Chan­ge­ment ra­di­cal et éloge de la len­teur

Conversion de la friche industrielle Bernapark, Stettlen BE

Que faut-il prendre en compte lors de la transition de l’ancien au nouveau? À l’est de la capitale suisse, un investisseur privé montre comment une ancienne zone industrielle devient une matrice pour des espaces urbains denses et polyvalents.

Date de publication
02-10-2020

La production de carton et de papier dans la commune rurale de Stettlen, située à l’extrémité est de la région de Berne, ­remonte à 1876. Aujourd’hui, près de 150 ans plus tard, l’usine de Deisswil et ses quelques centaines d’ouvriers, qui produisaient 500 tonnes de carton par jour, appartiennent déjà au passé. 8 hectares du site industriel sont en pleine ­mutation : l’ancienne fabrique de carton est transformée en un quartier dédié à l’habitat, au travail, à l’éducation et aux loisirs. Le projet en plusieurs étapes repose sur un mix entre affectations temporaires, transformation d’anciens ateliers et extension du bâti existant. Le cadre
du projet a été défini par la commune dans une « zone bâtie existante », avec les contraintes associées : préservation des bâtiments classés, concept de mobilité et exigence de qualité urbanistique et architecturale. La façade de l’usine, de près de 300 m de long et plusieurs fois agrandie, est donc sauvée. Le bâti actuel va être rehaussé de superstructures en bois. Le plan d’affectation du projet prévoit environ 173 logements locatifs ainsi que des surfaces tertiaires et commerciales.
Le promoteur du projet, Bernapark AG, élabore les bases de la transfor­mation en collaboration avec le bureau d'architecture Aebi & Vincent, des urbanistes spécialisés et une sociologue. Le projet directif à long terme sera développé dans le cadre d'une procédure d'atelier supplémentaire, accompagnée par un comité international. Outre la valorisation de l’espace extérieur, notamment grâce à la limitation du trafic, le projet prévoit également un approvisionnement énergétique à faible émission sur l’ensemble du site, par l’exploitation de l’énergie thermique de la nappe phréatique.
Le site, qui compte également dix hectares supplémentaires de surfaces de réserve, appartient à un investisseur privé qui, depuis l’abandon de l’usine, souhaite s’impliquer financièrement dans
le projet tout en y associant des perspectives à long terme.

Paul Knüsel: Hans-Ulrich Müller, vous transformez l’usine de carton en un quartier urbain dense. Les bâtiments industriels existants ne sont-ils pas un obstacle?
Hans-Ulrich Müller: Oui et non. Le mode de construction imbriqué du complexe industriel qui s’est développé au fil du temps ne facilite certes pas la transformation. Mais ce sont précisément ces bâtiments d’usine qui font le charme de la région. Une telle symbiose entre l’ancien et le nouveau est rare. Où trouve-t-on aujourd’hui encore de telles hauteurs de locaux ou de tels aménagements intérieurs? Il faut toujours aller dans le sens du progrès, sans toutefois perdre de vue les valeurs traditionnelles.

Faire table rase du passé n’aurait-il pas été plus simple pour repenser un site durable de A à Z?
Les expertes et les experts estiment qu’une telle approche serait perçue comme plus efficace et plus attrayante financièrement. Mais personnellement, je reste très attaché à la tradition. Nous avons beaucoup débattu entre nous pour savoir si nous devions détruire le patrimoine bâti et faire ainsi une croix sur l’atmosphère des lieux. Parce qu’il est chargé d’histoire, le bâti existant dégage plus de chaleur que les constructions élégantes et ultramodernes. De nombreuses constructions de la fabrique de carton resteront debout ; nous espérons pouvoir utiliser ce bâti de manière
durable et innovante. Mon ambition n’est pas de maximiser la valeur, mais de créer quelque chose que les gens ­apprécieront.

Quels sont les derniers obstacles à la transformation finale?
Il reste beaucoup à faire et nous avons beaucoup d’idées. La première étape devrait être achevée dans deux ans ; et cette partie du site devrait fonctionner comme un petit quartier à part entière. La planification de la prochaine étape a déjà commencé : par exemple, nous aimerions rediriger le cours du Mühlebach pour qu’il traverse le site; la présence d’un cours d’eau donnerait au quartier une atmosphère naturelle. Mais j’aimerais souligner l’importance d’un débat avec la population locale, les autorités et les experts autour du projet de développement du site. Je me réjouis donc que la population ait accepté à l’unanimité l’adaptation du droit de la construction.

Qu’est-ce qui pourrait faire échouer le projet
Je ne pense pas à l’échec. Mais on peut toujours s’attendre à des contre-temps. Ces deux dernières années, nous avons subi un incendie, et la pandémie a également bouleversé le calendrier. Mais nous ne sommes pas pressés. Notre engagement en tant qu’investisseur
est un engagement sur le long terme. Ma famille partage mon enthousiasme pour le Bernapark et y apporte une contribution active. La succession a également été réglée.

Bernapark, Stettlen BE

 

Type: 11 bâtiments, 173 unités de logement, administrations, commerces et équipement culturel
Porteur: Bernapark AG, Stettlen
Architecte: GHZ Architekten AG, Berne/Belp
Technique du bâtiment: ibe Institut bau + energie, Berne
Réalisation: 2015 planification du développement; 2018-2022 (1. étape)

 

Surface du site (1. étape): 81 000 m2
Surface de plancher: 65 000 m2

 

Développement / procédure d'attribution
2010: Achat du site
2016: Changement d'affectation de zone 1. étape par la commune
dès 2019: ateliers pour la planification du développement

Avec le soutien de SuisseEnergie, espazium - Les éditions pour la culture du bâti a publié les numéros spéciaux suivants:

 

No. 1/2018 «Immobilier et énergie: Stratégie pour l'immobilier - orientation pour les investisseurs institutionnels

 

N° 2/2019 «Immobilier et énergie: stratégies de mise en réseau»

 

N° 3/2020 «Immobilier et énergie: stratégies de la transformation»

 

Les articles de cette édition spéciale sont disponibles dans le e-dossier «Immobilier et énergie»

Sur ce sujet