Les coûts de la cons­truc­tion en pé­riode d’in­cer­ti­tudes éco­no­miques

Le coronavirus ne modifie pas seulement nos habitudes, mais aussi le contexte économique. Les économistes du monde entier débattent de l’amplitude de ses impacts. La seule constante claire est la fluctuation. Les normes de la SIA sur le renchérissement règlent justement ces questions de variation de prix.

Date de publication
08-06-2021
Loris Bonaglia
entrepreneur dipl., directeur Technique & Economie d’entreprise à la Société suisse des entrepreneurs, membre de la commission en charge du renchérissement
Laurindo Lietha
BSc FHO Civil Engineering / DAS Economie de la construction, spécialiste Règlements/Marchés
Eduard Tüscher
expert et conseiller, membre de la commission en charge du renchérissement

En 2016, la télévision alémanique SRF a consacré un reportage au tunnel du Gothard et abordé la problématique de l’augmentation du prix de l’ouvrage. Une part prépondérante des surcoûts liés aux grands projets impliquant une longue durée d’études et de réalisation est à mettre au compte du renchérissement. Dans le cas du Gothard, cette part se monte à 21% du coût total. Le devis estimatif de 1998 était de 6,3 milliards de francs; 18 ans plus tard, la part du renchérissement s’élevait à plus de 2,5 milliards de francs.

Renchérissement versus variation de prix

Depuis la décision d’investir dans une construction jusqu’à l’achèvement de l’ouvrage envisagé, il s’écoule souvent un grand nombre d’années pour des projets d’envergure tels que le tunnel du Gothard. Les contrats de mandat et d’entreprise lient donc les parties sur des durées au cours desquelles ni la maîtrise de l’ouvrage, ni les mandataires et les prestataires ne peuvent prédire l’évolution des prix. Entre la remise de leurs offres et le terme du contrat concerné, les coûts de revient des prestataires évoluent. On parle couramment de renchérissement, alors que la notion de variation de prix serait plus juste – car il s’agit d’augmentation ou de diminution de la rémunération. Ces dernières années ont justement vu des variations de prix à la baisse qui ont profité aux maîtres de l’ouvrage. Mais quelle que soit l’orientation de la courbe de fluctuation, il est démontré que toute spéculation ou attribution unilatérale des risques financiers liés à la formation des prix est une option inéquitable et peu judicieuse. C’est pourquoi la SIA propose des règles simples et faciles à appliquer dans ses normes contractuelles SIA 122 à 126.

Trois variantes pour déterminer le renchérissement

Pour les écarts de rémunération résultant de la variation des prix, aucune partie au contrat n’est défavorisée. Il s’agit d’une réglementation qui partage équitablement le risque, car elle reflète la situation économique réelle. Au centre du calcul des variations de prix, il y a la vérité des coûts sur la durée de fourniture de la prestation contractuelle. Trois variantes sont disponibles à cette fin: la méthode paramétrique (ou formule du prix flottant), l’indice des coûts de production et la méthode des pièces justificatives.

La méthode paramétrique selon SIA 122, SIA 125 et SIA 126

Pour le second œuvre et en partie dans le domaine des fournitures pour le gros œuvre (p. ex. nombreux éléments préfabriqués), c’est la méthode paramétrique (MP) selon SIA 122 qui s’applique. Contrairement à l’indice des coûts de production (ICP), un panier d’objets spécifique est établi sur la base d’indices reconnus. La Conférence de coordination des services de la construction et des immeubles des maîtres d’ouvrage publics (KBOB) et la Société suisse des entrepreneurs (SSE) mettent à disposition un formulaire Excel qui simplifie le calcul.

Les variations de prix dans le cas de contrats globaux ou unitaires pour des prestations d’entreprise générale ou totale sont traitées dans la norme contractuelle SIA 125. Le prix contractuel y est décomposé en éléments de coûts imputables aux salaires ou aux matériaux à destination spécifique. Pour tous les éléments de coûts définis, la fluctuation est calculée conformément à leur part de pourcentage sur la durée examinée. La somme de ces fluctuations après déduction de leur base initiale donne la variation de prix totale. 

Pour les prestations d’étude, on recourt à la norme contractuelle SIA 126. Celle-ci décrit comment ajuster la rémunération à la suite de coûts modifiés pour le concepteur depuis le moment de la remise d’offre jusqu’à l’achèvement du mandat.

Le prix contractuel est réparti entre éléments salariaux et «autres coûts», après quoi le pourcentage de variation des différents éléments de coût est multiplié par leur part respective. La somme de ces fluctuations après déduction de leur base initiale donne la variation de prix totale. Ces pourcentages de variation sont calculés et publiés chaque année par la KBOB.

L’indice des coûts de production selon SIA 123

Pour les travaux de gros œuvre, en particulier fournis par les entrepreneurs, c’est le plus souvent la méthode de l’indice des coûts de production (ICP) qui est appliquée. L’ICP liste des indices, articulés selon le catalogue des articles normalisés (CAN), pour divers types de travaux dans le bâtiment, le génie civil et la construction en souterrain. Ceux-ci sont publiés tous les trimestres par la SSE, après examen par la KBOB, sous la forme d’un formulaire Excel qui permet un calcul simple et rapide.

La méthode des pièces justificatives selon SIA 124

La méthode des pièces justificatives (MPJ) est plus laborieuse et ne se justifie que pour d’importants postes spécifiques. Dans le bâtiment, on s’accorde volontiers sur des prix fixes, mais des exceptions sont prévues pour les aciers d’armature ou d’autres produits particuliers sujets à des fluctuations de prix, auxquels on convient d’appliquer la MPJ.

La MPJ était précédemment englobée dans la norme SIA 118:1977/91. Avec l’édition de la SIA 118:2013 révisée, les articles correspondants en ont été retirés pour être intégrés, en même temps que simplifiés, dans une norme distincte (SIA 124).

Prix du bois en hausse de 60% sur un trimestre

Le marché du bois fournit actuellement un bon exemple de volatilité des prix. Au point que l’on parle d’une «crise» du secteur. Certains indices boursiers liés au bois ont quadruplé et, d’après un reportage de la SRF à fin avril 2021, des produits standard affichent un renchérissement allant jusqu’à 60 % sur les chantiers suisses. Les causes en sont, d’une part, un accroissement de la demande et, d’autre part, des goulets d’étranglement à la production, directement ou indirectement liés à l’actuelle pandémie. Et l’on ne s’avance pas beaucoup en prédisant que les retombées présentes et futures de celle-ci impacteront aussi fortement d’autres marchés. De ce point de vue, il est tout à fait sensé de prendre le renchérissement en compte dans les contrats et de s’en remettre à cette fin aux bases établies de façon paritaire par la SIA.

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