Um­sicht–Re­gards–Sguar­di 2017: «Re­va­lo­ri­ser l’ar­chi­tec­tu­re in­fra­struc­tu­rel­le»

A l’occasion de la cérémonie de remise des prix Regards qui s’est tenue le 22 mars 2017, l’architecte Christian Penzel répond à nos questions au sujet de l’extraction des débris, des collaborations complexes et des missions de conception avec l’architecte

Publikationsdatum
31-05-2017
Revision
22-06-2017

Votre projet a reçu la distinction Umsicht–Regards–Sguardi 2017. A quel titre cela vous réjouit-il le plus?
Le fait que nous ayons été récompensés en tant qu’équipe. Ensemble, nous avons réalisé un projet infrastructurel complexe, qui s’est construit au fur et à mesure de nos échanges. Cette dimension collaborative était essentielle. Toutes les personnes impliquées ont négocié les développements du projet avec ouverture, y voyant des opportunités à exploiter.
Le concours de projets lancé par les exploitants suite au refus opposé à leur projet portait principalement sur le renouvellement de l’enveloppe du bâtiment. Mais force est de constater que nous sommes aujourd’hui face à un projet multidimensionnel, intégrant une réflexion sur l’intégration au paysage et sur la mise en œuvre de techniques hydrauliques de pointe.

Auriez-vous également remporté le concours si le programme avait inclus tous ces paramètres?
De par ses nombreuses interdépendances, le projet dans sa forme actuelle n’aurait sans doute jamais pu être mis au concours. Il a émergé d’un processus de conception graduel fondé sur le dialogue. En effet, nous avons consulté toutes les parties prenantes, et avons tenu compte de leurs points de vue.  Nous avons ainsi adapté notre vision architecturale au gré de l’avancement du projet et l’avons intégrée au travail de conception, mais sans la mettre au premier plan.

Pouvez-vous me citer un exemple concret?
En règle générale, les débris apportés par l’eau sont extraits à l’aide d’une grande grille filtrante avant d’être entassés dans des conteneurs habituellement disposés dans la zone d’entrée de la centrale. Mais pour nous, cette option n’était pas envisageable d’un point de vue esthétique. Nous avons donc cherché une solution qui soit à la fois plus pratique et plus favorable à l’harmonie visuelle. Nous avons alors eu l’idée d’installer une gouttière pour amener les débris captés en aval du barrage, où ils pourraient être traités. Malgré leur scepticisme initial, les exploitants sont aujourd’hui convaincus de cette solution et entendent la mettre en œuvre sur d’autres sites. Le fait que nous n’ayons pas mis en avant les critères esthétiques, mais  développé une argumentation pragmatique au cours du processus de conception n’y est sans doute pas pour rien.

Cette distinction vous ouvre-t-elle des portes pour d’autres projets?
En premier lieu, nous en sommes honorés dans la mesure où elle témoigne de la reconnaissance de la qualité architecturale d’un projet à l’origine technique. Peut-être qu’elle nous ouvrira les portes pour des projets similaires. En effet, nous avons prouvé que nous sommes capables de travailler sur une base interdisciplinaire, avec un réseau étendu de professionnels, et que nous savons en tirer parti sur le plan architectural. Pour ce qui est de la centrale de Hagneck, ce mode de conception a mené à la création d’un site hors du commun dans un paysage marqué par les interventions techniques liées à la correction des eaux du Jura.

Revenons-en au développement du projet: vous attendiez-vous à ce qu’un ouvrage infrastructurel tel que la centrale de Hagneck se mue en attraction touristique?
Sans doute qu’au départ, personne n’avait imaginé cette évolution. La centrale est située dans un paysage unique, et nous avons ressenti comme un privilège le fait de pouvoir participer à son aménagement. Ce n’est qu’au cours de la réalisation du projet que nous avons pris conscience de son intérêt public. En effet, le franchissement de la centrale, quotidiennement emprunté par les usagers, constitue un trait d’union entre les berges du lac – qui sont un espace de détente. Nous avons donc soigné la scénographie d’accès à la centrale et aménagé des ouvertures permettant d’en voir l’intérieur. Aujourd’hui, il y a un centre des visiteurs et les visites guidées qui y sont organisées sont très appréciées du public.

La rénovation d’une centrale semble relever avant tout du défi technique, pas de la création architecturale...
Malheureusement, au cours des années passées, cette dimension a été négligée au lieu d’être couplée aux aspects fonctionnels. J’ignore quelle en est raison, car il faut savoir que dans les années 1930 à 1960, des ouvrages très aboutis esthétiquement ont été réalisés. Peut-être les exploitants et les politiques de l’époque étaient-ils davantage impliqués et conscients du caractère représentatif de ces ouvrages. Quoi qu’il en soit, je souhaite qu’aujourd’hui, l’on s’engage pour revaloriser l’architecture infrastructurelle, et que les projets ambitieux portés par des investissements majeurs, soient mis à profit pour mettre en valeur le potentiel des sites et paysages.

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