Re­tour à la terre

Editorial du 17/2016

Publikationsdatum
31-08-2016
Revision
01-09-2016

Le film commence par un cartel noir, au centre duquel est dessiné un parallélépipède au trait blanc. Une brique. La première séquence se situe à Gando au Burkina Faso. Des femmes déversent de l’eau dans une fosse où les hommes s’affairent à la mélanger à la terre, avant de remplir de cette matière un cadre de bois posé à même le sol pour en faire une brique, puis une autre, et encore une autre, laissées à sécher au soleil. Quelques semaines plus tard, elles sont assemblées à l’aide d’un mortier de terre pour construire une clinique. Une fois les murs montés, les femmes les aspergent d’eau puis les couvrent d’un enduit de terre qu’elles appliquent à la main. Dans ce documentaire sans commentaire d’Harun Farocki réalisé en 2009, Zum Vergleich, tout commence avec la brique de terre crue. Technique simple en apparence, économique et écologique, ne nécessitant pour sa fabrication que l’énergie des hommes et des femmes (et c’est déjà beaucoup), et la terre que l’on a sous les pieds.

Depuis quelques années, la terre crue est sur toutes les lèvres, comme le fut un temps le bois et comme le seront peut-être demain la paille, le bambou, la pierre ou tout autre matériau qualifié un peu rapidement d’«innovant». Brique de terre compressée, adobe, pisé, bauge, toutes les techniques constructives utilisées à travers le monde et les âges sont mises à l’honneur, «redécouvertes» aujourd’hui, comme elles l’avaient déjà été dans les années 1970 par une poignée de pionniers. La terre crue arrive à maturité auprès du public, elle résonne à l’unisson avec nos préoccupations contemporaines : préservation du patrimoine et des savoir-faire, retour au «local», écologie, réappropriation des modes de fabrication et de production pour lutter contre les dérives d’un système économique mondialisé... Le matériau acquiert une dimension éthique, voire politique. Rançon de ce succès : la terre crue attise les convoitises des industriels du bâtiment, qui y voient de nouvelles sources de développement. La technologie s’en mêle, pour améliorer les performances du matériau ou le dénaturer, selon les points de vue.  

Ce numéro de Tracés, quatre ans après le premier numéro consacré au matériau (Tracés no 12/2012), fait le point sur l’état de la question et les débats en cours au sein de la « communauté de la terre », à l’occasion du congrès TerraLyon 2016 et du Salon Suisse de la Biennale de Venise. Pour tout savoir sur l’avenir de la terre. 

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