Le plan, ou­til du dou­te

Éditorial de Tracés n°15-16/2011

Publikationsdatum
09-01-2012
Revision
19-08-2015

Alors qu’il faut aujourd’hui savoir « lire la ville » pour se sentir vraiment citadin – l’expression fait florès dans toutes sortes de discours qui traitent de l’urbain –, le fait de lire des plans ne va pas de soi. Paradoxalement, l’habitant lambda, habitué aux cartographies en ligne et à des systèmes de guidage de toute sorte, est mal à l’aise dès qu’il s’agit de s’orienter sur une carte. Pourquoi ? D’où vient cette méfiance face à un outil aux multiples avantages, tant esthétiques que documentaires ?
Le malentendu vient du fait que le plan, cette « représentation en projection horizontale », est souvent pris pour la réalité, voire comme un garant de celle-ci. Alors que l’on sait, depuis Ferdinand de Saussure, que tout signe lie un signifiant et un signifié de manière arbitraire et immotivé, les outils numériques, perpétuellement mis à jour, nous font croire à une convergence entre la carte et le monde. Pourtant, un plan est avant tout un langage, un système de conventions où traits, formes et couleurs représentent uniquement certains aspects de la réalité.
Dans cette perspective, le plan directeur, et à fortiori l’urbanisme, n’est qu’un langage qui se rapporte à une projection dans le futur, projection doublement incertaine puisqu’elle se base sur un relevé du présent forcément incomplet – un plan ne peut être ni exhaustif ni dynamique – tout en tablant sur un futur indéterminé. Le piège consiste à croire que ce que l’on dessine serait « vrai », qu’un plan et la situation sur le terrain, présente ou future, coïncident. Au fond, il faudrait les lire comme on lit un texte, voire un poème. Et chaque plan afficherait alors impérativement en exergue : « je ne suis que doute ».
Voilà pourquoi il est remarquable que l’on compare des plans de différentes époques, qu’un livre comme 1896 - 2001. Projets d’urbanisme pour Genève ait pu voir le jour. C’est une manière de mettre en perspective une quantité de doutes, de montrer qu’aucune des étapes historiques de la planification urbaine ne correspond à la réalité, mais que chacune a laissé des traces. La somme des documents réunis constitue un véritable inventaire et montre qu’ici, l’aménagement du territoire témoigne d’une volonté collective. Elle nous invite à lire, relire, reporter, dessiner et interpréter des plans sans cesse.

 

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