pour le nez, voilà pour les mains.

Le soin mis à la fabrication et à la mise en scène de ce livre est un enchantement, il se déploie, l’image est disponible, en regard, littéralement, du texte ; c’est vraiment une perception délicieuse, voilà pour les yeux.

Je connaissais une partie du propos, inaugural, d’honneur, etc. J’avais pris connaissance des allégeances, des références et j’en voyais bien la portée. Mangeat, architecte tessinois, ‹ hors sol › en quelque sorte. C’est confirmé, pour l’essentiel, voilà pour l’esprit.

Au fil des pages, la lecture différencie quelque peu l’impression ; au fil des phrases de ton traducteur, j’ai perdu le mien, et n’ai pas cherché à le retrouver. Dans trop d’eau, je n’ai pas pied et les marins, par superstition ne savent pas nager.

De projet en projet je me suis réjoui ; sincèrement et souvent. Par-dessus tout, j’ai adoré le hangar du voisin. C’est Mangeat dans sa plus simple expression, ce qu’il faut d’architecture, nécessaire et suffisant. Le budget qu’autorise l’économie agricole contraint, contient. C’est parfait.

J’ai beaucoup aimé la ‹ maison des morts ›, ironiquement pour une part, tant elle évoque le projet d’un certain suisse pour un hôpital à Venise, conduit en quelque sorte à son ultime fin. L’articulation brillante des volumes et des niveaux de la maison Baud convainc absolument et j’ai pris plaisir à me penser vivant dans diverses maisons individuelles que tu as imaginées, heureux ceux qui peuvent écrire : ‹ rien n’est à y faire autour, puisque tout se trouve à bord. ›

On peut dire ça de cet ouvrage, sur lequel j’ai déjà trop glausé.

Je t’embrasse.

Pierre, 22 janvier 15. »

 

Logos & Faber

Vincent Mangeat
Editions Quart, 2014 / CHF 118.-

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