Les si­tua­tions im­bri­quées

Ouverture de la saison 2014-1015 du Théâtre Vidy-Lausanne, avec notamment "Situation Rooms", où spectateur et acteur ne font qu'un

Publikationsdatum
18-09-2014
Revision
25-10-2015

Nous avions déjà consacré un article (lire Tracés no 13-14/2011) au travail de Stefan Kaegi, metteur en scène innovant qui dynamite les conventions théâtrales en proposant des spectacles d’un nouveau genre. 
Situations rooms, présenté à l’ouverture de la saison 2014-1015 du Théâtre Vidy-Lausanne, ne risque pas de décevoir les adeptes de sa dramaturgie faite d’éléments fictifs et documentaires. Pour ce projet, la scène est remplacée par une succession de décors construits. Quant aux acteurs, ils cèdent leur place à des avatars que chacun des spectateurs est supposé incarner. 
Présenté pour la première fois à la Ruhrtriennale, ce projet est une installation que l’on parcourt équipé d’un casque et d’une tablette numérique. Une mise en situation dans des espaces scénographiés, que l’on anime en y pénétrant.
Le thème choisi est ambitieux et caustique : rapprocher deux univers tenus soigneusement à l’écart, mais qui mériteraient d’être pensés ensemble. D’un côté, le monde des marchands et des fabricants d’armes, et de l’autre, celui lointain de ceux qui s’en servent pour combattre. Des espaces évoquant l’ambiance corporate d’une salle de réunion d’entreprise zurichoise succèdent à ceux d’un toit à Alep jonché de cadavres ou d’un bloc opératoire à Freetown. 
La déambulation dans les décors est animée par des avatars qui vous expliquent le rôle qu’ils ont joué, dans les différentes situations juxtaposées. Progressivement, les récits s’imbriquent pour former un tout. 
L’orchestration des déplacements par la synchronisation des 20 scénarios fait des autres spectateurs les figurants de votre propre parcours. 
Dans la peau d’un réfugié syrien en attente de permis de séjour, vous vous faites servir le thé par son épouse. L’instant d’avant, vous étiez chirurgien MSF en train d’opérer un blessé par balle. Plus tard, vous piloterez un drone à la recherche d’insurgés dans le désert. 
Avec Situation rooms, Stephan Kaegi s’attaque à un tabou des sociétés occidentales : l’incapacité de penser le rapport de cause à effet entre notre bien-être et le désastre lointain. Son travail démonstratif ne laisse aucun doute : ces deux mondes, celui du travail bien fait d’ici et de l’horreur absolue là-bas, ne sont pas simplement liés ; ils sont le revers l’un de l’autre.