La prudence de mise malgré une situation stable
L’enquête conjoncturelle menée par le KOF en octobre révèle que la situation économique de la branche des études est restée stable au quatrième trimestre. Il apparaît toutefois que l’optimisme dont faisaient état les bureaux s’est voilé.
Comme il ressort des derniers résultats de l’enquête conjoncturelle du KOF, les bureaux d’études se disent satisfaits de leur situation économique actuelle. Toutefois, l’évolution de la demande, des prestations fournies, des carnets de commandes et de la situation bénéficiaire a ralenti au cours des trois derniers mois. Entre-temps, 24% des bureaux d’études indiquent que la demande est insuffisante, alors qu’ils n’étaient que 21,5% en juillet. Bonne nouvelle sur le front de l’emploi en revanche, puisqu’au cours de cette période, les bureaux d’études ont pu davantage augmenter leurs effectifs qu’au trimestre précédent. La part de bureaux se disant freinés dans leur activité par la pénurie de main-d’œuvre passe donc de 60% au troisième trimestre à 57% au quatrième trimestre 2023.
Maintien du statu quo attendu
Par rapport à juillet, les bureaux d’études se montrent globalement moins confiants quant à la marche de leurs affaires dans les six prochains mois: 83% n’attendent aucun changement, 5% craignent une dégradation et seuls 13% espèrent une amélioration. Concernant l’évolution de la demande, de la fourniture de prestations, des effectifs et de la situation bénéficiaire, leurs prévisions laissent transparaître une retenue croissante. Sur le front des prix, les bureaux tablent sur une perte de vitesse au cours des trois prochains mois. Ils sont ainsi 81% à escompter un maintien des niveaux actuels et 4% à s’attendre à une baisse.
Situation contrastée chez les architectes
Les bureaux d’architecture ont évalué leur situation économique légèrement à la hausse: outre une évolution favorable de la demande au trimestre précédent, les architectes se réjouissent d’une belle croissance de leurs carnets de commandes. Leurs prévisions concernant l’évolution de la demande, de la fourniture de prestations et de la situation bénéficiaire au cours du trimestre prochain s’assombrissent et la part des bureaux qui déplorent une demande insuffisante passe à 35% au quatrième trimestre. Leur niveau de satisfaction quant à leurs effectifs augmente significativement par rapport à l’enquête précédente. Cette amélioration doit toutefois être tempérée en ce qu’elle reste inférieure à la moyenne pluriannuelle.
Légère embellie chez les ingénieurs
En octobre, l’humeur économique des bureaux d’ingénierie est apparue en légère augmentation par rapport à la dernière enquête. En revanche, la dynamique de la demande, des carnets de commandes, des prestations fournies et de la situation bénéficiaire a faibli au cours des trois derniers mois. S’agissant de l’évolution de leur situation économique au cours des six prochains mois et de la demande au cours des trois prochains, les ingénieurs affichent un niveau d’optimisme à peu près équivalent à celui de juillet. Ils sont toutefois moins confiants pour ce qui est de la fourniture de prestations, de leurs effectifs et de leur situation bénéficiaire du trimestre prochain. Bien qu’ils aient récemment réussi à augmenter leurs effectifs, les bureaux d’ingénieurs les jugent encore nettement insuffisants, même si par rapport au troisième trimestre, la part des bureaux qui se disent freinés dans leur activité par la pénurie de main-d’œuvre a diminué, passant de 71% à 69%.
Peu d’attentes sur le front des salaires
Comme c’est souvent le cas, les résultats de la branche des études se distinguent de ceux des autres branches interrogées dans le cadre de l’enquête conjoncturelle. En effet, selon l’indicateur KOF de la situation des affaires, calculé à partir des enquêtes conjoncturelles actuelles, la plupart des secteurs affichent un net refroidissement conjoncturel.
Les attentes salariales des entreprises interrogées se révèlent en deçà des prévisions. Alors qu’en juillet les entreprises avaient indiqué s’attendre à une hausse des salaires de 2,2% tous secteurs confondus, en octobre l’enquête sur les salaires du KOF nous apprenait que ce chiffre était passé à 1,9% en moyenne. Reste à savoir si cela s’avérera bénéfique à l’économie. Il apparaît effectivement que les entreprises n’accordent que de maigres compensations pour ajuster les salaires au renchérissement. En d’autres termes, cela signifie qu’avec une inflation attendue de 2,1% — prévision du KOF sur le taux d’inflation en Suisse en 2024, Statista — les salaires réels accuseront un léger recul en 2024. Si l’on tient compte des primes d’assurance maladie qui ne sont pas incluses dans l’indice des prix à la consommation (IPC), les Suisses devraient même subir une perte de pouvoir d’achat en 2024. Alors que début 2024 sera marqué par l’augmentation des coûts de l’énergie, des tarifs postaux et des tarifs des CFF ainsi que de la hausse de 0,4% de la TVA, nul doute que l’année ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices financiers pour les consommateurs.
L’heure n’est plus aux dépenses
La croissance économique repose sur l’augmentation de la production et de la vente de biens et de services. Or, si les salaires ne suivent pas la hausse des prix, la consommation ralentit: 58% des personnes interrogées dans le cadre d’une étude menée par l’Institut Gottlieb Duttweiler ont ainsi affirmé être réticents à dépenser en raison d’un budget serré. Le calcul est rapide: moins de dépenses signifie moins de demande, et donc, une conjoncture faiblarde. Un autre point doit être pris en compte: comme le soulignait le Manager Magazin dans un article paru en juin 2022, la baisse du pouvoir d’achat est vectrice d’injustices et creuse les fossés sociaux. Le constat n’a guère perdu de son actualité. Les ménages défavorisés consacrent en effet une part plus importante de leur budget à l’alimentation ainsi qu’au logement et à l’énergie, c’est-à-dire les catégories de l’IPC ayant enregistré les plus fortes hausses de prix par rapport à l’année précédente. Dans ce contexte, le risque de voir des tensions sociales émerger ne doit pas être négligé.
Cet article se fonde sur les données du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’ETH et apporte un éclairage économique mis au point par l’autrice, Susanne Schnell, responsable des contenus SIA