Trans­for­ma­ti­on du bâ­ti­ment et des étu­des pour la con­s­truc­tion: s'­ad­ap­ter à la tran­si­ti­on

L’avenir est déjà en marche, et le BIM ne constitue qu’un prélude aux profonds bouleversements qui s’annoncent. Des entreprises innovantes en Suisse et aux Etats-Unis mettent dès aujourd’hui en œuvre les modes de conception et de construction de demain.

Publikationsdatum
18-10-2018
Revision
21-11-2018

« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. » Charles Darwin

La numérisation ouvre le champ des possibles. Elle a modifié notre quotidien dans tous les domaines et ce n’est pas fini. L’Internet des objets remplit de plus en plus de fonctions et l’intelligence artificielle remplacera toujours davantage d’activités humaines – à commencer par le traitement du savoir. Il ne fait aucun doute que la rapide progression de la numérisation redistribuera aussi beaucoup de cartes dans la construction et l’immobilier – non sans entraîner son lot d’inconnues et de questions épineuses.

Relier numériquement la chaîne de création de valeur


Des gains d’efficacité s’imposent dans la branche de la construction, qui passe pour opérer selon des processus obsolètes. La numérisation, soit la transformation de processus, d’objets et d’événements qui découle de l’usage croissant d’équipements numériques et produit un important volume de données, débarque dans une économie de la construction dont la chaîne de création de valeur est marquée par une succession de phases: planification stratégique, études d’avant-projet, conception, appels d’offres, réalisation et exploitation – sans oublier la rénovation et le démantèlement. Ecueil supplémentaire : ces étapes de travail sont aujourd’hui assurées par différents acteurs. A l’avenir, davantage de transdisciplinarité, de connectivité et de dynamisme devront donc articuler l’étude et la réalisation de projets. Cela implique des formats de données unifiés, une description fonctionnelle univoque des produits utilisés, ainsi qu’une documentation d’ouvrage qui pourra être reprise au bout de 20 ans pour la première rénovation. Dans ce contexte, la sécurité, la disponibilité et la propriété des données doivent être régulées.

De nombreuses voix s’élèveront pour rétorquer : le tout numérique n’est-il pas déjà réalisé ? Non, il est indispensable qu’à l’avenir, une norme SIA puisse être saisie et mise en œuvre par un logiciel, donc lue de manière automatisée. Voici un exemple tiré de la norme SIA 358 relative aux garde-corps: «La hauteur d’un élément de protection se mesure verticalement à partir de la surface praticable ou, pour les escaliers, depuis l’arête de la marche jusqu’au bord supérieur de l’élément de protection. Pour les fenêtres, c’est le bord supérieur de la partie fixe la plus basse du cadre qui est déterminant.» Ce texte en prose doit être transformé afin que les éléments de bâti soient définis de manière univoque et que les dimensions correspondantes puissent être lues dans un tableau. La SIA a entamé cette tâche de longue haleine.

Le BIM est arrivé – une méthode collaborative


Les défis liés à la conception et à l’édification d’ouvrages impliquent la coopération et l’aptitude à utiliser des modèles numériques d’ouvrages pour assurer la collaboration, en échangeant et en fournissant sans concertation supplémentaire des informations opérantes et exploitables. Le BIM est une méthode pour maîtriser l’interface conception-réalisation, qui couvre 20 à 30 % de la totalité du processus de projet. Elle est maintenant arrivée dans les bureaux d’étude. Le réseau netzwerk_digital – une initiative de la SIA, du CRB, de la KBOB, de l’IPB et de Bâtir digital Suisse – est l’organe de coordination dédié à la transformation numérique de la branche des études, de la construction et de l’immobilier. Avec la publication du cahier technique 2051 BIM, la SIA a fourni les bases d’application de la méthode BIM, ainsi qu’une contribution à l’intercompréhension collaborative. L’objectif est d’élaborer, avant le chantier, un ouvrage virtuel dépourvu de contradictions, avec l’indication des dimensions et des quantités validées pour chacune des phases de construction.

Comment se représenter les phases de conception dans un futur proche?


Les ouvrages sont virtuellement édifiés à l’aide de la méthode BIM. Une fois contrôlés, habilités et approuvés par le maître de l’ouvrage, ils sont soumis à la SIA où les données sont vérifiées du point de vue de la normalisation, pour assurer notamment que les prescriptions relatives à la construction sans obstacles, aux performances énergétiques et aux structures porteuses sont respectées. Une check-list est établie automatiquement. Après ce traitement, un lien vers le projet est transmis à l’autorité responsable de la délivrance des permis de construire. Là, le projet est examiné sous l’angle du respect des exigences légales, telles que l’indice d’utilisation du sol, les distances aux limites, le CECB, etc. Au lancement de l’appel d’offres, le cuisiniste reçoit également un lien à partir duquel il élabore son offre et transmet le prix de ses prestations et fournitures au maître de l’ouvrage. Après l’attribution du mandat, la cuisine désirée est envoyée au site de production automatisée pour être livrée sur le chantier dans le délai fixé – munie d’une puce, qui contactera elle-même le réparateur en cas de panne ou au bout d’une durée d’utilisation prédéterminée. Quant aux processus de construction à venir, notons encore que les technologies d’impression en 3D sont sur le point d’entrer dans la pratique.

Quels en seront les impacts?


A coup sûr, une rapide modification des processus d’étude et de construction, avec des disruptions qui motiveront la fusion de modes de travail traditionnels avec de nouvelles technologies numériques. La préfabrication, la production numérisée et la logistique du juste-à-temps abrégeront considérablement la durée de réalisation. Des robots édifieront des ponts sans assistance, des imprimantes 3D produiront des éléments de bâti. Des logiciels de conception basés sur des algorithmes, qui non seulement remplacent des processus, mais intègrent aussi la normalisation, sont annoncés. La société américaine Aditazz Inc. est probablement l’entreprise la plus avancée au monde en conception intégrale basée sur des algorithmes. Cela lui permet de remporter des appels d’offres avec un rendement optimal.

Dans le secteur immobilier, la mutation principale réside dans la commercialisation d’objets en location et en propriété. Grâce à la technologie, on peut se faire une idée globale de la plupart des caractéristiques physiques d’un bien, telles que la surface, le volume, les matériaux et la luminosité, sans aller sur place. Les deux start-up zurichoises Archilyse et Archilogic en sont des exemples pionniers.

Conclusion


La branche de la construction et de l’immobilier doit rapidement se familiariser avec le numérique. Le BIM en est aux premiers pas, mais pas encore à de nouveaux processus – comme un vin nouveau sous une vieille étiquette. La conception automatisée ne devrait guère laisser de champ à des intérêts régionaux. La numérisation engendre un recueil de normes globalisé qui supplante la collection des normes SIA. Les profils professionnels des ingénieurs et des architectes se modifient. Mais ces développements génèrent aussi de nouveaux modèles d’affaires. La SIA va aborder ces défis en sa qualité d’association professionnelle et veiller à ce que la culture du bâti à venir continue à répondre à des exigences élevées – comme « spécialité de la maison » Suisse. Les besoins des clients, l’utilité et la sécurité demeurent quoi qu’il en soit déterminants. Si l’on se projette dans l’avenir en admettant que la situation actuelle appelle des changements, il n’y a pas lieu de s’opposer au cours de l’évolution, il faut l’utiliser opportunément. Il s’agit d’anticiper le futur avant qu’il ne se matérialise.

Hans-Georg Bächtold, ing. forestier dipl. EPF, urbaniste-aménagiste EPF/EPD, directeur de la SIA ; hans-georg.baechtold [at] sia.ch (hans-georg[dot]baechtold[at]sia[dot]ch)

 

 

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