Ré­in­ven­ter Pa­ris: mar­ke­ting ur­bain ou ré­els pro­jets?

La semaine dernière au Pavillon de l’Arsenal, la Mairie de Paris a présenté le palmarès de ce qui est présenté comme «l’un des plus ambitieux concours internationaux d’architecture et d’innovation»: Réinventer Paris. 

Publikationsdatum
09-02-2016
Revision
09-02-2016
Cedric van der Poel
Codirecteur d'espazium.ch, espace numérique des éditions pour la culture du bâti

Lancé en novembre 2003, l’appel à «projets urbains et innovants» portait sur 23 sites aux profils très différents et répartis sur l’ensemble du territoire intra-muros de la capitale. L’objectif de cet appel était double: donner une «seconde vie» à ces bâtiments par l’innovation et, plus généralement, placer Paris « à la pointe » des métropoles où l’on fabrique la ville différemment.

Jusqu’à la fin de janvier 2015, la Ville de Paris a recueilli plus de 815 candidatures provenant du monde entier. Les candidats retenus ont ensuite eu accès à toutes les données utiles sur les sites sur lesquels ils souhaitaient travailler. Les offres initiales ont été remises au printemps 2015. L’été dernier, le jury a retenu 75 projets. Les finalistes ont remis leurs propositions définitives fin 2015. En janvier 2016, le jury s’est réuni et c’est le 3 février dernier qu’il a dévoilé les noms des 22 lauréats.

Les images ont très rapidement inondé la presse nationale et internationale. Une grande partie des blogs et sites d’architecture et d’urbanisme se sont montrés très euphoriques devant ce déferlement médiatique orchestré par la Mairie.

Il est vrai que les images sont belles et qu’elles semblent promettre à certains sites une seconde vie enthousiasmante. Mais, à la lecture du descriptif des projets fourni par la Mairie, l’élan s’essouffle et laisse place à la déception et à la lassitude. Déception, car les innovations proposées ne se situent pas – sauf pour de rares projets – dans l’art de bâtir ou de penser la ville mais au niveau programmatique. Lassitude, car, pour l’ensemble des projets retenus, l’innovation se résume principalement et de manière caricaturale à deux grands principes : la végétalisation classique de l’architecture et la mixité fonctionnelle.

A l’instar du projet «Mille arbres» – probablement la proposition urbaine la plus intéressante car elle permet de changer la perception que l’on a du périphérique – les lauréats ont tous largement planté: des arbres sur l’espace public, des potagers sur les toits et les terrasses et des plantes grimpantes aux façades. Au total, ce ne sont pas moins de 26300 m2 de surface dédiée à la végétation. Si nous ne pouvons qu’encourager cette manière de faire, qui date déjà de quelques années, il est regrettable qu’elle soit l’alibi «innovation» d’une bonne partie des propositions. La mixité fonctionnelle, quant à elle, est traitée de manière assez classique, avec une superposition des différents usages. Seuls un ou deux projets l’associent à l’hybridation et à la réversibilité des espaces.

Au niveau de la forme, ce concours pose également problème. Comme le relève Catherine Jacquot, présidente du Conseil national français de l’ordre des architectes dans un entretien donné à Télérama le 8 février: «La Ville de Paris, qui mène depuis longtemps une vraie politique qualitative en matière architecturale et urbaine, donne l'impression soudaine d'oublier tous ses principes vertueux au profit d'une vaste opération de communication. Réussie, d'ailleurs, je ne le nie pas. Mais qui ne respecte pas le travail de l'ensemble des professions qui ont participé à cette consultation. La plupart des équipes, il faut le rappeler, n'ont pas été payées.» Elle reproche à la Mairie de Paris de ne pas avoir situé cette opération dans le code des marchés publics – ce qui aurait obligé à rémunérer les équipes finalistes. En effet, Réinventer Paris est juridiquement une consultation de projets de valorisation foncière menés par des promoteurs privés. La rémunération ou non des projets des architectes relève donc du bon vouloir des promoteurs avec qui ils ont fait équipe.

Au final, la Mairie de Paris vient d’inventer une très belle campagne de marketing urbain à un coût modéré. Avec Réinventer Paris, elle se place sans aucun doute à la tête dans ce domaine et pense déjà à réitérer l’exercice sur les bords de la Seine. Au niveau de l’innovation architecturale et urbaine, le bilan est plutôt maigre. En Suisse, les coopératives comme Kalkbreite ou mehr als wohnen, qui se répandent certes à un rythme mesuré mais néanmoins constant, n’ont rien à envier aux 22 projets retenus par ce concours. La mixité fonctionnelle, la végétation, l’hybridation des lieux, le partage d’espaces communs y tiennent déjà une place importante.

 

Les déscriptions des projets du portfolio sont issus du communiqué de presse de la mairie de paris