«L’ADN d’une pro­cé­dure équi­table»

Concours et mandats d’étude parallèles sont des éléments clés de la culture suisse de passation des marchés. Les deux formes d’adjudication sont régies par les règlements SIA 142 et SIA 143, en cours de révision. À l’occasion de la mise en consultation des règlements révisés, Monika Jauch-Stolz, présidente de la commission SIA 142/143, et Daniel Furrer, membre de celle-ci, dressent les grandes lignes de cette refonte.

Date de publication
06-12-2022

Dès 1877, la SIA avait fixé les règles du jeu de mises en concurrence équitables. Aujourd’hui, la commission SIA 142/143 procède à une refonte des règlements des concours et des mandats d’étude parallèles – la première en dix ans. Le projet est en consultation. À quel genre de révision doit-on s’attendre?

Monika Jauch-Stolz (MJS): Nous visons une révision en douceur, afin que les deux règlements demeurent reconnaissables. La commission a harmonisé la terminologie des deux textes en l’ajustant au besoin à celle de la loi fédérale révisée sur les marchés publics. Nous tenions aussi à récapituler clairement les principes constituant l’ADN d’une procédure équitable dans cette révision. Ces fondamentaux figurent désormais en exergue dans les deux premiers articles des règlements.

Quels sont les principes d’une procédure équitable?

MJS: L’égalité de traitement entre les participants, une procédure transparente, un jury indépendant et compétent, ainsi qu’une indemnisation, respectivement une dotation en prix, appropriée. La passation du mandat subséquent en fait également partie: les études et concours de projets demeurent liés à l’attribution d’un mandat subséquent. Sur ce point, la commission a tenu à clarifier les choses en redéfinissant les études et les concours d’idées ne débouchant pas sur un mandat subséquent. Enfin, le respect du droit d’auteur doit être garanti.

Daniel Furrer (DF): L’adéquation de la procédure engagée est un autre principe essentiel. La tâche à accomplir doit déterminer le mode de passation du mandat et le choix de la procédure. Le règlement révisé s’ouvre sur un tableau synoptique revu des formes de mise en concurrence : pour la recherche de solutions, le concours et le mandat d’étude parallèle s’imposent ; pour l’acquisition de prestations, c’est la mise en concurrence pour le choix d’un prestataire. Ce tableau permet de vérifier quelle forme de passation est adaptée au cas précis à résoudre.

La loi fédérale révisée sur les marchés publics (LMP) a eu un poids important dans la révision. Pourquoi?

MJS: la nouvelle LMP a motivé la révision. La définition de «l’offre la plus avantageuse» a validé la décision de la commission de placer la qualité au premier plan. Car une chose est claire: une bonne solution reflète nécessairement aussi une proposition économique. Une évidence qui va de pair avec la notion de durabilité.

Depuis la pandémie de coronavirus, le numérique s’est définitivement installé dans nos habitudes de travail. Dans quelle mesure ces technologies sont-elles prises en compte dans la révision?

DF: La numérisation ne doit jamais devenir une fin en soi, mais apporter une réelle plus-value. C’est dans cette optique que la commission a élaboré les conditions cadres fixant le recours aux outils concernés et les a inscrites en préambule des nouveaux règlements. Quant aux détails, ils font l’objet de lignes directrices, car ces dernières sont soumises à un cycle de révision plus court que les règlements. Pour la commission, elles constituent un instrument qui permet de réagir aux rapides évolutions du domaine numérique.

La commission se déclare en faveur de procédures ouvertes et allégées. Pourquoi?

MJS: Un maître d’ouvrage devrait envisager le concours comme le moyen d’obtenir le plus possible de solutions à son besoin. Grâce à la procédure ouverte, il pourra opter pour celle qui y répond le mieux parmi de nombreuses propositions. C’est aussi une manière de soutenir durablement la relève, tandis qu’une préqualification n’offre pas cet avantage et restreint le cercle des participants. Si une tâche exige tout de même une procédure de préqualification, l’obligation de retenir au moins un jeune bureau a donc été introduite.

DF: La commission veut promouvoir l’allègement des concours. Autrefois, une équipe de projet investissait entre 300 et 500 heures dans l’élaboration d’une proposition. Aujourd’hui, cela peut aller jusqu’à 1500. Un problème auquel des bureaux d’études et certains maîtres de l’ouvrage ont sensibilisé la commission. Le règlement en vigueur permet déjà d’organiser de telles procédures allégées, mais la commission en a affermi les conditions cadres dans la révision.

Quels sont les autres contenus essentiels des règlements révisés?

MJS: Le statut du concours portant sur les études et la réalisation a également été abordé. Il s’agit d’un panachage entre la recherche de solutions et l’acquisition de prestations. Or, les règlements SIA 142 et SIA 143 doivent à l’avenir s’appliquer uniquement à des procédures de recherche de solutions, tandis que l’acquisition de prestations est régie par le règlement SIA 144. De plus, l’organisation d’un concours portant sur les études et la réalisation est complexe, coûteuse et le plus souvent non conforme aux phases de projet usuelles. Cette forme de mise en concurrence doit donc être appliquée de manière bien ciblée et désormais toujours comporter deux degrés. C’est pourquoi la commission a relégué ce type de procédure en annexe. Par ailleurs, les expériences engrangées au cours de la dernière décennie avec la vérification de programmes et l’adaptation des lignes directrices ont nourri la révision: ainsi, certaines dispositions sur la composition du jury, les prix ex aequo ou le degré d’affinement optionnel, qui ont donné lieu à des questions récurrentes, ont été reformulées par la commission.

La révision aborde également le niveau de préparation indispensable à l’organisation d’un concours.

MJS: Une préparation solide est essentielle au bon déroulement d’une procédure et décisive pour l’aboutissement d’un projet. Dans le texte révisé, la commission précise qu’avant le lancement d’un concours, les mandants sont tenus de vérifier la faisabilité et le financement de la tâche à accomplir. L’étude de faisabilité fait partie de la préparation et engage la maîtrise de l’ouvrage, que le jury assiste à cette fin.

DF: Et pour que le jury puisse endosser ce rôle important, il doit être impliqué à un stade précoce des opérations. Ce que nous avons fixé dans les règlements.

Comment la commission assure-t-elle son lien avec le terrain?

DF: La commission se compose de 22 membres, réunissant des maîtres de l’ouvrage publics et privés et des représentants de différentes branches des études, issus de diverses régions. Les sections de la SIA relayent leurs préoccupations via les membres de la commission venant de leur région. Une fois par an, la commission part en tournée et elle s’est déjà arrêtée à Bâle, Bienne, Lausanne et Lugano. À ces occasions, nous échangeons avec les porte-parole des maîtres de l’ouvrage publics, des sections et des observatoires des marchés publics.

MJS: Au début de la révision, nous avons mené une enquête sur les conditions dominant la passation des marchés. Les résultats ont servi de fil conducteur à nos travaux. Parmi les problématiques récurrentes figuraient par exemple les exigences toujours plus pointues imposées aux équipes concurrentes et la composition des jurys. Dans la révision, nous avons ancré la composition équilibrée des jurys: outre les compétences, il s’agit désormais de veiller à la représentation des genres, des âges et des provenances. Ces efforts ont permis d’aboutir à deux textes bénéficiant d’un large appui, que notre commission a transmis à la Commission centrale des règlements (ZO) début novembre en vue d’obtenir son approbation pour leur mise en consultation. C’est chose faite depuis mi-novembre.

Quelles sont les prochaines étapes du processus de révision?

MJS: Nous accordons beaucoup d’importance aux échanges et espérons donc une forte participation à la consultation en cours. Une fois celle-ci achevée, la commission examinera les retours et retravaillera les textes qui doivent l’être, en vue de l’imprimatur donné par la Commission centrale des règlements (ZO). La publication définitive sera soumise à l’approbation de l’Assemblée des délégué·es de la SIA, vraisemblablement en 2024.

Monika Jauch-Stolz est architecte dans son propre bureau et présidente de la commission SIA 142/143 depuis 2018, monika.jauch [at] mmjs.ch

Daniel Furrer est architecte, directeur de architecum sàrl à Montreux/Viège et membre de la commission SIA 142/143

Informations pratiques sur la consultation

Les prises de position à la suite de la mise en consultation des règlements SIA 142 Règlement des concours d’architecture et d’ingénierie et SIA 143 Règlement des mandats d’étude parallèles d’architecture et d’ingénierie sont attendues d’ici au 28 février 2023. Les documents en consultation, assortis d’informations complémentaires, sont disponibles à partir du 5 décembre 2022 à l’adresse: sia.ch/consultations

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