Ma­té­ria­li­ser une nou­vel­le vi­si­on

Entretien avec Pierre Feddersen, architecte et urbaniste co-propriétaire du bureau Feddersen & Klostermann

Publikationsdatum
01-10-2012
Revision
19-08-2015

Tracés : En 2008, la Ville de Sion vous a commandé un bilan urbanistique de son territoire. Quelles ont été vos principales conclusions ?
Pierre Feddersen : Oui, après avoir réalisé et lancé toute une série de travaux de grande qualité, notamment en vieille ville, Nathalie Luyet Girardet, alors architecte de la Ville, et le service de l’édilité souhaitaient obtenir une vision globale. J’ai donc été enjoint à mener une analyse et un regard critique sur l’ensemble du territoire. Le premier point sur lequel j’ai insisté est la beauté du site de Sion. Cette plaine rompue par les deux pitons rocheux que sont Valère et Tourbillon, les montagnes toutes proches, les coteaux – l’un très structuré par l’homme, l’autre plus naturel – et enfin le Rhône, sinueux et puissant, font de la structure paysagère de Sion quelque chose d’unique. Cet écrin très particulier requiert donc un développement urbain sensible, reposant en premier lieu sur le paysage. Le Rhône tout d’abord : le projet lauréat du mandat d’étude parallèle organisé par la Ville et le Canton, fait du fleuve la véritable colonne vertébrale des espaces publics de Sion. Cette impulsion doit permettre une requalification des territoires attenants au Rhône, notamment du côté de Champsec Vissigen, ou encore du secteur industriel et artisanal au sud de la gare. Les coteaux ensuite : il faut absolument en préserver la poésie. Trois prescriptions simples peuvent à mon avis y contribuer : ne pas étendre la zone à bâtir, respecter le parcellaire et la topographie lors des constructions, et protéger les murs en pierres sèches.

Votre analyse n’a pas uniquement porté sur le grand paysage, mais aussi sur les différents quartiers. 
En effet. La ville du XXe siècle qui s’étend entre la vieille ville et les voies CFF, est probablement l’un des plus grands patrimoines architecturaux suisses des années 1950. Organisée de manière rigoureuse autour d’une trame rectiligne en damiers, elle nécessite un travail très ponctuel, en fonction de la situation. A l’instar du système mis en place pour la vieille ville, aucune règle générale ne peut être appliquée. 
Champsec et Vissigen, à l’ouest, sont des quartiers dont la construction a débuté dans les années 1970, mais qui n’ont jamais réellement été terminés. Afin de caractériser ces quartiers, un travail paysager doit être mené sur les espaces publics – notamment le long du Canal de Vissigen. Le cours Roger Bonvin doit être pensé dans une perspective de densification et de programme mixte. Y établir des fonctions publiques devrait également dynamiser ces quartiers dont la structure, qui fait penser aux parcs des tours issues de l’urbanisme moderniste des années 1950, est intéressante.
Le plus grand potentiel de développement se trouve au sud des voies ferrées. Pour l’instant quartier industriel hétéroclite, la ville du XXIe siècle, ainsi nommée par les autorités pour souligner son importance future, doit se muter en un nouveau centre aux fonctions diverses – habitat, loisirs, éducation et emploi. L’exemple à suivre pourrait être Zürich-West.
Le dernier grand quartier à traiter est celui de Châteauneuf. Problématique de par sa proximité avec l’aéroport, il possède cependant une morphologie, un relief diversifié et des qualités spatiales indéniables. Travaillé avec intelligence, notamment dans ses liens avec la ville du XXe siècle, ce quartier a toutes les chances de renforcer son identité et de voir sa qualité de vie améliorée. 

Le bilan est dressé, le plan directeur communal accepté par le législatif, quelle est maintenant la prochaine étape ? 
Les bilans et propositions faites au travers des différentes études tests et planifications, ont été admirablement traduits dans le plan directeur communal. La vision sur laquelle repose ce dernier – celle d’une ville qui évolue en harmonie avec son paysage, qui n’étend pas sa zone à bâtir mais travaille et développe « l’existant » – est acquise. Il faut maintenant passer à la révision du plan de zone et à la rédaction de son règlement. L’étape est cruciale. Le service de l’édilité va devoir se montrer inventif pour éviter l’écueil d’un plan de zone classique, dont le règlement trop rigide ne laisserait aucune marge de manœuvre et ne prendrait pas en compte le contexte évolutif de la ville. Et comme le règlement ne fait pas tout, et que l’exigence de la qualité urbanistique et architecturale nécessite une prise de conscience de l’ensemble des acteurs de la profession, d’autres outils devraient être instaurés. Je pense notamment à une sous-commission d’urbanisme, formée d’experts extérieurs n’ayant pas le droit d’exercer sur le territoire, et qui puisse notamment donner un préavis fondé et clair sur les futures demandes d’autorisation de construire. La manière de penser et de faire la ville à Sion est véritablement en train de changer. Le nouveau plan de zone et son règlement doivent permettre de matérialiser cette nouvelle vision. L’enjeu est donc de taille.