Rayé de la car­te

Éditorial de Philippe Morel du numéro 11/2018

Publikationsdatum
16-05-2018
Revision
18-05-2018

Si une carte est avant tout une représentation codifiée d’une réalité territoriale, l’expression « rayer de la carte » montre à quel point elle tend bien souvent à devenir plus tangible que le territoire qu’elle représente. Un endroit n’existe que s’il est dûment cartographié, répertorié, mis a jour. Si la carte permet à un territoire de se revendiquer comme tel, elle permet également de l’appréhender sans même avoir à y poser les pieds. Cette assertion trouve une résonance bien particulière dans l’histoire helvétique. En effet, si la Suisse moderne est devenue un Etat en 1848, c’est un peu grâce à la réalisation d’une première carte topographique à l’échelle nationale. Pour la première fois, la Suisse y est représentée comme un tout et non comme une somme d’individualités cantonales. Ce n’est donc peut-être pas un hasard de l’histoire si l’homme qui devait emporter la paix après la guerre du Sonderbund, Guillaume Henri Dufour, est celui-là même qui entreprendra la cartographie exhaustive du territoire national.

A contrario, il suffit de rayer de la carte un pays, une ville ou une frontière pour le faire disparaître, voire nier son existence. Il n’est donc guère étonnant qu’un outil aussi stratégique que la cartographie reste bien souvent dans le giron des militaires : si la société civile suisse a très tôt eu accès aux cartes nationales, notamment sous la pression de groupes d’utilisateurs comme les milieux de la science et de l’ingénierie ou encore le Club alpin suisse, l’Office fédéral de la topographie est encore aujourd’hui intégré au Département de la défense, de la population et du sport.

Poursuivant son exploration des technologies numériques, TRACÉS vous invite dans cette édition à découvrir les nouveaux enjeux liés à leur application dans le champ de la cartographie. Si elles emmènent les cartes et le métier de cartographe dans le monde de l’industrie 4.0, elles offrent aussi la possibilité de mieux cartographier le passé. Et quoi de plus indispensable qu’une carte pour voyager dans le temps?

Magazine