Pré­ser­ver la san­té du sol

La perte d’humus et de biodiversité, l’érosion et le compactage mettent le sol à rude épreuve. Les nombreuses prestations qu’il fournit, qui profitent à l’être humain et à l’environnement, s’en trouvent menacées. Le Programme national de recherche "Utilisation durable de la ressource sol" (PNR 68) montre ce qu’on peut faire pour préserver à long terme les capacités des sols.

Publikationsdatum
27-04-2018
Revision
27-04-2018

La capacité des sols est non seulement d’une importance capitale pour l’agriculture, mais elle conditionne aussi la pureté de l’eau potable et contribue à la protection contre les crues et les glissements de terrain. Les sols jouent de plus un rôle majeur comme réserve et comme source des gaz à effet de serre les plus importants que sont le dioxyde de carbone, le méthane et le gaz hilarant. Plusieurs projets du PNR 68 se sont intéressés aux facteurs perturbant les capacités des sols, autrement dit nuisant à leur qualité. L’accent a surtout été mis sur la perte de substance organique du sol – l’humus – et sur le compactage. D’autres projets ont cherché des stratégies qui préservent ou améliorent la qualité des sols, faisant appel à des mesures d’exploitation agricole ou à des solutions nouvelles pour la protection des cultures.

Fumier en insuffisance: perte d’humus
L’humus joue un rôle fondamental dans le sol: il contribue au stockage des nutriments et de l’eau, favorise la structuration du sol et nourrit les organismes qu’il abrite. On observe cependant que de nombreux sols agricoles ont tendance à voir diminuer leur humus, ce qui a un impact sur les fonctions du sol et peut, à long terme, menacer la production agricole. En outre, la dégradation de l’humus dans ce grand réservoir de carbone qu’est le sol provoque le rejet de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère, contribuant ainsi à l’effet de serre. La perte d’humus est particulièrement aiguë dans les sols des marais asséchés, qui constituent la source principale des émissions de CO2 dans l’agriculture suisse. Le changement climatique va, selon toute probabilité, accélérer cette perte d’humus. La diminution de l’humus dans les sols cultivés tient entre autre au fait que la culture des champs et l’élevage sont, de plus en plus, séparés spatialement. Conséquence: les champs ne reçoivent pas assez d’engrais de type fumier, qui compenseraient les pertes. L’évacuation des résidus de récoltes et l’absence de prairies dans la rotation des cultures contribuent aussi à faire diminuer l’humus dans les sols. «Il est donc essentiel de favoriser les pratiques culturales comme l’inclusion d’engrais verts et de prairies dans la rotation des cultures, qui permettent de conserver la teneur en humus, et de diminuer celles qui accélèrent les pertes – évacuation des résidus de récoltes par exemple», souligne Raphaël Charles, directeur de l’Antenne romande de l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL).

Conséquences à long terme du compactage des sols
Le passage de machines lourdes sur des sols humides – lors de travaux agricoles, forestiers ou de construction – peut gravement endommager leur structure. Suite à un tel compactage, le sol devient quasiment imperméable à l’eau et à l’air. Un essai de longue durée spécifiquement axé sur cette question, réalisé à Zurich-Reckenholz, a montré que les dégâts atteignent une grande profondeur et réduisent le rendement de 20 à 80 pour cent dans l’année qui suit le compactage. Si celui-ci est important, les dommages sont irréversibles et, même avec des mesures de régénération adéquates, il faut des années pour qu’un sol retrouve une structure saine. Ces résultats soulignent l’importance des mesures de prévention: il faut veiller en particulier à n’utiliser de machines lourdes que dans des conditions favorables, ou à réduire leur emploi de façon générale. Il faut également envisager une teste de conformité pour les engins agricoles lourds.

Optimiser les stratégies de fumure
La fumure intense dans certains secteurs de l’agriculture suisse surcharge également le sol. Elle provoque le lessivage des nutriments qui finissent dans les eaux, et des émissions du gaz hilarant dans l’atmosphère. Elle contribue donc à la pollution des eaux et à l’effet de serre. En adaptant la répartition spatiale de la fumure et en incluant des légumineuses, des cultures dérobées et des prairies à trèfles pluriannuelles dans la rotation des cultures, on pourrait réduire l’utilisation des engrais azotés.

Une agriculture adaptée aux conditions régionales et locales
La réforme agricole des années 1990 a imprimé à l’agriculture suisse une direction bien plus adaptée aux conditions naturelles. La spécialisation des exploitations, leur tendance à devenir plus grandes, mais également les exigences du marché, ont toutefois à nouveau aggravé les contraintes qui pèsent sur les sols. Par conséquent, la voie à tracer pour l’avenir doit être celle d’une agriculture adaptée à chaque région et chaque station; elle doit viser la qualité du sol et doit pouvoir exister avec le moins d’agents auxiliaires possibles et un emploi limité des machines. On peut citer comme exemples de ce type d’agriculture les techniques sans labour, la couverture permanente du sol et l’introduction de cultures dérobées multifonctionnelles dans la rotation des cultures. «Mesurer régulièrement la teneur en humus serait une manière de vérifier la durabilité de l’agriculture», affirme Frank Hagedorn de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL.

Des décisions de principe sont toutefois indispensables en ce qui concerne les marais asséchés, en particulier en raison du fait que nombre de systèmes de drainage existants doivent être rénovés, et parce que la dégradation de l’humus atteint bientôt le sous-sol dans plusieurs régions. Jusqu’à maintenant, il n’a pas été possible de trouver une stratégie qui assure une exploitation durable de ces sols. Si on continue de les exploiter, ces marais asséchés représenteront toujours une source majeure de CO2 dans l’agriculture.