L’im­mo­bi­lier du­rable, un trem­plin op­por­tun

Le monde de la finance court après le «Pacte vert» et sonde les opportunités de l’immobilier durable. Les compagnies d’assurance et les banques poursuivent une double approche: ils établissent leurs propres sièges dans des immeubles respectueux du climat et investissent à l’extérieur dans le même type de biens dans un souci de moindre exposition au risque.

Date de publication
27-09-2020

Crise climatique, urgence climatique, «zéro émission nette» et «Société à 2000 watts»: les bannières de la génération «Fridays for Future» et les sujets enflammant les débats politiques trouvent un écho dans des lieux plus discrets: jusque dans les hautes sphères de la finance, les réflexions sur un avenir respectueux du climat vont bon train. L’automne dernier, compagnies d’assurance, banques et caisses de pension ont même fondé une alliance mondiale pour le climat. Sous les auspices des Nations unies, Net Zero Asset Owner Alliance entend contribuer à la décarbonisation de l’économie et investir là où l’objectif zéro émission de CO2 doit est atteint d’ici 2050. Parmi les «investisseurs climatiques» de la première heure figurent deux sociétés suisses: SwissRe et Zurich.
Le hasard a fait que depuis l’aube du 20e siècle, les deux sociétés ont leur siège l’un à côté de l’autre, sur le bassin du lac de Zurich. Aujourd’hui encore, les projets d’agrandissement et de densification de leurs sièges sur le Mythenquai ne semblent en rien être le fruit d’une concertation. Toutefois, les deux chantiers révèlent certains traits parallèles, que l’on peut aisément attribuer aux tendances architecturales du moment et à un engagement partagé envers la protection du climat. Les palais en pierre Gründerzeit plus que centenaires sont adaptés aux exigences actuelles en matière de confort, d’espace de travail et de préservation maximale des ressources naturelles.

Une source d’énergie non fossile

«Zurich» vise pas moins de trois normes de durabilité : le bâtiment historique transformé est candidat aux certifications suisses Minergie-P-Eco et «Sites 2000 watts» et à la certification américaine Leed. La principale source d’énergie pour le refroidissement et le chauffage du bâtiment sera l’eau du lac. Cette source d’approvisionnement locale et ­renouvelable est également utilisée SwissRe, qui souhaite elle aussi faire de  son siège un «site 2000 watts». Pour y parvenir, il lui faudra toutefois réduire considérablement l’empreinte de ses huit immeubles de bureaux pour être en phase avec les exigences de construction, d’exploitation et de mobilité. La transformation du siège de SwissRe est conçue pour remplir des critères rigoureux en termes d’efficacité énergétique, de raccordement aux transports publics, d’utilisation de matériaux durables et de bien-être des usagers.
Le but de tous ces efforts n’est pas le «green washing». «Les normes des bâtiments et des sites respectueux du climat s’inscrivent dans notre stratégie de création de valeur à long terme», affirme Claudia Bolli, directrice de l’Investissement responsable au sein du groupe SwissRe. Les biens immobiliers, qu’ils soient occupés par leur propriétaire ou gérés en tant qu’actifs immobilisés, sont contrôlés en fonction de critères de durabilité établis et bien précis.

Catégorie d’investissement préférée

En matière d’écologie, le quartier Südquai de Zurich se distingue à plusieurs égards. Néanmoins, ce site n’est qu’un parmi d’autres et certains sont beaucoup plus ambitieux. Les investisseurs institutionnels s’intéressent au développement durable et découvrent la valeur de l’immobilier vert. «Avec une part de 24,2%, il s’agit de la catégorie la plus plébiscitée pour les investissements durables en Suisse», comme l’atteste une étude de Swiss Sustainable Finance.1
Selon les estimations, le montant total des placements reste sensiblement inférieur à 10 milliards de francs : moins d’un bien immobilier sur dix investi en fonds de pension ne mérite le qualificatif «durable». La liste s’allonge constamment et les économistes de la Haute école spécialisée de Lucerne considèrent même cette catégorie d’ouvrages comme tremplin idéal pour une stratégie de placement durable. Les investisseurs pourraient influencer la qualité de la lutte pour la protection du climat tout en augmentant la valeur du capital investi, explique l’Institut des services financiers de Lucerne dans un rapport sur la situation actuelle de la branche.2 Le succès des mesures ordonnées peut ainsi être mesuré en direct.

Minimiser le risque

Investir dans les bâtiments durables est également rentable à d’autres titres. Les analystes financiers de la société de notation zurichoise Inrate3 parlent de responsabilité sociale et d’atténuation des risques. Les investisseurs ne peuvent plus ignorer les risques réglementaires, ni leur propre réputation dans le secteur de l’immobilier. Ils sont invités à réfléchir activement à la stratégie énergétique de la Confédération ou à l’Accord de Paris sur le climat.
Reste à clarifier la contribution possible du secteur financier. En l’absence d’un consensus général, personne ne sait à quoi peut ressembler un investissement immobilier durable et négociable. Certes, le secteur de la construction dispose d’un certain nombre de labels, mais leur niveau de détail dissuade plus d’un investisseur. Le monde de la finance préfère actuellement développer ses propres outils d’évaluation, tels que le «Global Real Estate Sustainability Benchmark» (GRESB) ou les «Sustainability Reporting Guidelines» au niveau européen. L’Association suisse des caisses de pension fournit déjà un guide de durabilité, tandis que certains fournisseurs de fonds ont développé leur propre outil de notation.

Test de compatibilité climatique

Un dénominateur commun majeur: le modèle ESG, qui fournit des normes pour le climat et l’Environnement, la Société et la Gouvernance, comme extension des bases de décision, auparavant fondées uniquement sur des critères financiers (cf. tab. 1).
L’Office fédéral de l’environnement encourage l’initiative personnelle du secteur de l’investissement et propose à toutes les caisses de pension, les assurances, les banques et les gérants de fortune un test de compatibilité climatique pour leurs portefeuilles immobiliers.4 L’Union européenne fait un pas de plus dans cette direction. Au début de l’année, elle a présenté une taxonomie qui prévoit que seules seront réputées «écologiquement durables» les opérations d’investissement qui atténuent le changement climatique et satisfont aux normes sociales minimales. Cette mesure s’inscrit dans le cadre du «Pacte vert» européen, qui entend faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre à l’horizon 2050.

Sources et informations supplémentaires:

 

1. Swiss Sustainable Investment Market Study, Swiss Sustainable Finance, UZH 2019

 

2. IFZ Sustainable Investments Studie, Differenzierung nachhaltiger Anlagen bei Investoren, IFZ HSLU 2018

 

3. Sector Analysis: Housing; Inrate 2019

 

4. Éclairage sur la cohérence climatique du portefeuille des assureurs et des caisses de pension suisses, OFEN 2017 Le développement durable dans le secteur financier en Suisse; état des lieux et positionnement focalisés sur les aspects environnementaux, Rapport du Conseil fédéral 2020

Avec le soutien de SuisseEnergie, espazium - Les éditions pour la culture du bâti a publié les numéros spéciaux suivants:

 

No. 1/2018 «Immobilier et énergie: Stratégie pour l'immobilier - orientation pour les investisseurs institutionnels

 

N° 2/2019 «Immobilier et énergie: stratégies de mise en réseau»

 

N° 3/2020 «Immobilier et énergie: stratégies de la transformation»

 

Les articles de cette édition spéciale sont disponibles dans le e-dossier «Immobilier et énergie»

 

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