Swiss­Tech Con­ven­ti­on Cen­ter, la mo­du­la­ri­té à l’épreuve de la ren­ta­bi­li­té

Réalisation

Publikationsdatum
07-05-2014
Revision
14-10-2015

Comment ne pas être émerveillé par l’auditorium du nouveau centre des congrès de l’EPFL ? Nous avons beau nous déclarer saturés de nouvelles technologies, il est difficile de ne pas applaudir la prouesse technique que constitue cette salle modulable qui se transforme à vue d’œil et en silence. Une configuration pouvant basculer de 800 à 3000 places assises en quelques minutes ; un système qui défie notre compréhension concernant la place requise pour accomplir ce qu’il fait : le nouvel auditorium est un joyau de mécanique. Un dispositif qui ne va pas sans rappeler les automates du 18e siècle, l’art des mécanismes dissimulés et des ouvrages capables de tromper la perception.
La technique mise en œuvre semble appliquer à la salle entière la modularité et la complexité habituellement réservées aux espaces scéniques. Comme si la sophistication des coursives techniques avait progressivement envahi la partie destinée au public. 
Essayons d’y voir plus clair. La modularité de l’auditorium repose sur la possibilité d’articuler trois espaces distincts (le parterre, le balcon et le foyer) pour obtenir une multitude de configurations. Des cloisons amovibles, parfaitement insonorisées, permettent la séparation ou l’intégration de la salle principale et de ses deux espaces adjacents. Ces parois mobiles et pliables, capables de constituer des cloisons acoustiques en moins de quatre minutes, ne sont qu’un élément du dispositif. La grande innovation se trouve au sol ou, plus précisément, sous les gradins de la salle. 
L’auditorium de 3000 places est une machine perpétuellement ajustable : tous  les sièges reposent sur des plateaux basculants, eux-mêmes soutenus par des colonnes télescopiques. En appuyant sur un bouton, les régisseurs peuvent faire disparaître une rangée sur deux, transformer l’auditorium en salle de banquet, ou encore modifier l’inclinaison des gradins. Ce système d’élévation surprend par son caractère compact : ces colonnes hélicoïdales se replient dans des boîtiers qui ne font que quelques dizaines de centimètres. Contrairement aux colonnes télescopiques conventionnelles, aucune excavation n’est requise. La démonstration du fonctionnement lors de l’inauguration n’avait rien à envier à un show de prestidigitateur. De transformation en transformation, l’espace mutait silencieusement, face à un public averti mais non moins surpris par ce qui se déroulait sous ses pieds. 
Laissons un peu de côté le caractère extraordinaire de cet équipement pour considérer sa fonction. Face à un tel déploiement de technicité, il est peut-être opportun de prendre un peu de recul et de se demander ce que représente, pour l’EPFL, un auditorium d’une telle malléabilité. S’agit-il de l’avenir des salles publiques ou d’un gadget hyper sophistiqué ? Plus important : au-delà de son caractère symbolique, le centre des congrès a-t-il une fonction pédagogique ? Parvient-il à réinventer l’espace de diffusion du savoir, et comment ? 

Modularité vs modularité®


Le centre des congrès n’est-il pas la portion du campus supposée s’ouvrir sur la ville en devenir ? Son architecture est donc primordiale pour l’évolution du projet urbain de l’Ouest lausannois. Quelles qualités met-il en avant ? L’efficience énergétique, l’innovation mais surtout la modularité. Le centre des congrès se veut un espace de travail ajustable, capable de dispenser par son seul fonctionnement une belle leçon d’intelligence spatiale. C’est précisément sur ce point que les choses se gâtent.
Paradoxalement, la sophistication de cet équipement coûteux semble en restreindre le potentiel d’utilisation au lieu de l’augmenter. L’auditorium est certes modulable, mais son statut lui impose un modus operandi précis. Soumis aux lois du marché, le centre va devoir amortir son coût de production en cédant ses espaces contre rémunération. 
La structure va devoir ainsi rivaliser avec les hauts lieux du tourisme de congrès de la région lémanique. Sa modularité révolutionnaire ne servira qu’à paramétrer la salle au nombre de congressistes, pour leur épargner la sensation désagréable d’être trop – ou pas assez – nombreux. 
Conséquence directe de cette privatisation, le choix des événements organisés sous le label EPFL ne dépendra plus seulement de leur pertinence scientifique mais aussi de l’aptitude des organisateurs à les financer. Comme si cela ne suffisait pas, les départements de l’EPFL devront, comme n’importe quel utilisateur, louer le centre des congrès s’ils souhaitent l’utiliser. 
En s’ouvrant sur la ville avec ce projet, l’EPFL a fait le bon choix quant à son développement. Encore faudrait-il que ce qui s’ouvre sur la ville fasse encore partie de l’EPFL. Par sa façon de se tenir à l’écart du projet pédagogique, le centre des congrès semble ne pas répondre à cette condition. Le SwissTech Convention Center fonctionne comme une entreprise privée qui aurait choisi le campus comme décor. Dans ce contexte, la sophistication de son auditorium se transforme en symptôme d’un choix stratégique erroné. 
Des solutions moins coûteuses mais tout aussi efficaces auraient pu être envisagées. Les gradins de l’Arsenic à Lausanne sont modulables et n’ont coûté qu’une fraction de la somme déboursée pour ceux du centre des congrès. Une modularité moins high-tech, plus expérimentale aurait certainement été plus en phase avec l’esprit du campus. Elle aurait conditionné différemment l’usage de l’équipement, restreint aujourd’hui par sa labellisation en tant qu’équipement « haut de gamme », avec les impératifs de rentabilité qui vont avec. 

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