Quand la coiffe fait la de­moi­selle

Date de publication
14-05-2023

À la fin de la dernière grande glaciation (Würm), deux glaciers se rejoignaient au niveau de l’actuel emplacement des Pyramides d’Euseigne, noyant la région sous près de 2000 m de glace. Lors de leur retrait et de leur fonte, ils laissèrent derrière eux une moraine basale très hétérogène quant à sa composition – allant des argiles aux blocs plurimétriques –, compactée sous le poids des glaces et cimentée grâce aux eaux interstitielles circulant dans les pores. Voilà pour le premier acte du scénario qui allait déboucher, quelques dizaines de millénaires plus tard, sur une curiosité géologique exceptionnelle inscrite à ­l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale (IFP-1708) et constituant l’un des sites touristiques les plus visités du Valais.

La clé du deuxième acte réside dans la dénomination générique de ce type de formation géologique: «demoiselles coiffées»1. Si elle décrit très bien l’apparence de ces colonnes élancées atteignant une hauteur de 10 à 15 m et surmontées d’un gros bloc dont le poids peut atteindre environ 20 t, elle indique aussi leur mécanisme de formation : leur coiffe. Plus résistant à l’érosion que les matériaux fins constituant la colonne, le bloc sommital protège partiellement cette dernière du ruissellement, à la manière d’un chapeau. Le ruissellement, les infiltrations d’eau et les cycles de gel-dégel sapent en effet peu à peu la colonne. Faute d’assise suffisante, le bloc sommital finit pas basculer, marquant ainsi le début du troisième acte. Privée de son chapeau, la colonne se retrouve à la merci des intempéries et s’érode rapidement avant de disparaitre. Rideau.

Les demoiselles coiffées constituent un paysage très dynamique, voué à la disparition sur une échelle de temps allant de quelques décennies à plusieurs siècles. Ceci explique en partie pourquoi on dénombre moins d’une dizaine de sites sur l’ensemble de l’arc alpin alors qu’on y trouve des matériaux morainiques en abondance. La combinaison de l’influence de la composition minéralogique sur la cimentation de la moraine, la dureté des blocs et le degré de compaction constituent probablement une autre partie de l’explication.

Il est à noter que des demoiselles coiffées peuvent se former dans d’autres environnements géologiques. Dans le cas des hoodoos du Parc national de Bryce Canyon (Utah, USA), par exemple, c’est une couche de dolomie qui sert de protection à des calcaires sous-jacents plus sensibles à l’érosion et à l’altération, alors que dans celui des cheminées de fées de Cappadoce (Turquie), c’est une couche de basalte qui protège des dépôts de tufs volcaniques.

Note

 

1 Appelées aussi cheminées de fées

Magazine