Ra­di­cal­e­ment dura­ble

Editorial paru dans Tracés n°21/2013

Publikationsdatum
29-10-2013
Revision
01-09-2015

La durabilité est sur le point de devenir notre nouvelle doxa. Pourtant, les questions autour des moyens d’y parvenir demeurent entières. La normalisation d’un mode de pensée qui a flirté avec l’activisme radical ne constitue pas nécessairement un progrès. Partant du constat que pratiquement tout (et son contraire) peut être dit au nom de l’écologie, les architectes belges de Rotor, commissaires de la 5e triennale d’architecture d’Oslo, ont tenté de redéfinir le débat. 

Quelle est l’origine de l’écologie constructive ? Y a-t-il un conflit entre low et high-tech ? L’industrie de la durabilité serait-elle un contresens ? La durabilité peut-elle fonctionner sur le mode d’un label ? Les éco-quartiers financés par l’industrie pétrolière sont-ils vraiment durables ?

La méthode choisie par Rotor pour stimuler le débat peut surprendre. Elle consiste à tout mettre sur un plan, en exposant des projets, des objets et des archives sans la moindre hiérarchie. On y trouve pêle-mêle des aberrations du greenwashing, de très beaux projets écologiques et humains, des drôleries des années 1970, de la mégalomanie éco-urbaine et du green business.

Au début, cet amalgame indigeste agace. L’absence de fil rouge est perçue comme une faiblesse du projet. criticat, initialement co-commissaire de la triennale, ayant claqué la porte, on a vite fait de penser qu’ils sont repartis avec ce qu’ils auraient pu apporter : de la clarté et du sens.

Puis, en y regardant de plus près, apparaît une autre explication, qui tient plus de la stratégie : en ne prenant pas position, Rotor nous oblige à le faire. En supprimant les distinctions entre la « bonne » et la « mauvaise » écologie, il nous pousse à repenser le tout et à rechercher les infimes différences qui donnent du sens aux choses. On en ressort avec une vague sensation que la prolifération des discours sur l’écologie constructive ne fait pas nécessairement avancer les choses, et que la durabilité a tout intérêt à renouer avec son origine critique et radicale si elle ne veut pas sombrer dans l’insignifiance. Cela non par amour du radicalisme, mais parce que dans sa phase militante, l’écoconstruction avait un objectif : rétablir l’équilibre entre l’homme et son environnement. Il n’est pas certain que les stratèges marketing du green business, conditionnés par des impératifs de rendement, puissent toujours tenir compte de cet objectif. C’est pourtant de cela qu’il s’agit.

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