«Il s'agit de lieux de col­la­bo­ra­tion»

En matière de conception de futurs postes de travail, nombre de mutations sont actuellement en cours. Directeur de Vitra pour la Suisse et l’Autriche, Heiko Stahl livre un aperçu des nouveaux environnements professionnels et des  réponses  que Vitra y apporte. 

 

Date de publication
23-10-2017
Revision
26-10-2017

Monsieur Stahl, que doit offrir un poste de travail actuel, sachant qu’il peut aujourd’hui se trouver n’importe où?
Heiko Stahl: Outre un bureau, une chaise et un casier, un cadre de travail doit avant tout offrir un sentiment d’appartenance et d’identité. A l’heure où beaucoup de tâches peuvent être exécutées partout, la raison d’être d’un immeuble de bureaux ne se limite plus à accueillir des gens concentrés sur leur travail devant un ordinateur, mais à favoriser les échanges d’idées pouvant déboucher sur de nouveaux développements.
C’est la raison pour laquelle l’espace où se situe le poste de travail doit être appréhendé dans sa globalité. Il s’agit de considérer les tâches attribuées aux différents collaborateurs et les besoins qui en découlent, afin de proposer les espaces modulables et connectables qui y répondent. A mon sens, cela concerne plutôt des lieux destinés à la collaboration et aux échanges. On assiste par ailleurs à une interpénétration croissante entre mondes professionnel et privé, si bien que chacun recherche les contextes de travail favorisant la motivation et l’inspiration. Au fond, il faut que la personne se sente à l’aise et que le cadre de travail soit au service de ce qu’elle souhaite y faire.

Comment Vitra se positionne-t-elle face à ces mutations?
Il est essentiel d’inclure le personnel d’une entreprise dans tout processus de changement – ce que nous faisons dans le cadre d’ateliers accompagnés. Car en architecture d’intérieur, la question principale n’est pas de savoir si les collaborateurs pourront contribuer à l’agencement de l’espace, mais si celui-ci est en mesure de répondre aux besoins et de formaliser les modifications souhaitées. La clé du succès repose moins sur l’installation de parois fixes que sur des éléments modulables. D’où l’idée maîtresse du collage, qui nous inspire depuis les débuts de ­Vitra. Cela fait partie de l’héritage de Ray et Charles Eames, sur lequel reposent le design et les développements conçus chez nous. Notre crédo est que les produits ­développés à des époques différentes par divers concepteurs renvoient à un langage commun dans la mesure où ils se prêtent toujours au collage. 

«L’idee du collage est toujours présente»

La gamme des produits Vitra constitue le stock de base pour la conception de collages particuliers à chaque agencement de bureau et chaque produit nouveau permet de nouvelles combinaisons. A cela s’ajoute l’articulation des processus, des modes et des ambiances de travail propres à chaque bureau, soit une interaction à différents niveaux dans une perspective aussi large que possible. L’approche de ces questions en équipe me semble primordiale, car c’est le mélange particulier de produits, de formes, de couleurs et de matériaux qui confère sa personnalité au bureau. Le bon mix reflète l’identité de l’entreprise et ses ambitions.

L’aménagement du cadre de travail peut-il influencer la qualité de celui-ci?
Certainement. Il s’agit en l’occurrence de répertorier les inquiétudes pouvant saisir les personnes et d’en limiter l’ori­gine. Inconsciemment, on sent toujours si un espace fonctionne. Une orientation claire apporte de la sécurité. Avant l’ameublement, ce sont la lumière, l’acoustique et les circulations qui constituent les facteurs d’aménagement décisifs. Le bien-être et donc l’inspiration dépendent de l’environnement immédiat. Et cet environnement inclut le contexte urbanistique. Il s’agit de l’intégration dans un tissu, au même titre que le travail s’insère dans notre vie.

Comment débusquez-vous ces nouvelles tendances dans le monde du travail?
Chez Vitra, nous avons un département qui planche sur cette thématique et examine l’évolution du travail. Nous collaborons par ailleurs avec diverses entreprises, institutions et hautes écoles en Suisse et à l’étranger ou organisons des circuits exploratoires sur les deux côtes des États-Unis. Sous nos latitudes, nous gâchons trop d’opportunités par excès de compartimentation. Chez Amazon à Seattle, ce sont non seulement 23 000 employés, mais aussi 3000 chiens qui fréquentent quotidiennement le campus. Outre le bien-être qu’ils apportent à nombre de collaborateurs,
ces derniers font aussi office de traits d’union entre des services dont ils ne perçoivent évidemment pas les démarcations. Cela casse la mentalité de tour d’ivoire pour le plus grand profit de l’entreprise et l’atmosphère de campus est omniprésente.

Dans quelle mesure l’ergonomie joue-t-elle encore un rôle avec l’externalisation du poste de travail dans des lieux de transit, des cafés ou des compartiments de train? 
Aux USA la position assise a déjà ravi la place du tabac comme épouvantail. La santé posturale est davantage liée à la mobilité entre différents contextes de travail qu’à l’adaptabilité d’éléments d’ameublement. On peut aujourd’hui
tra­­vailler de partout à n’importe quelle heure. Pour garantir suffisamment de mouvement, on planifie par exemple sciemment les distances à parcourir pour atteindre l’imprimante ou la corbeille à papier. A cette enseigne, la cage d’escalier devient salle de réunion, la bibliothèque se mue en pupitre ou le canapé en coin téléphone. Mais chez Vitra, nous offrons bien sûr aussi des produits adaptables à différents besoins. L’individu reste au centre et il décide. 

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